Les distributeurs deux fois acteurs de la sobriété énergétique

Olivier Bitoun
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Olivia Grégoire, Agnès Panier-Runacher et Philippe Barbier sur une estrade avec une charte en main

Les appels du gouvernement à la sobriété énergétique ont deux conséquences chez les distributeurs. À court terme, les pousser à des mesures de bon sens pour réduire leur consommation. Sur le long terme, déclencher une vague d’audits et accélérer certains investissements vertueux. Pour le bien économique et écologique.  Lire Zepros Distributeurs 16 

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Depuis quelques semaines, Alpagel (12e de notre Top 100) optimise toujours plus ses températures de consigne. Dans ses chambres froides qui représentent 90 % de sa consommation d’électricité, ce grand distributeur de produits surgelés, les fixe à -22 °C la nuit et -18 °C le jour en profitant de l’inertie thermique. Tout en respectant la législation. 
Avant cet ajustement, les températures oscillaient entre -22 °C et -24 °C. Quelques degrés gagnés qui devraient lui faire économiser 5 à 10 % de sa consommation. Le froid encore le froid ! « En fruits et légumes frais, la température doit varier entre 2 °C et 4 °C. Nos adhérents vont bien isoler les zones de stockage dans leurs dépôts et couper les groupes froid de temps en temps pour économiser l’électricité », confirme Philippe Guyot, le directeur  général du réseau Vivalya. Ces mesures de court terme répondent à l’injonction de la Première ministre Élisabeth Borne qui enjoignait aux entreprises le 29 août de réduire leur consommation d’énergie de 10 %.
 

Des mesures de bon père de famille
Si les distributeurs de produits surgelés et frais sont les plus gros consommateurs d’électricité avec leurs groupes froids tournant 24 h/24, 7 j/7, leurs collègues de l’épicerie et des liquides sont aussi concernés par la sobriété énergétique : ici, c’est une cave à vin qu’il faut maintenir à température constante, là des bureaux et des entrepôts qu’il faut éclairer et chauffer et des flottes d’engins de manutention, plusieurs dizaines parfois, qu’il faut recharger chaque nuit. Sans oublier un nombre croissant de VUL et de voiture électriques de commerciaux qu’il faut eux aussi recharger... Pour y répondre, les distributeurs prennent des mesures de bon sens afin de réduire leur consommation d’électricité ; des mesures de « bon père de famille » plaisantent certains. 
Bon nombre ont même désigné un référent « écogestes » chargé de rappeler à ses collègues les règles de base comme éteindre la lumière en quittant une pièce... « Depuis septembre, nous avons baissé le chauffage à 18 °C dans les bureaux et nous le coupons le  week-end », illustre Erik Murgier, le patron du distributeur de boissons Groupe Murgier (43e de notre Top 100) qui indique avoir aussi réduit l’éclairage de son enseigne extérieure. Les efforts de ces pros ne s’arrêtent pas là. Certains se traduisent par des investissements. Dans les entrepôts et les bureaux, les LED remplacent les éclairages classiques, les détecteurs de présence déclenchent la lumière uniquement lorsque c’est nécessaire. Enfin, dans les dépôts, les lanières plastiques d’isolation limitent les déperditions de chaleur. Il s’agit souvent de la généralisation de bonnes pratiques déjà connues. Sur le poste transport aussi, des ajustements s’imposent face à la hausse des prix du gasoil. « Nous expliquons à nos  clients que nous allons les livrer 2 fois par semaine au lieu de 3, pour éviter d’augmenter nos prix », note Philippe Guyot. 
Les efforts de sobriété des entreprises et des particuliers, aidés par un début d’automne  clément sur le plan météorologique, commencent à payer. Le 29 novembre, Olivier Véran,  porte-parole du gouvernement, annonçait que la consommation quotidienne d’électricité en France avait diminué de 5 %. C’est la moitié du chemin ! 

Audits énergétiques et programmes d’économies
Le point le plus positif est sans doute ailleurs. La crise énergétique que nous traversons aura eu un mérite. Les distributeurs, à l’instar des entreprises françaises, démarrent pour bon nombre d’entre eux des audits de leurs installations (bâtiments, équipements) avec l’aide de  cabinets conseil qui peuvent tarder à répondre devant l’afflux de sollicitations. Dans le même mouvement, les distributeurs s’engagent dans des programmes de gestion intelligente de  l’énergie type Eco CO2. Une vague sans précédent. Autant d’actions de long terme cette  fois, qui les conduisent à lancer, plus vite que prévu, des investissements parfois très  ambitieux. Ces engagements sur l’avenir auront trois effets positifs : réduire la consommation d’énergie, diminuer les factures d’électricité et enfin, agir pour l’environnement. Tels sont aussi les  objectifs de la « Charte de sobriété énergétique du commerce de gros », présentée par la  Confédération des grossistes de France (CGF) le 6 octobre (voir encadré). « Nous  souhaitons donner une impulsion en faveur d’actions qui auront des effets réels, sans mettre 
les entreprises excessivement sous pression
», explique Isabelle Bernet-Denin, la directrice générale de la CGF. Et ça marche, à écouter Stéphane Ubrun, le dirigeant d’Alpagel : « Nous venons de signer la charte d’engagement du programme Eco CO2 et nous allons commencer l’audit énergétique de nos 8 sites ». Le dirigeant envisage aussi de renouveler ses groupes froids en les remplaçant par de nouveaux modèles moins gourmands et  meilleurs pour l’environnement. Un investissement conséquent. On parle ici de 350 à 400 K€ pièce. Et quand ils ne peuvent plus réduire davantage leur consommation d’énergie et d’électricité, en particulier, les distributeurs décident d’en produire !
De là, la quantité de panneaux photovoltaïques qui couvre de plus en plus les toits des entrepôts et les ombrières des parkings pour camions. Sur le sujet, Alpagel s’est lancé dans un programme ambitieux. 
Quatre de ses entrepôts produiront leur propre électricité d’origine solaire d’ici juin 2023. 
« Pour chaque site, nous tablons sur 25 à 40 % d’autoproduction à terme », indique Stéphane Ubrun. Le gain est significatif. Mais là encore les investissements sont lourds.  Autour de 400 K€ pour une puissance installée de 500 kilowatts-crête (de quoi couvrir 2 000 m² de toiture environ). Et encore, quand il n’y a pas de travaux à réaliser pour renforcer la charpente du bâtiment ou d’ombrières à construire pour y installer les panneaux. D’autres distributeurs investissent dans la géothermie ou songent à l’éolien. 
À ce stade, se pose nécessairement la question du financement de ces investissements durables.
« Nous ne bénéficions d’aucun accompagnement financier », regrette ce  distributeur qui planifie, lui aussi, l’équipement de ses entrepôts en panneaux solaires...

La Charte de sobriété énergétique du commerce de gros 

Initiateur : Confédération des grossistes de France (CGF)
Présentation : 6 octobre 2022
Objectif : réduire la consommation énergétique du secteur de 10 % en 2 ans
Signataires : 21 fédérations* adhérentes à la CGF
Contenu : 3 axes de progrès
1) Les entreprises et leurs collaborateurs 
-nomination d’un référent « écogestes » qui sensibilisera ses collègues
-diagnostic des consommations d’énergie par poste, identification des sources de surconsommation et phasage dans le temps des mesures à prendre. Suivi et mesure des consommations.

2) Le transport
-accélération du programme « Objectif CO2 » (EVE) : réduction de la consommation de carburant en agissant sur : le conducteur, le véhicule, le carburant et l’organisation. Plus de 500 établissements devront y être sensibilisés d’ici 2023. Objectif atteint à plus de 50 %. 
-poursuite des formations à l’écoconduite. Elles font économiser de 5 à 20 % de la consommation de carburant. Les 80 000 chauffeurs-livreurs et les commerciaux itinérants sont concernés.
-renforcement de l’optimisation des livraisons (équipement en logiciels) et poursuite du programme Interlud (plus de 40 EPCI signataires) visant à favoriser une logistique urbaine durable.

3) Les bâtiments
-sensibilisation des entreprises aux obligations du « décret tertiaire », qui fixe une trajectoire de réduction des consommations énergétiques des bâtiments à usage tertiaire. 
-études de modernisation des bureaux et entrepôts pour améliorer l’isolation, l’éclairage, le chauffage, la climatisation et la production autonome d’électricité (panneaux photovoltaïques).

*2FPCO, AFDPE, Coedis, CSCG, CSRP, Culture viande, Distripro, Fedalis, Fedepom, Fenntis, Fenscopa, FFQ, FGFP, Ficime, FMGF, FND, Snafam, Udinap, UNCGFL, Unigros, UPCP. 

Olivier Bitoun
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