[Top 100] « Nous avons redéfini notre feuille de route »
Laure Bomy, directrice générale de la Fédération nationale des boissons, explique les trois priorités qui guident la feuille de route de l’organisation, redéfinie fin septembre 2021.
Entretien réalisé le 16 juin - Zepros Distributeurs RHD 15
Nos adhérents ont résisté et préservé les emplois de celles et ceux qui sont le véritable moteur de leurs entreprises. La dynamique sociale, sociétale et environnementale, engagée avant la crise, a été maintenue, voire renforcée. La crise a bouleversé nos pratiques et les activités de l’ensemble de la filière. Elle a été à la fois dramatique sur le plan économique et humain, mais elle a aussi permis d’accélérer les changements en cours dans notre société. De fait, en sortie de crise, nous avons constaté une accélération des projets en matière de transition numérique et écologique.
Les organisations et schémas logistiques s’adaptent pour maintenir leur niveau de service tout en répondant aux exigences sociétales croissantes. Les entreprises s’engagent également plus fortement en faveur du réemploi et de la réutilisation ou encore de l’amélioration des conditions de travail de leurs salariés. Le défi, c’est bien sûr pour elles de poursuivre et retrouver le chemin de la croissance. Celui de la FNB, c’est de les accompagner et de le faire savoir. Sur le premier trimestre 2022, les grossistes distributeurs de boissons en CHR affichaient encore une perte moyenne de 15 % de chiffre d’affaires par rapport à 2019 qui reste l’année de référence, mais la tendance et les perspectives étaient positives. Depuis mars, les conséquences de la guerre en Ukraine rebattent également les cartes d’un point de vue économique. Sur fond d’une inflation galopante et d’une hausse des coûts de l’énergie sans précédent, notre filière est à nouveau fragilisée ; et cela pourrait, dans les mois qui viennent, peser fortement sur la fréquentation des établissements hors domicile et entraîner des conséquences durables sur notre économie.
La pénurie de main-d’œuvre frappe effectivement de plein fouet notre profession et particulièrement les emplois de la filière logistique, essentiels à nos activités de distribution. D’une part, les entreprises n’ont pas de personnel qualifié pour leurs besoins immédiats ; d’autre part, même celles qui anticipaient en s'appuyant notamment sur l'alternance - laquelle a fait un grand pas dans la profession - ont du mal à intégrer des alternants, car le marché est devenu ultracompétitif.
De nombreuses actions en matière de promotion des métiers et d’attractivité du secteur sont conduites, sous l’égide de la CPNEFP de la branche. Une nouvelle plateforme web dédiée à l’Observatoire prospectif des métiers de la commercialisation de boissons en CHD a notamment vu le jour début 2022. Elle vise à faire connaître nos métiers afin d’amener les jeunes et les demandeurs d’emploi à prendre conscience qu’ils peuvent construire une carrière longue au sein de nos entreprises. La branche initie des campagnes de communication massives en partenariat avec l’Opco Mobilités, et les sociétés mettent en place de nombreuses opérations : des job datings, des semaines découverte en entreprise, des partenariats avec les écoles, la mise en avant des avantages sociaux, etc.
Bien que les niveaux de rémunération et les conditions de travail, notamment la pénibilité liée au port de charges lourdes, se soient considérablement améliorés ces dernières années, nous sommes sur un métier qui a, à la fois, une réelle exigence de service et des contraintes qu’il nous faut prendre en compte dans nos réflexions.
Plus globalement, de nouvelles attentes en matière d’équilibre vie privée-vie professionnelle s’expriment et questionnent. Les travaux de la branche vont donc s’intensifier autour de 4 grands thèmes : la valorisation des métiers, l’amélioration et la simplification de l’accès à la formation, la fidélisation des salariés et la réduction des risques professionnels.
Effectivement, une des conséquences de la crise est la hausse du coût des matières premières, du coût des emballages, ou bien du transport qui fragilisent énormément les équilibres économiques et engendrent des pénuries de produits. Aujourd'hui, alors que nous sommes encore en début de saison, nous constatons des ruptures de stock considérables. Cela monte jusqu'à 20 ou 30 % de produits manquants. Les produits en verre étant les premiers touchés. La hausse de prix des entrants à l’achat se situe quant à elle entre 10 et 15 %.
Nos adhérents ont réussi, pendant la crise du Covid, à la fois à faire preuve d’une extrême résilience et ont développé une approche solidaire et constructive entre leurs fournisseurs, eux-mêmes et les points de vente qui doit se poursuivre. L’équation qu’il nous faut résoudre ensemble est complexe : nos entreprises ne peuvent absorber à elles seules toutes les hausses et doivent dans le même temps redonner l’envie de fréquenter les établissements CHD. Il s’agit de faire en sorte de retrouver nos consommateurs pour redonner vie à nos territoires, pour revenir à la convivialité d’avant crise. 2022 est notre « 1er Printemps » depuis 3 ans qui pourrait être « normal ». Répartir l’effort c’est se donner les moyens de poursuivre au-delà des crises
« Ces délégations territoriales pourront s’ouvrir à des non-adhérents de la FNB »
Nous nous devions de tirer les enseignements de la crise à tout niveau, y compris s’agissant du fonctionnement de la FNB. Le recours à la visioconférence, l’appui sur des membres, figures territoriales, la diffusion d’informations plus ciblées et décryptées ou encore la constitution de groupes de travail restreints se sont révélés performants et adaptés pendant la crise.
Fin septembre 2021, nous avons donc redéfini la feuille de route de la FNB. Trois priorités guident nos actions. La première est l'ouverture de la gouvernance. Nous allons donner les moyens à nos adhérents de créer des délégations territoriales, en toute autonomie. Cela suppose une réflexion globale du mode de fonctionnement de la gouvernance et de la place des territoires par rapport au national. Ces délégations territoriales pourront s’ouvrir à des non-adhérents de la FNB. La deuxième demeure le pilier fondateur de toute organisation professionnelle : l'accompagnement et la défense des intérêts de la profession. Pour rester agile et réactive, consolider et approfondir la transformation de nos modes de communication et d’interactions avec nos adhérents font partie des défis de la FNB pour les prochains mois. Cela passe par un recentrage vers l'adhérent.
Nous avons engagé toute une réflexion sur la manière dont on communique et sur la nature des informations que l’on adresse, aux adhérents comme à l’extérieur, à savoir des thématiques fortes portées par la FNB, en particulier tous les engagements RSE. Une 4e personne devrait rejoindre l’équipe de permanents d’ici à la fin de l'année. Diffuser de l'information est une chose, s'assurer de l'appropriation de l'information en est une autre. Les délégations territoriales devraient également nous y aider.
Enfin, pour faire face aux exigences sociétales et environnementales grandissantes, parce qu’elles sont autant de contraintes que de formidables opportunités pour pérenniser les activités et renforcer le rôle d’acteur incontournable des grossistes en boissons sur le marché de la CHD, le label RSE de la profession sera repensé.
Plus globalement, l’ensemble des outils d’accompagnement des entreprises seront renforcés. À titre d’exemple, nous venons de signer un nouvel accord sur la classification des emplois et prévoyons la création d'un simulateur en ligne ouvert, accessible à tous sur le site de l'Observatoire des métiers.
Une refonte en profondeur du label
« Une consultation menée au premier trimestre 2022 a permis d'avoir une vision partagée et large du label FNB, tant de la part des adhérents déjà labellisés que des institutions, des clients et des fournisseurs. Et aussi de comprendre quels sont les forces et les points d’amélioration du label afin de guider la réflexion sur son évolution.
Les institutions nous disent qu’il est crédible et robuste. Ce qui manque, c'est la transparence dans la mesure où il n’est pas publié. Autre faiblesse : le label n’indique pas suffisamment de qui l’on parle. Une refonte complète de la plateforme de marque va donc être engagée, car c’est la profession qui doit être mise en avant et non pas la FNB, afin d’en faire un outil de reconnaissance et de communication performant.
L’objectif est d’être prêt pour 2023… C’est ambitieux, mais nous pouvons avancer par paliers. Nous avons déjà un socle solide : plus d’un tiers des entreprises adhérentes de la FNB sont labellisées ; lorsqu’elles rentrent dans le process, elles ont une note moyenne de 70 % - alors que nous avions placé le curseur à 50 % - et, au bout de trois ans elles ont gagné 10 points. Il faut également que nous disposions davantage d’outils d’accompagnement des entreprises en amont, tout en acceptant plus de souplesse sur la durée du processus de labellisation. Enfin, il conviendra de mettre en place des moyens dédiés à l’animation de toute cette communauté de labellisés », annonce Laure Bomy.