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[SPECIAL INDEPENDANTS 2024] « De la créativité et un esprit trublion »
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Le groupe savoyard et familial Restoleil, grand spécialiste des établissements saisonniers qui gère déjà une quarantaine de restaurants entre montagne et littoral, continue de gravir des sommets. Il a notamment réalisé sa meilleure saison estivale cette année. Michel Porcel, son dirigeant, nous donne les clés de cette belle solidité entre pragmatisme, diversification et transmission.
Restoleil se porte bien, voire très bien. La totalité de nos activités sont dans le tourisme avec un équilibre à 50 %-50 % entre la montagne l’hiver et la mer l’été. Cela permet de fidéliser les collaborateurs à l’année sur les deux saisons. C’est une recette qui fonctionne bien. Nous réalisons qu’en matière de pouvoir d’achat, les arbitrages se font sur la vie quotidienne mais pas sur les temps de qualité que sont les vacances. Les gens ne se privent pas sur ces périodes-là. L’international, qui représente 50 % de notre clientèle, nous aide aussi. L’année dernière, nous avions réalisé notre meilleur été, cette année nous avons encore fait mieux et finissons à + 3 % vs l’été 2023. Nous réalisons 23 M€ de CA au global.
Sur la partie estivale, nous sommes surtout concessionnaires de restauration dans l’hôtellerie de plein air (HPA). Cela fait quatre à cinq ans que ce segment enregistre des progressions à deux chiffres. Nous opérons 7 établissements HPA qui fonctionnent très bien et qui nous portent à 75 % l’été. À la montagne, nous sommes propriétaires de nos établissements, Notre modèle, ce sont des stations au minimum à 1 800 mètres d’altitude avec un sommet skiable à plus de 3 000 mètres. Nous ne toucherons plus à d’autres stations par rapport aux effets du réchauffement climatique. Nous venons notamment d’acquérir Alberto, un restaurant à Tignes ou nous n’étions pas encore présents. C’est une grosse brasserie de bord de piste sur un concept transalpin offrant le meilleur des gastronomies de montagne en Italie, en Suisse et en France.
Base Camp Lodge réalise 6,5 M€ de chiffre d’affaires avec 3 hôtels et une répartition 50 %-50 % entre la restauration et l’hébergement. Nous y opérons une hôtellerie lifestyle avec des prix allant de 30 € la nuit pour un dortoir ou une capsule à 350 € la suite. Après Les Deux Alpes et Bourg-Saint-Maurice, nous avons ouvert le troisième à Albertville en octobre. Ce sont des hôtels de bas de vallée qui ont la particularité d’être ouverts à l’année. Sur Base Camp Lodge, Chalet des Neiges est l’actionnaire principal à 53 %, nous détenons 25 %, le reste ce sont de petits porteurs. Notre associé gère la partie recherche d’hôtel, travaux et financement. Nous avons en charge l’exploitation. Cette diversification de notre activité nous apporte une expertise dans l’hôtellerie vraiment intéressante. D’autre part, nous sommes propriétaires murs et fonds sur ces hôtels. Il y a une vraie volonté capitalistique.
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Quentin travaille, en effet, depuis sept ans au sein du groupe. Il est directeur des opérations de Base Camp Lodge. Il est amené à prendre ma suite. La moyenne d’âge en saison chez nous est de 24 ans. Les nouvelles générations s’identifient davantage à mon fils, c’est normal et important. Il s’agit de transmission au sens large et pas seulement de patrimoine. Nous sommes un groupe familial à 100 % au niveau du capital. L’avantage est que vous êtes seuls décisionnaires. C’est une vraie souplesse. La contrepartie et que ça limite le développement et que vous n’avez pas un conseil de surveillance qui vous corrige et amène d’autres avis. Cela a ses limites, c’est pour cette raison que l’on n’exclut pas d’accueillir un investisseur un jour.
Nous n’avons pas énormément souffert des augmentations d’énergie car nous avions renouvelé nos contrats six mois avant la crise. Nous avons des tarifs garantis jusqu’en 2025. Pour ce qui est de l’inflation, nous avons augmenté nos prix, à la mer comme à la montagne, d’environ 10 %. Outre les matières premières et l’énergie, est aussi en cause le prix de l’immobilier devenu fou à la montagne. Il y a cinq ans, héberger le personnel coûtait 3 % du CA d’un restaurant. Depuis l’année dernière, c’est 7,5 %. Sur de grandes stations comme Val Thorens par exemple, en quatre ans le mètre carré est passé de 5 500 € à 10 000 €. Le coût du logement de fonction sera bientôt un poste aussi important que les loyers de nos restaurants.
Nous avons créé une centrale qui fonctionne très bien. Nous représentons 55 % de ses achats. Parfois, les prix bougent en fin d’année alors que nous avons déjà fait les cartes mais par rapport aux deux années que nous venons de passer nous sommes plus sereins. Par ailleurs, nous avons remarqué que le service de nos fournisseurs se dégradait avec parfois le non-respect des heures de livraison, des manquants dans les livraisons… Du fait de leurs problèmes de trésorerie, ils sont en flux tendus avec moins de stocks. L’été, il nous est arrivé d’avoir jusqu’à 25 % de manquants. Cela sur toutes les catégories de produits, ce n’est pas lié à un fournisseur précis. Le 2e problème, ce sont les chauffeurs qui sont difficiles à recruter. Les problématiques de nos fournisseurs sont aussi les nôtres car, par répercussion, nous les subissons.
Ce sera éternellement sa réactivité. Les petites barques tournent toujours plus vite que les paquebots, elles prennent plus rapidement le vent. Et aussi la créativité, cet esprit trublion. Nous ne sommes pas du tout chaînés mais nous sommes bien évidemment coordonnés, nous sommes de « gros petits commerçants ». Ce que nous dupliquons, c’est un savoir-faire sur les formations les achats, etc. Nous regardons aussi du côté des villes car les tendances naissent là-bas. Même si la fondue et la raclette restent des valeurs sûres il faut amener des innovations. C’est important d’y être sensible.
CHIFFRES
• 23 M€ de CA pour la restauration avec répartition égale été et hiver
• 44 établissements de restauration saisonnière
• 25 € de ticket moyen
• Plus de 400 salariés en haute saison
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