[Spécial RSE] Les distributeurs en route vers une logistique zéro déchet

Olivier Bitoun
EMBALLAGES
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Le carton et le plastique sont au cœur du débat sur les emballages logistiques et les déchets qu’ils occasionnent. Dans certains cas, le premier est le problème et, dans d’autres, il est la solution. Quant au second, il est parfois le problème et parfois la solution. Explications.

La question des déchets d’emballage ne se cantonne pas aux plastiques à usage unique utilisés par les consommateurs. La logistique BtoB aussi avec ses cartons, ses cageots, ses films plastiques, son polystyrène expansé… occasionne une impressionnante quantité de déchets. Les distributeurs de la RHD sont directement concernés. Tel ce distributeur de boissons, qui réalise 30 M€ de chiffre d’affaires par an, doit se débarrasser de 10 tonnes de carton et de 5 à 6 tonnes de films plastiques chaque année ! « Nous avons démarré le tri sélectif il y a cinq ou six ans car nous avions des poubelles énormes », se souvient son président.

La question qui se pose est bien celle de l’élimination voire de la valorisation de ces résidus d’activité. « Les grands acteurs du secteur de la propreté sont prêts à reprendre les emballages à condition qu’on les rémunère ! » Déjà qu’il effectue le tri, pas question pour ce dirigeant de payer en plus ! Une société de recyclage lui rachète ses cartons et ses plastiques ce qui lui rapporte 5 000 à 6 000 € par an. Mais tous les distributeurs n’ont pas trouvé une telle solution.

Le problème est d’autant plus pressant que les emballages produisent des déchets chez leurs clients également. Les cas de restaurateurs en délicatesse avec leurs copropriétés, parce qu’ils encombrent les poubelles de l’immeuble avec leurs cartons et leur polystyrène, s’accumulent. Les problèmes de cohabitation et l’écologie ne sont pas les seules raisons qui poussent les distributeurs à se pencher sur leurs emballages usagés. Les acteurs de la RHF redoutent aussi que la loi s’en mêle.

Pour l’heure, les textes en vigueur – loi de Transition énergétique – ou en préparation – loi Climat et Résilience – s’attaquent aux plastiques qui finissent entre les mains des consommateurs (couverts, assiettes, gobelets…). Le circuit BtoB est plutôt épargné pour l’instant. Mais pour combien de temps ?

Le plastique pour remplacer le carton

Au-delà des déchets, le sujet des emballages pose la question du choix des contenants servant aux livraisons et celle de leur coût. L’achat des cartons, des films plastiques et adhésifs souvent à usage unique, est un poste de dépenses. Forezia Snacking (58e de notre Top 100) achète chaque année pour 40 000 € de cartons, pour un CA de 39 M€.

Des solutions existent pour réduire les quantités d’emballages utilisées. Plusieurs distributeurs remplacent les cartons servant à livrer leurs clients par des caisses plastiques réutilisables ; le circuit s’apparente à celui des palettes bois. En 2020, le distributeur de produits carnés et de produits de la mer Maison Berjac (63e de notre Top 100) a fait la bascule.

Fini les cartons qui pesaient 100 tonnes par an ! La totalité des livraisons se fait désormais grâce aux 3 000 caisses plastiques achetées 25 000 €. La viande sous vide est placée dans les caisses. Ces dernières, que Maison Berjac a pris le soin de faire marquer, sont récupérées chez les clients à l’occasion de la livraison suivante ; elles sont lavées puis remises dans le circuit. L’accueil des clients est positif. « Ils ont moins de déchets à gérer », apprécie le P-DG Mikaël Cadio de Groupe Cadegau, la maison mère de Maison Berjac. Chez le distributeur de fruits et légumes et de produits de la mer Sapam (29e de notre Top 100), cela fait plus de dix ans que les salades sont livrées dans des bacs plastiques pliables. Le distributeur estime en avoir plus de 100 000. Il envisage d’étendre le circuit à d’autres produits. Ce ne sont là que deux exemples. D’autres distributeurs pensent à cette alternative ; France Frais et Sysco en font partie. Chez Forezia Snacking, on a dépassé le stade de la réflexion. Le distributeur qui a mené une étude de rentabilité en 2020 sait combien de caisses il lui faudra acheter, à quel prix et pour quelle économie (10 000 € par an) par rapport à ses achats de carton.

Le carton pour remplacer le polystyrène expansé

Seul inconvénient du système : la logistique retour des caisses et leur lavage car il faut savoir précisément chez quels clients se trouvent les contenants et les récupérer. Or, il y a de la perte, surtout si les caisses sont de qualité… Entre les pertes et la croissance de son activité, Sapam achète 15 000 bacs chaque année (à comparer à un parc de plus de 100 000 unités), selon Pierre Haentzler, son directeur général. « La gestion du circuit retour va mobiliser entre un demi-poste et un poste à plein temps », avertit Jean Tavernier, responsable RSE de France Frais. Il n’empêche, le bénéfice est réel.

Banni dans les exemples précédents au profit des caisses plastiques, le carton est la solution sur d’autres circuits. Il est de plus en plus souvent retenu par les distributeurs quand il s’agit de remplacer le polystyrène expansé, très prisé pour protéger les produits de la mer et les produits carnés frais. Il s’agit évidemment d’un carton technique, parafiné sur ses deux faces. Ainsi traité, il est plus résistant et surtout il ne se détrempe pas une fois rempli de glace. Maison Berjac l’utilise pour ses livraisons depuis dix-huit mois. Même évolution chez Vivalya où « trois adhérents au moins utilisent ce type de cartons », comptabilise Gurvan Roux, le responsable qualité du réseau. Ribégroupe (31e de notre Top 100) à travers sa filiale Promer Océan est de ceux-là.

Voilà plus d’un an que le carton y a été substitué au polystyrène. Avec de réels bénéfices. Ce carton qui coûte 10 % de plus à l’achat que le dérivé du pétrole qu’il remplace, ne pollue pas, se recycle et occupe moins de place dans l’entrepôt car il se stocke à plat. Seul petit bémol, ses propriétés isothermes sont légèrement inférieures. « Pour les poissons les plus sensibles (thon, ailes de raies) ou quand les colis doivent rester plus de vingt-quatre heures sur un quai, il faut juste prévoir de glacer davantage », prévient Damien Riche, le responsable du site Promer Océan de Beauvais (60). La balance risques-bénéfices est positive…

Olivier Bitoun

Article extrait de Zepros Distributeurs RHD 11 daté Mai 2021

Olivier Bitoun
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