Food Service Vision décrypte la crise

Chloé Labiche
Étude
Partager sur
Image

Rarement crise n’aura été aussi violente et incertaine. Pour l’appréhender, l’analyser et la surmonter des outils sont indispensables. Food Service Vision, expert de la CHD, l’a compris et publie une étude prospective exclusive sur les conséquences du coronavirus quant au marché du foodservice. Cette première Revue Stratégique entend évaluer son impact chiffré mais également les répercussions sur le marché de demain. 25 décideurs de la chaîne de valeur (distributeurs, chaînes de restauration, fournisseurs agroalimentaires, influenceurs, spécialistes du monde asiatique, consultants à l’étranger) ont été interrogés.

Un effondrement à plusieurs vitesses

L’étude revient notamment sur le déroulé de cette crise, enclenchée en janvier, qui intervient dans un contexte plutôt favorable. « L’univers de la restauration sortait d’une année 2019 avec un taux de croissance qu’on estime à 2 % et un début d’année qui se présentait sous de très bons auspices : la plupart des acteurs interrogés visualisaient 2020 comme une des années potentiellement record pour l’industrie », souligne François Blouin, président fondateur de Food Service Vision. La crise sanitaire en décidera autrement. Le marché de la CHD s’effondre progressivement entre janvier et mars, d’abord touché par la baisse de fréquentation touristique, l’annulation des événements et enfin, par la fermeture des établissements scolaires puis des restaurants. Le chiffre d’affaires du secteur a chuté à -1 % en janvier, -4% en février, -15 % entre le 1er et le 15 mars avant un décrochage à -74 % entre le 15 et le 30 mars pour une tendance consolidée au premier trimestre de -16 %. Dans ce paysage apocalyptique, Food Service Vision dégage cependant un foodservice à plusieurs vitesses : une quasi-stabilité pour une partie de la restauration collective (santé, social, divers), -30 % à -50 % pour les commerces de proximité, -70 % à -85 % pour la restauration rapide et l’hôtellerie, -90 % à -100 % pour la restauration à table, scolaire et d’entreprise.

Image

Des poches de résistance

Avec des spécificités à noter comme celle de la boulangerie-pâtisserie qui résiste sur son offre pain mais enregistre tout de même une perte de CA d’environ 50 % à fin mars liée à la dégringolade de son activité snacking. Autre particularité : celle d’une partie de la restauration rapide qui tient grâce à la vente à emporter, au click and collect et à la livraison. Cette dernière fait d’ailleurs preuve d’une résistance relative : Food Service Vision estime que la livraison aurait tout de même baissé de 30 % à 40 %. Ainsi l’étude dresse un bilan sévère pour l’industrie du foodservice, début avril, avec 430 millions de repas perdus, 3,5 milliards € de CA perdu pour la restauration, 1,1 milliard € perdu pour les fournisseurs, 66 000 demandes de chômage partiel pour la branche hébergement et restauration, 160 millions de repas perdus chaque semaine soit 1,2 milliard € de CA.

Quels scénarios de redémarrage ?

Pour ce qui est des scénarios de redémarrage, l’étude anticipe une remontée progressive par paliers : d’abord le retour de certains actifs pour le déjeuner et une reprise contrôlée des déplacements professionnels, puis le retour des écoles, collèges, lycées ainsi que des sorties loisirs en petits groupes. Ensuite la réouverture d’espaces de restauration sécurisés, la reprise progressive des voyages et enfin la réouverture de la restauration en grands groupes. Un mouvement qui favorisera dans un premier temps la restauration fonctionnelle pour les actifs en reprise d’activité et, par la suite seulement, la restauration plus expérientielle. Mais tous les acteurs et segments du foodservice devront faire face à de nouveaux enjeux. « Nous allons observer à la fois certaines accélérations de phénomènes existants et certaines ruptures », prévoit François Blouin. Au rang des accélérations il y a l’intérêt pour les circuits courts avec des acteurs qui sont en train de relocaliser leur sourcing en France mais aussi le développement du drive, du click and collect qui devraient sortir gagnants de la crise. « Aujourd’hui le marché prend conscience qu’il va devoir proposer une offre à emporter beaucoup plus forte » , souligne François Blouin. En revanche, une des ruptures annoncées interviendra au niveau du rapport à l’hygiène dans l’offre. Avec à la fois un retour en grâce de l’emballage, qui rassure, protège et sécurise les produits, mais également avec un service à réinventer. Davantage de transparence sur la façon dont on cuisine et dont on prépare la salle, comment on repense le parcours client à la lumière du sans contact.

L’exemple chinois

Dernier défi de cette nouvelle restauration : le rapport qualité-prix. Davantage de circuits courts, plus d’emballage, un service moins rapide, un modèle économique challengé par la mise en place de la VAE et de la livraison, de l’hygiène renforcée. Tout cela rajoute des coûts alors que la baisse du pouvoir d’achat sera quasi certaine pour l’ensemble de la population. Une équation de plus à résoudre pour les professionnels. Très concrètement Food Service Vision détaille également ce qui se met actuellement en place en termes de reprise sur le marché chinois : la distanciation dans les points de vente, avec globalement une table sur deux, et la mise à disposition de gel hydroalcoolique. Mais également une mesure plus sensible et sujet à débat : la présentation d’un QR Code attestant de sa bonne santé pour visiter un lieu fréquenté. « Quoi qu’il en soit, l’observation chinoise indique un redémarrage lent. Derrière ces mutations tous les acteurs de la chaîne de valeur auront besoin de s’atteler à de grands chantiers : révision du business model, adaptation de l’offre, de l’expérience et du service mais également travail sur le marketing. Le premier enjeu est de rester proche de ses clients que l’on soit restaurateur ou distributeur », avance François Blouin, « plus il y a d'inquiétude, plus il convient de communiquer de manière transparente.»

Chloé Labiche
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire