L'ouverture 7j/7 déchire les boulangers en Poitou-Charentes
Le 21 octobre, le tribunal administratif de Poitiers a choisi de maintenir l'arrêté préfectoral interdisant l'ouverture des boulangeries tous les jours de la semaine dans les départements Vienne, la Charente et les Deux-Sèvres. Une décision qui a été accueillie avec enthousiasme par les représentants de la boulangerie artisanale, tandis que la Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie (FEB) dénonce une entrave à la liberté d'entreprendre.
La perspective d'avoir du pain frais à disposition 7j/7 n'est pas encore à portée des poitevins. Les arguments mis en avant par la FEB dans le cadre de la procédure visant à casser l'arrêté interdisant aux boulangers d'adopter ce format n'ont pas convaincu les juges. Alors que cette réglementation a été abrogée dans 54 départements français, ce qui représente près de 61% de la population, les craintes autour d'un effondrement potentiel de l'artisanat face à des mastodontes, que sont Marie Blachère, Ange, Louise ou Feuillette, demeurent fortes.
Pour la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française, adopter ces pratiques perturberait la transmission des boutiques. "Une entreprise ouverte 7j/7 ne trouve pas de repreneur, aucun jeune ne souhaitant travailler tous les jours de la semaine", a défendu Dominique Anract, président de l'organisation professionnelle au micro de Sud Radio. Selon lui, les artisans indépendants finiraient par être contraints à élargir leurs jours d'activité pour maintenir leur chiffre d'affaires, de par la présence de réseaux à proximité. Des arguments réfutés par la FEB, dont le délégué général Paul Boivin avance que l'avalanche de fermetures craintes par les pourfendeurs de cette évolution n'a pas eu lieu dans les départements concernés et que "l'artisan demeure parfaitement libre de fixer ses jours de fermeture". Cette notion de liberté d'entreprendre est centrale dans l'argumentaire de la fédération, qui dénonce une interdiction rétrograde et balaie les accusations de concurrence déloyale.
Sur le terrain, des artisans partagés
Emmanuel Gripon, président de la fédération de la Boulangerie Pâtisserie française des Deux-Sèvres et directement concerné par la décision étant lui-même artisan boulanger, considère que la décision du tribunal est justifiée. Pourtant, au sein même de son territoire, la réalité économique complexe de certaines entreprises a poussé des artisans à ouvrir 7j/7... avec le risque d'être attaqué par le syndicat, qui n'hésite pas à poursuivre les contrevenants. Toujours dans l'Ouest de la France, plus précisément en Ille-et-Vilaine, l'ensemble des boulangers peuvent ouvrir tous les jours de la semaine depuis 2018. Jean-Maurice Monnier, président de la fédération départementale de la boulangerie locale, déclarait à la radio RMC avoir changé d'avis sur le sujet : “J’ai des confrères qui me disent 'mais moi, j’ai besoin d’ouvrir. J’ai besoin de ce jour-là de chiffre d'affaires pour payer mon loyer'. Et si on oblige à fermer, pour cet artisan-là le business plan de marche plus”, rapportait-il. Bien loin de s'arrêter à ces débats et à cette défaite, la FEB entend poursuivre le combat judiciaire, visant notamment la région parisienne qui demeure un bastion résistant, pour le moment, aux assauts de la libéralisation.