[Spécial RSE] Machines : la vie devant soi
Il existe une 2e vie pour les machines installées chez les cafetiers et les restaurateurs (tireuses à bière, machines et moulins à café…). Ce marché, immense, intéresse aujourd’hui certaines centrales de distributeurs de boissons. L’enjeu est économique et écologique.
Le 25 mars, les 97 distributeurs de boissons, adhérents du réseau C10, ont reçu une offre inédite de leur centrale. Elle propose tout un dispositif afin de reconditionner les colonnes des tireuses à bière installées chez leurs clients cafetiers et restaurateurs, qu’ils sont amenés à récupérer (usure, demande du client d’un modèle plus récent, fermeture de l’établissement…). L’offre de la centrale C10 est originale (cf. encadré).
En effet, si des distributeurs de boissons remettent en état depuis toujours, ou presque, les tireuses à bière qu’ils installent chez leurs clients – qui leur appartiennent selon le modèle de la mise à disposition – ainsi que d’autres matériels (machines et moulins à café, machines à glace, lave-verres…), c’est le fruit d’actions individuelles et isolées. Résultat : dans un certain nombre de cas, les machines récupérées chez les clients dorment dans les entrepôts avant de finir leur vie chez le ferrailleur…
L’offre de C10 est le signe d’un changement d’époque. Aujourd’hui, l’écologie, avec sa traduction dans le recyclage, est l’une des composantes de la politique RSE des entreprises. Les distributeurs de boissons, pour leurs machines, ne font que rejoindre d’autres secteurs habitués à ces circuits dits de seconde main. « Reconditionnement ou occasion, cela se pratique déjà depuis longtemps pour les smartphones et les voitures », rappelle Cloé Jacque, la permanente de C10 pour la commission « matériels de bars ».
Plus de 100 000 tireuses à bière en service
Le marché en vaut la peine. C10 s’est livré à une estimation du potentiel. En France, plus de 62 000 établissements (cafés, bars, restaurants…) seraient équipés d’une tireuse à bière installée par un adhérent du réseau C10. Impressionnant en soi, le chiffre ne concerne qu’un réseau ! En ajoutant Distriboissons, autre réseau majeur de distributeurs de boissons en France (70 adhérents), le parc des machines en service dépasse très probablement les 100 000 unités dans l’Hexagone, dont une grande partie sont récupérables. « Sur la centaine de tireuses à bière que nous renouvelons chaque année chez nos clients, le 1/3 environ sont récupérables en partie ou en totalité car certaines pièces ne s’usent pas », apprécie Claude Bréhat, le président de Bono Distribution (71e de notre Top 100). « On remet en état tout ou presque sur les tireuses à bière, les colonnes et le groupe froid. Les lignes python (les conduits où circule la bière) sont la seule partie que l’on renouvelle systématiquement, car elles peuvent avoir des fuites avec le temps », confirme Rémi Souchon, directeur général de Souchon Boissons Services (66e de notre Top 100). Le constat est identique pour les machines à café et les moulins. La plupart du temps, leurs composants ont avant tout besoin d’un bon nettoyage. Et quand il faut les changer, cela ne coûte pas cher. Quelques dizaines d’euros pour une électrovanne ou un compteur volumétrique et une centaine d’euros pour une carte électronique. Des montants ridicules comparés aux 2 à 4 000 € d’une machine à café de 2 ou 3 groupes, neuve. Comme pour les tireuses à bière, le marché potentiel est important. Chez Cafés Richard uniquement (13e de notre Top 100), 18 000 machines à café de différentes tailles, et moulins, sont passés par ses ateliers de reconditionnement en 2020, une année creuse. Ce nombre était de 22 000 en 2019.
Une demi-vie de gagnée pour une machine à café
Qu’il s’agisse de bière ou de café, dans tous les cas le reconditionnement mobilise principalement de la main-d’œuvre. Chez Bono Distribution, les cinq techniciens affectés aux tireuses à bière travaillent à tour de rôle à l’atelier de reconditionnement. Ils y reçoivent quelques heures par semaine le coup de main… de plombiers à la retraite venus partager avec eux leur savoir-faire. L’organisation est à peu près la même chez Souchon Boissons Services. Les 10 techniciens machines (tireuses à bière et machines à café) répartissent leur temps entre l’installation des matériels chez les clients et la « sanitation », le terme consacré pour qualifier le nettoyage et le reconditionnement. Chez Cafés Richard, enfin, l’organisation est déjà quasi industrielle. Le distributeur possède trois ateliers de reconditionnement en France – 2 à son siège de Gennevilliers (92) et un à Tours (37) – qui emploient 35 personnes au total.
Après être passées par les ateliers des distributeurs, les machines sont prêtes pour une seconde vie. « Nous avons des tirages pression qui fonctionnent toujours et qui ont dépassé les dix ans. Même chose pour les machines à café. Celles qui nous reviennent au bout de cinq ou six ans sont reconditionnées et vivent dix voire quinze ans au final », détaille Rémi Souchon. Anne Richard Bellanger, directrice générale de Cafés Richard, arrive à des chiffres identiques. « Une machine à café neuve a une durée de vie de six ans ; le reconditionnement lui fait gagner une demi-vie, soit trois ans de plus. » La remise en état profite à tout le monde. Les distributeurs qui achètent moins de matériels neufs aux fabricants et leurs clients qui bénéficient d’occasions pouvant aller jusqu’à - 50 % pour une machine à café. Des établissements plus petits récupèrent souvent les matériels d’occasion délaissés par leurs confrères. À condition d’accepter le principe. Car des clients se méfient encore des matériels reconditionnés. La RSE est l’affaire de tous…
Olivier Bitoun
Article extrait de Zepros Distributeurs RHD 11 daté Mai 2021
C10 organise le reconditionnement pour ses adhérents
L’offre : elle concerne les colonnes des tireuses à bière qui sont reconditionnées ainsi que les circuits d’alimentation qui sont changés. Le tout à un prix négocié par C10 avec ses fournisseurs.
La date de lancement : 25 mars 2021.
Les partenaires : la rénovation des matériels est assurée par Lenne et Duflot-Antoine-Vache (DAV), les deux fournisseurs des tireuses. Lenne et DAV récupèrent ces dernières à reconditionner chez les distributeurs.
Les extensions éventuelles : C10 discute pour inclure également les groupes froid, un autre composant majeur des tireuses à bière, dans l’offre. Une étude est en cours pour proposer aux adhérents une offre analogue sur les machines à café.