[Spécial RSE] Les distributeurs verdissent aussi leur électricité

Olivier Bitoun
ÉNERGIE VERTE
Partager sur
Image

Et si les distributeurs réussissaient demain à produire leur propre électricité grâce à des énergies renouvelables ? Si l’autosuffisance est encore loin, on est clairement entré dans l’ère de l’autoconsommation, notamment avec le solaire.

Les panneaux photovoltaïques poussent comme des champignons sur les toits de nos bâtiments depuis plus d’un an. La raison est d’abord réglementaire. L’article L111-18-1 du code de l'urbanisme, modifié par la loi Climat Énergie de 2019, prévoit que les permis de construire des bâtiments – construction ou agrandissement – d'une emprise au sol supérieure à 1 000 m2 doivent intégrer un système de production d'énergie renouvelable ou être végétalisés*. Quand l’option de la production d’énergie est retenue, le solaire emporte souvent la décision. Les distributeurs de la RHD en témoignent.

Metro France a dépassé le stade où le photovoltaïque sert à alimenter la machine à café et fournir un alibi écologique ! Le leader des cash & carry a lancé les grandes manœuvres. Le 22 octobre 2019, il inaugure 1 630 m² de panneaux solaires sur l’auvent du parking de son entrepôt de Six-Fours (83). Une première pour le distributeur. Deux mois plus tard, Metro France annonce le déploiement du solaire sur 22 sites. Début 2021, 6 des 22 sites sont déjà couverts de milliers de petits carreaux bleu foncé. Onze nouveaux chantiers seront lancés ce printemps.

À une échelle différente, le distributeur de fruits et légumes et de produits de la mer alsacien Sapam (29e de notre Top 100) pose fin 2020 du photovoltaïque sur son entrepôt de Mulhouse (68). C’est sa deuxième installation de ce type. Celui-ci a également prévu de couvrir de panneaux une partie de la toiture de l’entrepôt de 10 000 m² où il emménagera sur le Min de Strasbourg à l’automne.

Même mouvement chez France Frais. Le spécialiste des produits frais a deux chantiers en cours. Le premier dans le sud de la France ; le second en Bretagne, une région où le soleil ne brille pas tous les jours ! « Nous avons eu une bonne surprise sur ce projet. Le délai du retour sur investissement est tout à fait acceptable malgré l’ensoleillement réduit et, surtout, l’apport du solaire nous évitera d’avoir à installer un second transformateur électrique », se réjouit Jean Tavernier, le responsable RSE de France Frais.

De 15 à 30 % des besoins en autoproduction

La première question soulevée par les projets reposant sur le solaire est celle de la puissance. Quelle part des besoins en électricité d’un site le photovoltaïque peut-il assurer ? Surtout que chez les distributeurs, il faut en produire la nuit aussi, car les installations froid ne s’arrêtent jamais ! Sans parler d’autonomie, nous ne sommes plus dans l’anecdotique aujourd’hui. « Nous assurons 15 à 20 % des besoins de nos sites grâce au photovoltaïque », chiffre Coralie Lang Damerose, la responsable du service Énergie de Metro France. Selon Pierre Haentzler, directeur général de Sapam, le solaire devrait assurer « 30 % des besoins du site de Mulhouse ».

Au-delà de l’économie réalisée, le solaire permet une production électrique décentralisée. « On n’installe plus du photovoltaïque pour réinjecter l’électricité dans le réseau comme avant. Aujourd’hui, l’objectif c’est l’autoconsommation », explique Jean Tavernier. Mais en amont, des questions techniques doivent être réglées. Le bâtiment pourra-t-il supporter le poids des cellules principalement faites de verre et de silicium (de 18 à plus de 20 kg/m²) ? Quand des travaux de renforcement de la charpente sont nécessaires, le projet peut s’avérer non rentable… La deuxième question soulevée par un tel chantier est celle de son financement. Sapam a investi 300 000 € pour couvrir le toit de son entrepôt de Mulhouse. Coralie Lang Damerose annonce un ticket de 250 à 500 000 € (en fonction de la surface) pour un site du type des entrepôts de Metro France. Dès qu’il s’agit de mener plusieurs chantiers simultanément, la facture peut devenir rédhibitoire. Sauf à trouver une solution de financement originale.

Sapam croit dans la géothermie

Metro France a passé un contrat avec Reservoir Sun, une filiale d’Engie et Green Yellow (filiale énergie du Groupe Casino), sur la base du modèle dit de « 1/3 financeur ». Reservoir Sun finance le projet et reste propriétaire des panneaux pendant vingt ans. Metro France s’engage à acheter l’électricité produite pendant cette période à un prix convenu à l’avance. Au bout de vingt ans, le distributeur devient propriétaire de l’équipement. Le modèle a deux avantages, selon la responsable énergie. « Il nous permet de déployer 20 projets en un an et il nous donne une visibilité sur le prix d’achat de notre électricité à long terme. »

Si le solaire est l’énergie renouvelable la plus choisie – et de loin – pour l’autoconsommation, ce n’est pas la seule. L’alternative ne semble pas venir de l’éolien. Énergie intermittente – comme le solaire – elle ne délivre pas une puissance suffisante. « Les petites éoliennes à poser sur le toit ne répondent qu’à de faibles consommations ; elles ne suffisent plus dès qu’il faut alimenter des groupes froid », prévient Jean Tavernier.

Deux distributeurs ont trouvé d’autres solutions. Quand elle a emménagé dans son entrepôt sur le Min de Nantes, il y a deux ans, l’entreprise de produits carnés et de marée Maison Berjac (63e de notre Top 100) a investi 50 000 € dans une installation vertueuse puisqu’elle récupère la chaleur dégagée par les groupes froid. L’énergie sert à chauffer l’eau de tout le bâtiment. Mais l’exemple le plus édifiant est à aller chercher du côté de Strasbourg, chez Sapam. Le nouvel entrepôt où le distributeur s’installera à l’automne est équipé d’un système de géothermie qui puise l’eau dans la nappe phréatique. Dans le sous-sol, elle est à 13 degrés toute l’année. L’avantage ? Il faut consommer moins d’électricité pour abaisser la température de l’eau qui circulera dans les canalisations.

Le dispositif, dans lequel Sapam aura investi entre 400 et 700 000€ pour sa rénovation, alimentera la climatisation des bureaux et, surtout, il fournira toute l’année 100 % de l’énergie nécessaire aux groupes froid. En se passant des gaz frigorigènes considérés comme polluants, s’il vous plaît !

*Le système de production d'énergie renouvelable où la végétalisation devra s’étendre sur au moins 30 % de la surface des toitures créées. L’ensemble photovoltaïque peut être installé sur des ombrières faites pour couvrir un parking.

Olivier Bitoun

Article extrait de Zepros Distributeurs RHD 11 daté Mai 2021

Olivier Bitoun
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire