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[Top 100] Éric Decroix (Transgourmet) : « Il était essentiel de ne pas rompre le contact avec les clients »

Jean Charles Schamberger
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Éric Decroix. © Gilles Dacquin

Entretien avec Éric Decroix, président de Transgourmet France*.

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Comment s'est déroulé ce début d'année 2020 pour Transgourmet ? Avant et après la fermeture des restaurants ?

Nous avons réalisé une excellente année 2019 avec + 5 % de croissance. Et à fin février 2020, nous étions en avance sur N-1 avec +  7,5  %. Nous avions transformé l’entreprise, l’approche commerciale, les assortiments, nous enregistrions des accélérations de croissance sur les segments que nous avions choisis… et puis l’arrêt total est tombé le 15 mars ! Nous étions ensuite en cellule de crise permanente. Ces trois mois d’arrêt nous ont fait perdre 75 % de notre activité. Nous n’avons fermé aucun entrepôt. Nous avons seulement dû fermer notre activité de marée fraîche, Transgourmet Seafood à Rungis, laquelle était demeurée ouverte tant que les clients nous le demandaient.

Tout le reste a continué de fonctionner, nous avons juste réduit au minimum nos présences afin de n’assurer que le strict minimum des opérations et de la direction générale. Nous avons eu recours au dispositif d’État et au report des charges pour protéger la trésorerie et tenir le plus longtemps possible. Les équipes ont été très réactives et ont accepté très vite la situation et les consignes que nous leur donnions. Ensuite, il y a eu un savant pilotage et un mix entre ce qu’il fallait activer ou désactiver. Il était essentiel de ne pas rompre le contact avec les clients, par décence envers le passé et pour ne pas insulter l’avenir. On ne peut pas être partenaire que quand les choses vont bien.

 

Comment avez-vous préparé la reprise ?

Pour notre profession, l’enjeu ce n’est pas de survivre, c’est de savoir comment, dans un an et demi, nous allons vivre. Le vrai danger, c’est 2021. C’est pour cela que nous avons placé notre reprise à travers trois promesses d’accompagnement dès le mois de mai : 100 % sécurité, à travers des kits hygiène de redémarrage, des produits d’emballages pour la vente à emporter, etc., et une nouvelle version de notre outil internet afin qu’il soit plus responsive ; ensuite 100 % d’offres win-win, via des kits de reprise les plus adaptés et les plus agressifs possible ainsi qu’à travers la sélection des 250  produits frais les plus commandés. Cette massification permettant une pertinence en termes de coûts logistiques pour nous et une assurance de volume et de qualité pour le client ; et enfin 100  % d’offres locales, sur lesquelles la demande va être de plus en plus forte. Nous allons d’ailleurs lancer une campagne à travers laquelle ce seront les producteurs qui parleront à notre place.

 

 

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Comment avez-vous surmonté les problèmes de ruptures chez vos fournisseurs ?

Il y a beaucoup de ruptures, notamment dans le frais, mais notre direction des achats a réalisé un travail extraordinaire. Au moment où il n’y avait pas d’activité, nous avons continué à garder le contact avec nos fournisseurs. De la sorte, nous avons pu nous mettre en ordre de marche, tel un voilier prêt à prendre le vent. Nous avons ainsi pu reconstituer très rapidement nos assortiments, réaliser des switchs, limiter les ruptures et assurer les taux de services qui étaient attendus, même chez les grandes chaînes. On peut être en rupture d’une référence, mais, ce qui est important, c’est de ne pas être en rupture de service. C’est aussi une période où il faut choisir ses clients, ses fournisseurs et ses partenaires.

Comment accompagnez-vous la réouverture ?

En termes de facilités de paiement, nous avons privilégié le contact au travers de nos commerciaux sur le terrain. En termes d’offres promotionnelles, ce sont nos kits de reprise dont nous avons sélectionné les produits et garanti la disponibilité, qui étaient concernés. Nous avons pratiqué des tarifs encourageant à la massification et nous avons choisi de mettre tous les efforts sur tout ce qui peut aider nos clients à retrouver le plus rapidement possible une meilleure productivité et la meilleure rentabilité. Nous avons bien sûr accepté du report, mais notre métier c’est fournisseur-partenaire, nous ne pouvons pas nous substituer au rôle de banquier.

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Quelle(s) leçon(s) tirez-vous de cette crise ?

Cette période a ramené à des fondamentaux : le business et les clients. Nous avons arrêté de regarder les concurrents et les études de marché, car il n’y a plus de visibilité, nous sommes tous immobiles. Quand tout est perdu, la seule boussole, c’est le client. C’est donc lui qu’il faut interroger.

Nous constatons aussi que les clients qui n’ont pas cessé toute activité repartent plus vite. Une crise est également une période où l’on peut prendre des parts de marché.

Enfin, le marché va être demandeur de beaucoup d’autres choses, telle l’accélération de la logistique urbaine propre, etc. Les entreprises qui se seront préparées ainsi que les modèles vertueux iront plus vite que les autres et auront une croissance rentable.

Comment avez-vous géré vos projets en cours ?

Nous avons revu tous nos investissements. Nous en avons baissé certains et nous en avons considérablement accéléré d’autres. Il s’agit en fait d’accroître la volonté d’efficacité dans l’organisation de l’entreprise, de nos services supports, entre autres. L’objectif est de répondre plus vite aux clients et de coûter moins cher. Ensuite, il y a tous les investissements dans la logistique urbaine et de proximité, ainsi, bien sûr, que ceux dans les solutions digitales où nous sommes en logique de surinvestissement et où nous enregistrons des croissances à deux chiffres. D’une part, à travers notre solution e-Quilibre en restauration collective, d’autre part, à travers Gastronovi en restauration commerciale, où malgré la crise nous sommes en phase avec nos objectifs fixés à six mois en France.

À noter que la possibilité de paiement par carte bancaire sur Internet, que nous sommes les seuls distributeurs foodservice à avoir mis en place depuis février 2019, permet à un restaurateur, à une collectivité, etc. qui ne seraient pas enregistrés clients Transgourmet d’être livrés du jour au lendemain. Cela est une spécificité de notre e-commerce. En début de crise, nous étions à plus 30  % de ventes internet, en sortie de crise nous sommes à près de 40 % et l’objectif est d’être à plus de 50 % à fin 2020 et conforter notre place de numéro un sur la vente en ligne.

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Nous utilisons le digital pour remettre de l’humain à la disposition de nos clients. La digitalisation ne doit pas faire peur, c’est une alliée. Nous réallouons des ressources avec compétences. C’est pour cela que nous avons mis en place e-Move. L’an dernier, 99 collaborateurs, soit 4 % des effectifs, ont encore bougé. Ils ont soit évolué soit changé de métier soit fait autre chose.

Quel bilan dressez-vous de 2019 ?

Nous avons enregistré une croissance de 5 % portant notre chiffre d’affaires à 1,240 Md€. L’ensemble des activités étaient en croissance. Le cash & carry est en croissance de 6,9 % en 2019, nous en avons fait à la fois un cash livreur et un site de logistique urbaine. Il représente pour nous un site pilote.

En termes d’assortiments, nous avons désormais 3 000 produits locaux et régionaux référencés, avec un système de géolocalisation sur notre site e-commerce. La gamme Origine a une croissance de 38 % avec 64 lancements de produits en 2019. Tout cela va être renforcé grâce à la campagne #J’aime mon producteur. Et fin 2020-début 2021, nous lancerons une nouvelle marque propre 100 % bio, Transgourmet Natura. Elle sera développée au niveau européen et touchera toutes les gammes.

*Entretien réalisé le 25 juin.

Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger

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Éric Decroix. © Gilles Dacquin
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