Tribune du Collectif Café : « Notre café brûle et nous regardons ailleurs »

, mis à jour le 10/09/2025 à 10h37
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Café Caron (c)Caron

A quelques jours de l'ouverture du Paris Coffee Show et de la journée mondiale du café, Anne Caron, Meilleur Ouvrier de France Torréfactrice, signe la tribune du Collectif Café. Nous la reproduisons ici dans sa globalité.

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La flambée des prix du café, due au réchauffement climatique, n'est pas prête de s'arrêter. Les représentants du Collectif Café plaident pour une consommation d'un café éthique et de qualité pour pallier la crise du secteur. On pourrait penser que la hausse spectaculaire des cours du café, 75 % en un an, et 160 % en cinq ans pour l'Arabica, 60 % en un an et 290 % en 5 ans pour le Robusta (1), n'est qu'un simple aléa du marché, appelé à se « corriger » rapidement. On pourrait même croire qu'il s'agit d'une aubaine pour la filière d'autant plus que la demande mondiale ne cesse de croître... Mais il n'en est rien. Les producteurs sont toujours aussi peu rémunérés pour leur travail tandis que les consommateurs, dans leur grande majorité, boivent un café dont le prix augmente sans que la qualité et la durabilité soient au rendez-vous.
 

Un modèle à bout de souffle

En réalité, cette flambée des prix est la conséquence directe de la dégradation des rendements agricoles, du réchauffement et dérèglement climatique qui, loin d'être temporaires, sont désormais installés... et de l'échec patent du modèle agroalimentaire qui domine encore 90 % de la filière caféière ; une production intensive en quête de prix toujours plus bas pour maximiser les marges bénéficiaires qui s'appuie sur une alliance entre les industriels et la grande distribution, véritables « meilleurs ennemis » du secteur. À plus grande échelle, cette situation met en évidence l'incapacité du modèle face aux enjeux et défis du XXIe siècle.
Dans notre filière, la paysannerie caféière disparaît peu à peu alors qu'elle fournit 80 % de la production mondiale (2). L'âge moyen des caféiculteurs atteint désormais 59 ans (3), et les petites exploitations sont soit vendues à des promoteurs immobiliers, soit redirigées vers des cultures plus rentables, voire, abandonnées. L'exode rural et l'émigration affligent l'ensemble de l'Amérique Latine, réduisant considérablement la main-d'oeuvre disponible pour la récolte et la préparation du café. La déforestation et l'utilisation intensive d'intrants agrochimiques ravagent les écosystèmes et détruisent le bien le plus précieux des producteurs, leurs sols. Les sols des plus grands pays producteurs de café n'en peuvent plus. Le Brésil a lui seul, a perdu 3 milliards de tonnes de terres fertiles en 1 an (4) - l'équivalent d'un Everest tous les 2 ans ! La filière café est à bout de souffle et s'engouffre un peu plus chaque année dans un abîme environnemental, social et économique... La production chute alors que la demande augmente. Les prix de marché explosent à chaque aléa climatique. Le café va continuer d'augmenter, c'est certain ! 

Privilégier le café de qualité

Nous, acteurs engagés de la filière café, affirmons qu'il existe un autre modèle et le défendons. Un modèle plus juste, plus qualitatif, plus éthique, plus respectueux de l'environnement et résilient, qui s'oppose aux pratiques court-termistes et prédatrices de l'industrie café dominante. L'offre de ces cafés de qualité, est désormais largement accessible, dans toutes les villes de France, chez les torréfacteurs artisans, une profession qui renaît de ses cendres. Cela s'inscrit dans la dynamique mondiale de la montée en gamme du marché et du développement du marché du café dit « de spécialité ».

Cette voie alternative renforce les producteurs de cafés de qualité, qui bénéficient de rémunérations plus justes, de formations adaptées et d'une relation directe avec leurs acheteurs, qu'il s'agisse de torréfacteurs ou d'importateurs spécialisés. En s'émancipant de la filière agro-industrielle et du prix de marché qui ne reflète en rien les coûts réels de production, ils préservent ou régénèrent leurs écosystèmes. Cela devient un gage de qualité pour leur produit tout en assurant une résilience face aux aléas climatiques. Comment persévérer dans cette voie ? Soyons plus exigeants quant à la qualité : goût, traçabilité, respect du terroir et des communautés. Adoptons une autre consommation du café. Les Français privilégient l'achat de leur pain chez le boulanger plutôt qu'en supermarché, il devrait en être de même pour leur bon café que l'on trouve chez un torréfacteur local, café de quartier, « coffee-shop » ou « néo-café » dont l'essor se confirme ces dernières années. Les Français privilégient l'achat de leur pain chez le boulanger plutôt qu'en supermarché, il devrait en être de même pour leur bon café que l'on trouve chez un torréfacteur local. Le café répond aux règles du terroir similaires à celles du vin. Ses arômes divers sont le résultat d'une combinaison unique de climats, de sols, de variétés et de savoir-faire artisanal. Il doit être consommé fraîchement récolté, importé et torréfié. Chaque café associé à une méthode d'extraction
correspond aux goûts et envies de ceux qui le consomment. Un « bon » café, est un café qui respecte les producteurs, la nature, le goût, le plaisir et la santé des consommateurs. Ces critères définissent le « bon rapport qualité prix » et donnent l'espoir que le café puisse rester une boisson quotidienne et abordable et non pas un luxe dans les années à venir. Si l'on peut « lire l'avenir dans le marc de café », c'est à nous, consommateurs et professionnels, d'écrire la suite de l'histoire de cette fabuleuse boisson.
Loïc Marion et Christophe Servell sont respectivement président et vice-président du Collectif Café.
Sources :
(1) Cours Café NY Arabica - Londres Robusta - Mars 2025
(2) International Coffee Organization, Data on the Global Coffee Trade
(3) International Coffee Organization, Data on the Global Coffee Trade.
(4) Soil Of Excellence (SOE) : https://www.belco.fr/fr/blog/cafe/soilofexcellence

Myriam Darmoni est rédactrice en chef de Zepros Snack. Elle suit tout l’univers de la restauration rapide et du snacking.
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