[SPECIAL INDEPENDANTS 2024] « La qualité de vie au travail est la priorité du groupe »
Belle actualité pour le groupe du chef Yannick Alléno qui a lancé son concept d’izakaya à Paris début novembre et prépare pour 2025 un premier restaurant-école Pavyllon à Lyon, en partenariat avec l’Institut Lyfe. Le groupe accélère également la cadence en matière de qualité de vie au travail (QVT) et déploie pour cela un dispositif complet. Une stratégie et un engagement fort que nous détaillent Teddy Gillot et Sandrine Cambazar, respectivement directeur général et directrice des ressources humaines du Groupe Yannick Alléno.
Teddy Gillot : Le Pavillon Le doyen, à Paris, est notre vaisseau amiral. Il abrite 3 concepts de restaurants : le restaurant gastronomique 3 étoiles, Alléno Paris, le comptoir à sushis 2 étoiles, L’Abysse, et le comptoir gastronomique décomplexé 1 étoile, Pavyllon. 180 salariés y travaillent au quotidien. De manière plus globale, le groupe Yannick Alléno compte au jourd’hui 18 restaurants à travers le monde, en intégrant nos partenariats avec des groupes hôteliers. Il emploie 1 000 collaborateurs et génère un chiffre d’affaires cumulé d’environ 90 M€. En gestion propre, nous sommes 250 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 26 M€.
Sandrine Cambazar : Les jeunes générations sont extrêmement concernées par ce sujet. Au sein du groupe, 70 % des salariés ont moins de 26 ans et cela se reflète dans les entretiens de recrutement. Leurs premières questions portent sur leurs conditions de travail : la présence de coupures, la possibilité d’avoir deux jours consécutifs de repos, ou encore le travail le soir… La gastronomie et l’excellence imposent des conditions de travail exigeantes qui parfois génèrent une pression liée à la rapidité des services et à la promiscuité des espaces. Nous ne pouvions pas passer à côté du sujet.
S.C. : En 2016, le chef Alléno a investi plus de 2 M€ pour rénover la cuisine du restaurant Alléno Paris 3 étoiles Michelin. Il a interrogé ses cuisiniers et fait appel à des cuisinistes de renom pour soigner l’ergonomie et garantir le plus grand confort à ses équipes. À titre d’exemple, les plans de travail sont biaisés dans les coins et la cuisine a vue sur l’extérieur. En 2020, année de la pandémie du Covid, alors que tous les restaurants sont fermés, Yannick Alléno, entouré de sa direction, décide de redéfinir le restaurant de demain.
S.C. : Il se traduit par un ensemble de mesures concrètes. Tout d’abord, les salariés bénéficient d’une prévoyance complémentaire financée à 100 % par le groupe. En parallèle, nous avons mis en place le planning participatif, permettant aux managers de prendre en compte les spécificités individuelles de chacun pour tendre vers le meilleur équilibre possible entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Depuis trois ans, nous avons également mis en place un accompagnement avec une psychologue du travail qui intervient deux fois par mois au sein du Pavillon Ledoyen. Les salariés ont son contact à disposition et peuvent prendre rendez-vous, elle est bien évidemment tenue au secret professionnel. Par ailleurs, un ostéopathe les accueille sur rendez-vous, offrant un soutien supplémentaire pour garantir leur bien-être.
S.C. : Par des mesures concrètes qui améliorent la qualité de vie des salariés tout en assurant leur motivation et performance. Sur nos 3 restaurants au Pavillon Ledoyen par exemple, deux sont fermés samedi et dimanche : le 3 étoiles Michelin Alléno Paris et l’Abysse, garantissant à tous les salariés leurs week-ends. Le 3e restaurant Pavyllon est ouvert sept jours sur sept toute l’année, mais c’est là que le planning participatif prend tout son sens. Notre engagement est d’adapter notre organisation afin d’assurer à chaque salarié deux jours de repos consécutifs tout en répondant aux besoins du service. Le second engagement porte sur les horaires continus, soit le matin soit le soir pour éviter les coupures, facteurs de fatigue et de stress pour nos équipes. Sans oublier évidemment qu’il y a un collectif à respecter et des restaurants à faire tourner. Ces engagements en matière de QVT (qualité de vie au travail, NDLR) ont un impact réel sur notre Groupe : la suppression de la coupure a fait augmenter nos effectifs de 35 % depuis 2021, tout en réduisant de manière significative le turnover, passé de 50 % pour l’ensemble du secteur HCR à 30 % au sein des maisons du Groupe Yannick Alléno. L’absentéisme, quant à lui, a baissé de 30 %. Ces résultats démontrent l’efficacité de ces mesures.
S.C. : Tout salarié qui intègre le groupe commence par un programme de formation. La force du groupe c’est aussi cela. Ce n’est pas le fruit du hasard si Yannick Alléno a reçu cette année au guide Michelin le prix du Chef Mentor 2024. Depuis le début de sa carrière, ce sont plus de 100 de ses chefs, dont une quarantaine d’étoilés, directeurs et directrices qui ont fait carrière. La formation de nos managers est essentielle pour la qualité de vie au travail. Ils sont tous formés par l’organisme Parti pris qui met également à leur disposition une hotline pour répondre à leurs problématiques. La transmission et la formation font la beauté de nos métiers. Nous le voyons aussi au travers des partenariats très forts que nous avons créés de longue date avec des écoles, notamment avec l’institut Lyfe avec qui nous sommes fiers d’ouvrir un restaurant-école Pavyllon à Lyon fin 2025.
S.C. : Nous avons, en effet, rédigé nos propres chartes comportementales. Une première qui détaille le comportement attendu par tous au sein du groupe. Une deuxième qui s’attache aux droits et devoirs de chaque collaborateur. Ces chartes sont transmises avant même l’embauche du salarié. Elles sont également rappelées, de même que l’ensemble du dispositif, lors de nos assemblées générales qui ont lieu tous les deux mois au Pavillon Ledoyen. Dernier élément à notre dispositif : nous avons mis en place très récemment un canal de signalement via notre outil ressources humaines auquel a accès tout salarié. Une personne qui serait témoin ou victime d’un comportement qu’il juge inapproprié peut en toute liberté et anonymement utiliser ce canal de signalement. C’est donc la tolérance 0 qui est appliquée au sein du Groupe.
T.G. : Pendant le Covid, le chef Alléno a pris la décision stratégique de ne pas rouvrir comme avant. Il a notamment créé le concept de la conciergerie de table pensée comme une préparation au voyage gastronomique pour nos clients, tout en améliorant le travail de nos équipes. Depuis 2021, tous les clients sont contactés en amont de leur visite par un maître d’hôtel, une directrice ou un directeur afin de connaître leurs préférences et leurs attentes. Cela nous permet de recueillir beaucoup d’informations primordiales que nous partageons avec la cuisine. En retirant le coup de feu du début de service, le stress lié aux imprévus, nous avons optimisé l’organisation au bénéfice de nos équipes. Le menu est prêt, les vins sont servis, pas d’allergie indiquée au dernier moment… Nous avons été précurseurs en la matière, nous avons été depuis copiés et nous en sommes ravis. D’abord mise en place il y a déjà quatre ans au Pavillon Ledoyen, la conciergerie de table a ensuite été partagée avec notre restaurant 2 étoiles à Saint-Émilion, la Table de Pavie, puis au 3-étoiles à Courchevel, le 1947.
T.G. : C’est, en effet, un vrai choix d’entreprise stratégique majeur pour le chef et l’ensemble du Groupe. Nous avions auparavant ce restaurant 3 étoiles avec 15 tables, ouvert six jours sur sept au déjeuner et au dîner. La conciergerie de table nous a permis de repenser notre approche, pour offrir une expérience personnalisée et unique à chacun de nos hôtes. Nous sommes passés de 15 à 9 tables et ne sommes plus ouverts que le soir du lundi au vendredi. Cette réorganisation a entrainé une baisse de chiffre d’affaires, passant de 6 M€ à 4 M€. Un CA en baisse mais une rentabilité qui est identique, grâce à une meilleure gestion des coûts, une expérience client de plus grande qualité et une organisation des équipes optimale.
T.G. : Au-delà de l’objectif du chiffre d’affaires, nous voulons optimiser la performance globale du Groupe. Cette dernière se situe, bien sûr, sur le plan financier mais aussi le fait de travailler sur la QVT qui nous permet aussi de limiter le turnover, et d’aborder les choses sous un autre angle. Aujourd’hui, nous réalisons que nous sommes beaucoup plus performants en termes de ventes sur une table car nous prenons le temps d’offrir un moment hors du commun. Le Pavillon Ledoyen est un équilibre à part entière. Il combine une activité événementielle qui a toujours été très forte chez nous, un restaurant comme Pavyllon, qui est ouvert sept jours sur sept, et qui fonctionne vraiment très bien, et le 3-étoiles Alléno Paris. Pavyllon génère à lui seul 8 M€ de CA, ce qui est un excellent résultat. Nous avons ainsi une stratégie de mix entre nos différentes tables, ce qui nous permet de performer à l’échelle de chaque point de vente. C’est ainsi que cela fonctionne. Le 3-étoiles Michelin, bien qu’il ne génère aucune rentabilité directe, reste à l’équilibre financier. Et ce sont nos autres restaurants qui viennent soutenir cet équilibre global, qui allie performance financière et bien-être de nos équipes.
S.C. : Nous entendons créer un collectif de travail avec des écoles, avec nos confrères, pour aller encore plus loin et faire de la qualité de vie au travail non seulement une obligation de moyens mais une obligation de résultats pour toute la haute gastronomie. L’entreprise doit être le reflet de la société. Si notre secteur veut être pérenne, nous n’avons pas d’autres choix que de faire de cette qualité de vie au travail une priorité. Rendez-vous en 2025 pour vous en dire, nous l’espérons, encore bien plus !
CHIFFRES
Au global :
• 18 restaurants
• 1 000 collaborateurs
• 90 M€ de CA
En gestion propre :
• 250 collaborateurs
• 26 M€ de CA