« Les CHR ont aussi une clientèle bière potentielle à aller chercher »

J’ai participé récemment à une conférence sur le salon Richement Bière qui se tient tous les deux ans dans le village de Richemont, en Moselle, au nord de Thionville. Je voulais répondre aux questions qui me sont posées sur les débouchés qui s’offrent à ceux qui suivent une formation en biérologie. Beaucoup à l’issue de cette formation s’estiment des biérologues à part entière alors qu’il reste encore beaucoup à acquérir en expérimentant différents postes. Aujourd’hui, le jeune biérologue va surtout rejoindre des équipes de technico-commerciaux. S’il a à son actif quelques belles expériences dans la bière, il pourra être ambassadeur des marques : c’est le cas d’un des derniers embauchés chez Meteor. Ensuite, il y a beaucoup d’autres possibilités comme dans la distribution. La question qu’il faut se poser c’est : vers quoi veut-on se diriger ? Par exemple, Thibault Schuermans était intéressé par les accords bières et mets, c’est ainsi qu’il a créé le site Bière à Table avec beaucoup de succès.

Je forme actuellement les futurs jurés du Concours général agricole (CGA) dans plusieurs villes de France : à Vénissieux, chez les 3 Brasseurs, à Beaune, à la Brasserie de France... Il s’agit de sessions de vingt personnes qui ont fait leur demande auprès du CGA. Étant donné qu’il y a plus de demandes que de places, les jurés seront sélectionnés en fonction de leur motivation. Par ailleurs, j’ai toujours mes cours de biérologie avec des promotions en cours de finalisation de leurs connaissances : à l’Institut Lyfe d’Écully, à l’Institut Vatel de Bordeaux. Au Pôle gastronomie de l ’Université de Cergy-Pontoise, situé à Gennevilliers, où il s’agit de cours de biérologie en licence de gastronomie, pour des jeunes qui se destinent véritablement à la profession. Je donne également un cours à l’Académie Internationale des Vins en Alsace, à Landersheim, près de Saverne, et au DU Production et commercialisation brassicoles, biérologie au CFPPA du lycée agricole d’Obernai. Enfin, la grande nouveauté est la création du premier DU de biérologie à l’université de Reims avec le lancement de sa première promotion début février.

Il y a de très belles choses… avec toujours la difficulté de proposer des bières artisanales à la pression. L’offre bouteille y est beaucoup plus importante. Aujourd’hui, sans doute plus qu’avant, les propriétaires d’établissements ont besoin d’être aidés par leurs fournisseurs. Il est aussi important pour les CHR de former leur personnel et de fidéliser leur clientèle. Par ailleurs, nous assistons au renouveau du bar à bière à travers deux façons. D’une part, la création de brasseries sous la forme de brewpubs*. C’est un des conseils que je donne car toute la bière qui sera produite et vendue sur place est déjà un apport de chiffre d’affaires, et ce, sans logistique. D’autre part, via la création de bars délocalisés en parallèle de brasseries. Par rapport aux CHR traditionnels, ce n’est bien sûr qu’un faible pourcentage, mais cela redonne au client la possibilité d’aller au contact des brasseurs et de découvrir des bières artisanales qui cassent les codes.

À Paris, le bar à bière La Ruée vers l’Orge, dans le 3e arrondissement, avec une ambiance et une belle offre, à la pression et en bouteilles. À Lyon, je citerais trois établissements : Boston Tavern, Hopstore et Hopper. Et aussi Overground et Roue Libre à Strasbourg. La Maison, Le Coin Mousse, Le Beltane et Bloom Pop à Rennes.

La brasserie parisienne Fauve a créé un autre lieu de production à Mauguio, dans la périphérie de Montpellier. J’y ai découvert des bières complexes tout à fait intéressantes, de style Pastry Beer, qui s’inspirent du style de bière allemande Gose qui, elle, est légèrement salée. Nous avons aujourd’hui des brasseurs artisanaux très créatifs, qui après nous avoir incités à reconsidérer l’amertume, à accepter de la découvrir ou redécouvrir et à l’aimer, nous amènent aussi à redécouvrir l’acidité. Il y a un développement de bières de type gueuze, une bière fabriquée avec des levures de fermentation spontanée qui, hier, dépassait peu les frontières de la Belgique. Citons la Brasserie Effet Papillon à Mérignac, son brasseur-fondateur, Jocelyn Chazel est spécialiste de ces bières avec de beaux arômes fruités et une acidité marquée.

S’ils ont la possibilité de former l’équipe qui vend, tant mieux, sinon qu’ils aient au moins sur leurs cartes deux ou trois mots qui permettent aux clients de faire des choix qui vont les satisfaire. C’est très important. Les CHR ont su créer leur clientèle, et ils ont su en fidéliser la plus grande partie, mais ils ont aussi une clientèle potentielle qui va apporter la jeunesse dans leur établissement. Ils ne sont pas obligés d’avoir une gamme digne de celle d’un bar à bière, mais ils peuvent donner des rendez-vous. Par exemple, une fois par mois - le jour où l’on a le moins de monde - informer de la mise en perce d’une nouvelle bière artisanale. Ils peuvent alors communiquer, faire venir un biérologue pour un commentaire de dégustation, et offrir à la vente cette bière sur la totalité du mois. Les CHR pourraient également développer, avec la bière, l’équivalent du café gourmand, avec un accompagnement facile à préparer par l’équipe, de type planchettes de fromages, de charcuteries ou mixtes. Cela peut se faire aussi avec un accompagnement sucré et étonner positivement ! 

*Il existe 2 589 brasseries en activité en France dont 1 570 brewpubs (Source : Projet Amertume - 29 décembre 2023).