[TOP INDEPENDANTS 2022 ] L'esprit d'équipe
C’est dans un rythme de travail soutenu et un état d’esprit studieux que nous avons retrouvé nos grands indépendants de la restauration pour la préparation de la 5e édition de ce Top. Si depuis le printemps 2021, les clients sont au rendez-vous, il leur faut désormais faire face à la flambée du coût des matières premières et de l’énergie mais également à la lancinante question du recrutement. En bons judokas de l’entrepreneuriat, les restaurateurs ont décidé d’utiliser la force de l’adversaire. Les stratégies RH redoublent d’inventivité pour attirer les collaborateurs et se muent en véritable moteur pour l’innovation globale des groupes.
« Le but est de s’adapter à la clientèle mais aussi et surtout aux collaborateurs. Aujourd’hui, c’est le premier point de satisfaction que nous cherchons à remplir. » Et la stratégie de Jacques Thipthiphakone, dirigeant du groupe breton Envie, ne fait pas figure d’exception. Outre les revalorisations salariales et le travail sur les rythmes, horaires et coupures, les grands groupes indépendants évoluent sur bien des sujets pour doper leur attractivité.
Beaucoup travaillent notamment leur marque employeur et plus largement leur communication. Sites internet refondus, réseaux sociaux animés, engagement RSE promu, les restaurateurs apprennent à se mettre en avant. « Nous avons réalisé que la communication devait être au cœur de notre stratégie. Nous avons complètement revu nos outils, notre identité visuelle et réécrit nos valeurs pour mieux communiquer autour, partager le plaisir lié à notre métier. Vis-à-vis de nos clients mais surtout des équipes. C’est vraiment le recrutement qui a accéléré les choses », explique Gilles Egloff, à la tête du groupe strasbourgeois Diabolo Poivre.
Ciseler les outils
Et la révolution n’est pas seulement cosmétique ou marketing, l’outil de travail est aussi au centre de toutes les attentions. Nombreux sont les établissements ayant profité de la crise pour effectuer des travaux de rénovation de grande ampleur. « Si nous voulons de bons ouvriers, il nous faut de bons outils. Pour avoir un bon chef, il faut une belle cuisine », glisse Michel Porcel, à la tête de Restoleil.
Même philosophie chez la Maison Loiseau qui réalise actuellement d’importants travaux à Saulieu et notamment dans la cuisine du restaurant gastronomique. « Nous voulons que nos équipes bénéficient de la lumière du jour mais aussi des équipements les plus intelligents possible afin de vraiment leur faciliter le travail », explique Bérangère Loiseau, la vice-présidente du groupe. Pour épargner les collaborateurs et supprimer un maximum de pénibilité, les restaurateurs n’hésitent pas à revoir leurs process de production. À l’image du Nantais Jérôme Guilbert qui a inauguré cette année un atelier culinaire. Cet espace de 80 m2 permet de recevoir toutes les matières premières fraîches afin de réaliser toutes les préparations primaires en amont comme l’épluchage des légumes ou le filetage des poissons. « Cet atelier de préparation a un effet immédiat sur les achats, le contrôle qualité et pour les cuisiniers de nos restaurants qui arrivent un peu plus tard et plus détendus. »
Démarche similaire à Lyon pour le groupe Bocuse qui s’est rapproché du traiteur C-Gastronomie pour bénéficier d’une base arrière artisanale permettant de traiter des volumes plus conséquents tout en facilitant le travail des collaborateurs.
Digital et développement
Autre pourvoyeur d’innovation poussé par les vents porteurs du recrutement: le digital. 61 % des salariés de terrain considèrent les outils numériques comme améliorant leur quotidien et 56 % les trouvent indispensables à l’exercice de leur métier. Une attente bien comprise par les dirigeants qui ne cessent d’étoffer leur arsenal d’applications et solutions.
« Ce n’est plus un confort mais une nécessité, notamment au niveau des relations managers-salariés », résume Jérôme Guilbert. Pour ce dernier, les ressources humaines musclent également le périmètre d’un groupe. « L’autre vecteur de recrutement et de fidélisation de nos salariés, c’est le dynamisme d’un groupe. Nous nous lassons tous, il faut donner des opportunités d’évolutions et cela passe par du développement », explique ce restaurateur qui comme nombre des champions de ce numéro spécial a choisi l’attaque comme mode de défense.
Le terrain, inquiet et engagé
Skello et l’institut de sondage BVA ont révélé en octobre les résultats de leur enquête nationale sur les salariés de terrain. Malgré une pénibilité soulignée par beaucoup d’entre eux (72%), les salariés de terrain éprouvent un attachement très important à l’égard de leurs professions qu’ils estiment utiles (95 %) et plaisantes à exercer (85%),mais ils expriment également une forte attente de reconnaissance et de valorisation (52%). 61% des salariés de terrain considèrent les outils numériques comme améliorant leur quotidien (61%) et indispensables à l’exercice de leur métier(56 %).
« Les nouvelles générations ont besoin de beaucoup de sens dans leur travail. Il faut un projet, un vrai story-telling, un accompagnement au développement personnel des équipes, de la cooptation, du fun… Il faut penser ses projets d’abord pour ses collaborateurs avant les clients finaux. C’est ce que l’on appelle la symétrie des attentions », Dan Cebula, fondateur & CEO chez Depur Expériences.