La météo plus forte que les Jeux !
Les distributeurs de boissons espéraient une consommation dynamique cet été grâce aux Jeux de Paris. Fin septembre, le compte n’y était pas. Des Jeux moins stimulants que prévu et surtout une météo maussade expliquent une saison d’été en retrait. Témoignages des trois grands réseaux de distributeurs de boissons.
Pourtant le public a été au rendez-vous. Physiquement au moins ! Près de 15 millions de touristes sont venus dans la capitale pendant les trois semaines des Jeux olympiques et paralympiques ; 12 millions de billets ont été vendus pour les épreuves dont 9,5 millions pour les Jeux olympiques, ce qui constitue « le record absolu pour un tel événement », selon Paris 2024 et 2,5 millions pour les paralympiques. Dans Paris intra-muros, sur la période des Jeux, l’hôtellerie affiche un très bon bilan avec un taux d’occupation de 84 %. On pouvait logiquement attendre que les distributeurs, et en particulier les spécialistes des boissons, aient fait de bonnes affaires cet été (juin à fin septembre). Las ! Les trois grands réseaux – C10, Distriboissons et France Boissons – sont déçus. « Le marché est en baisse avec un recul de la fréquentation », regrette Laurent Théodore, le président de France Boissons. Ses deux homologues mettent des chiffres sur la morosité. Camille Delettrez, la responsable marketing de C10, annonce des ventes en baisse de 3,4 % en volume en France sur juin, juillet, août, et de - 1 % en valeur. Paris et l’Ile-de-France ne sauvent pas le bilan avec des ventes en baisse de 2,3 % en volume et de 1,5 % en valeur. Résultats mitigés également chez Distriboissons. « Au final, le cumul sur la période juin à septembre est en hausse de 1 % en chiffre d’affaires et en recul de 2 % en volume, sur l’ensemble de la France », liste Stéphane Maurin, son directeur général, qui précise que le mois de septembre « a dégradé la performance des mois de juin, juillet et août ». La raison ? Septembre pâtit d’un comparatif très défavorable avec septembre 2023 servi, lui, par la Coupe du monde de rugby et une météo exceptionnelle. En résumé, Stéphane Maurin détaille que « la consommation s’est maintenue dans les cafés et les bars mais a été plus difficile dans la restauration assise ». Il n’y aurait donc pas eu d’effet Jeux ? Confirmation : chez C10 et Distriboissons, le meilleur mois, et de très loin, est celui de juillet qui comptait deux jours ouvrés de plus que juillet 2023 mais qui n’a totalisé que quelques jours de compétitions ; les Jeux olympiques et paralympiques s’étant déroulés essentiellement en août (26 juillet-11 août) puis début septembre (29 août- 8 septembre). Or, août a été « flat » dans les grands réseaux tandis que juin et septembre ont été mauvais voire très mauvais. Constat confirmé par l’enquête réalisée par la CGF auprès de grossistes en produits alimentaires - pas uniquement les boissons - afin de mesurer l’impact des JO sur leur activité. Seul un quart d’entre eux a enregistré une hausse de son activité pendant les Jeux olympiques (jusqu’au 11 août). Tandis que plus de la moitié a connu une baisse de son activité (26 %), voire une forte baisse (26 %) pendant la période olympique. Heureusement, les grossistes qui ont bien travaillé ont souvent très bien travaillé (cf. encadré) !
Été décevant pour les ventes de boissons
Plusieurs explications à cet été décevant pour les ventes de boissons en CHR. Si les Jeux ont attiré du monde, incontestablement, la consommation n’a pas été au rendez-vous. « Les principales raisons tiennent aux contraintes d’exploitation qui ont pesé sur la restauration commerciale conduisant de nombreux établissements situés dans les périmètres immédiats des sites olympiques à devoir fermer ou à préférer fermer plutôt que de rester ouverts en l’absence de clientèle », relève la CGF en conclusion de son étude. La nature de la clientèle, venue assister aux compétitions en famille, et son budget ont également fortement joué. Après l’achat du voyage, de l’hébergement et des places pour les épreuves, la part disponible pour la restauration était souvent réduite. « Le public était nombreux mais a peu consommé dans les buvettes ou restaurants : bon nombre de spectateurs préféraient arriver avec leurs sandwichs et leurs boissons sur les sites olympiques », explique Laurent Théodore. Camille Delettrez complète l’explication : « Les magasins de proximité sont les grands gagnants de la période pour les ventes d’eau et de boissons (softs, bière). » Presque nostalgiques, les distributeurs soulignent le contraste avec la Coupe du monde de rugby organisée en France un an plus tôt (du 8 septembre au 8 octobre 2023). Son public enthousiaste avait rempli cafés et terrasses pour regarder les matchs en groupe et célébrer victoires et défaites… Mais la principale explication de cet été maussade est sans doute météorologique. « Le printemps a été pluvieux et frais, l’été court et l’arrière-saison inexistante », résume Laurent Théodore. Les ventes d’eau, de softs mais aussi de bières, également météo dépendante, en ont clairement souffert. En juin, les ventes en volume ont été en baisse de 20 % sur juin 2023 et comprises entre 0 à - 5 % en septembre. Il est possible d’évaluer le niveau de la casse météo sur l’été. « L’impact météo négatif sur les ventes, mesuré par Weathersnews*, est de 3,4 points sur l’ensemble de l’été, dévoile la responsable C10, avant de conclure, avec une météo normale, nous aurions été à l’étale en volume et positif en chiffre d’affaires. » Et si au seuil de l’hiver, les distributeurs restent globalement sereins, leurs ventes sur les huit premiers mois de l’année étant positives ou à l’équilibre grâce à cinq premiers mois (de janvier à fin mai) satisfaisants, ils s’avouent attentifs à la santé financière de leurs clients CHR. « Nos clients reconstituent leur trésorerie sur les mois d’été, en principe », rappelle Laurent Théodore. Et comme cela n’a pas été le cas cette année, « on sent de la tension », témoigne le dirigeant de France Boissons.
*Weathernews.inc : entreprise spécialisée dans l’analyse des données météorologiques et de leur impact sur l’activité économique.
Germaine Events tire son épingle des Jeux
Germaine Events ne pensait livrer des boissons qu’à Colombes, le stade des épreuves de hockey sur gazon des JOP de Paris. Douze livraisons au final. Puis la magie des Jeux a opéré ! Certifiée VCT (Vendor Certification Program), homologation obligatoire pour livrer un site olympique, la filiale du grossiste en boissons Schoen Distribution (34e de notre Top 100) a aussi reçu des demandes en provenance d’autres sites. À commencer par ceux de la cérémonie d’ouverture ! Dédié à la logistique des événements (épreuves sportives, festivals, salons), Germaine Events a d’abord participé à l’approvisionnement des 326 000 spectateurs massés sur les quais de la Seine le 26 juillet. Sa mission : installer, quarante-huit heures avant le grand jour, 150 tirages pression le long des 6 km de quais du fleuve. Puis démonter le tout en dix heures après la cérémonie. «Niveau vente, ça a été très mauvais à cause de la pluie. On a repris 80 % de la marchandise ! », se souvient presque amusée Morgane Pallone, la directrice du département événementiel. Bilan différent au Club France qui accueillait, à La Villette, champions français et supporters en nombre. « Devant l’engouement formidable, on nous a appelés en renfort. Là, l’opération a été très intéressante en termes de volumes », calcule la responsable. Germaine Events a également livré le Club Slovénie et le siège de l’organisation de Paris 2024. Au final, les Jeux en valent la chandelle ! « On est à + 25 % de chiffre d’affaires sur l’été », se félicite Morgane Pallone, avant d’ajouter : « On s’est donné les moyens en répondant à des cahiers des charges très exigeants. » Il a fallu mobiliser 6 salariés, en horaires décalés, sur l’entrepôt d’Aulnay-sous-Bois (93) – 3 chauffeurs-livreurs et 3 techniciens – afin de préparer les commandes le soir et livrer entre 3 h et 4 h du matin. Le tout par des chauffeurs accrédités dans des camions scellés. « C’est une magnifique référence pour nous », conclut la responsable. En espérant que les équipes d’organisation de Paris 2024 qui travailleront demain dans les fédérations, les clubs et le marketing sportif s’en souviendront…