[Spécial RSE] Des parkings se transforment en plateformes logistiques

Le réemploi ne vaut pas uniquement pour les contenants alimentaires ! Le terme s’applique aussi aux parkings et plus largement aux ateliers et entrepôts en déshérence dans les centres-villes. Il serait sans doute plus juste de parler, ici, de reconversion que de réemploi. Les exemples se multiplient rien qu’à Paris. Comme rue du Moulin-Joly, dans le 11e arrondissement. Cet ancien atelier de tissage de 1 000 m2, en rez-de-chaussée en plein centre-ville, est aujourd’hui transformé en une plateforme partagée au service de la logistique du dernier kilomètre. Une aubaine!

Des espaces partagés
À l’intérieur trois espaces : le premier est occupé par un opérateur de cyclologistique qui livre du vin aux restaurateurs de la capitale ; le second est alloué à un autre cyclologisticien qui transporte des produits frais et, le dernier lot, vide actuellement, était dédié, il y a peu encore, à un acteur de la livraison de colis e-commerce. L’idée, chaque fois, est de faire livrer cette plateforme par un camion de 3,5 tonnes, de décharger la marchandise dans l’espace commun, de préparer les commandes sur place et de charger les vélos-cargos qui livrent les clients. DouzePointCinq (12.5), l’entreprise qui exploite cette adresse, gère un autre site dont les travaux d’aménagement s’achèvent tout juste, au 88, rue de La Roquette, toujours dans le 11e arrondissement de Paris. La surface est ici de 1 500 m2. Il y a deux ans et demi encore, stationnaient dans ce parking, en sous-sol, les voitures d’une grosse copropriété. Après avoir obtenu les autorisations nécessaires et effectué un an et demi de travaux, DouzePointCinq en a bouclé la commercialisation. « Un important grossiste alimentaire va s’installer d’ici à la fin avril ; une chambre froide va même y être aménagée », explique Paul Martichoux, le cofondateur de DouzePointCinq, en décrivant cet espace de béton gris éclairé en lumière naturelle sur un côté. Un second locataire, logisticien de l’e-commerce, aurait également signé pour profiter de ce nouvel espace logistique. Le hub pourra être livré par des poids lourds 19 tonnes, la hauteur de la porte d’entrée, la rampe d’accès et la sortie en ligne droite de l’autre côté du bâtiment, dans une rue parallèle, s’y prêtant désormais. Ici, comme rue du Moulin-Joly, les surfaces ne sont pas conçues pour stocker des marchandises ou de façon marginale, mais bien pour les transférer vers des moyens de transport adaptés à la circulation et au stationnement dans le centre-ville : utilitaires légers et vélo-cargos (voir article sur la cyclologistique). «Il y a un avenir pour les hubs logistiques partagés au cœur des villes, tout comme il existe un marché pour les bureaux partagés », résume Paul Martichoux, le cofondateur de DouzePointCinq. Ce nouveau venu dans le monde de la promotion immobilière, l’entreprise est née il y a quatre ans (voir encadré), ouvre un nouveau marché : celui de la reconversion de parkings en espaces logistiques. DouzePointCinq trouve ces adresses parmi les parkings d’immeubles de bureaux qui se vident avec le télétravail et dans ceux de copropriétés. « Nous avons déjà 32 hubs à Paris, 16 à Lyon, plus de 10 à Marseille, et 3 à Lille, à Strasbourg et à Nantes », énumère le jeune dirigeant.

Le concept de l’hôtel logistique 
La société Bright House se positionne, elle aussi, sur le marché des « hôtels de logistique urbaine » avec des réalisations légèrement différentes. En mars 2025, ce promoteur d’un genre nouveau ouvrira sous le 66, avenue des Champs-Élysées, à Paris, un hub de 18 000m2. Il s’agit là également d’un ancien parking sous-terrain, profitant de deux accès par les rues de Ponthieu et de La Boétie. Cet espace aura trois usages : accueillir les stocks déportés des commerçants de « la plus belle avenue du monde » qui ont vu la surface de leurs réserves diminuer au fil des années ; servir de zone de cross-docking, comme dans les exemples DouzePointCinq, et enfin faire office de point relais ouvert 24 h/24 pour les consommateurs venus retirer un colis en dehors des heures d’ouverture des commerces. Marc Bazenet, le directeur technique de Bright House, assure que «deux autres sites sont en projet, boulevard des Maréchaux dans le 12e arrondissement de Paris et probablement dans le 15e ». Dernier exemple : celui du Pressoir de Bercy, dans le sud-est de Paris. Ce projet piloté par Corsalis, qui se présente comme «une société immobilière dédiée à la logistique urbaine », et Indigo (ex-Vinci Park) prévoit la transformation d’un espace de grande hauteur de 2 000 m2, en plateforme accessible à tous les types de véhicules : des vélos-cargos aux poids lourds.

Des parkings automobile qui se vident 
Ces exemples traduisent le besoin de créer des plateformes, hubs ou hôtels logistiques, selon le terme retenu, dans les centres des grandes villes de France. La nécessité augmente avec la multiplication des zones piétonnisées et des décrets y restreignant la circulation des poids lourds. Problème : les grandes surfaces disponibles sont excessivement rares. Mais comme dans le même temps plusieurs municipalités en France entendent limiter la place de la voiture, des places se libèrent au propre comme au figuré. « Il y a une rencontre entre la demande d’espaces de logistique en centre-ville et la baisse de la fréquentation automobile dans certains parkings des grandes métropoles, principalement à Paris, Lyon et Bordeaux», explique Jean-Laurent Dirx, le président de la Fédération nationale des métiers du stationnement (FNMS), une organisation qui compte une centaine d’adhérents dont les plus grands exploitants privés et publics de parkings en France et leurs prestataires de services (architectes, éditeurs de solutions d’accès...).

Plusieurs obstacles à envisager 
Mais tous les parkings ne sont pas une veine facile à exploiter ! Avant d’entamer la reconversion de leurs espaces, les propriétaires veulent savoir si la désertion de leurs sites par les automobilistes sera durable. Car avec la diminution des places de stationnement en surface dans les villes (création de pistes cyclables, programmes de reverdissement...), les particuliers devront bien trouver où garer leurs voitures ! Le second obstacle est technique. Car accueillir des poids lourds là où stationnaient avant des véhicules de tourisme ne va pas de soi. Des travaux de gros œuvre sont souvent nécessaires : renforcement des dalles et agrandissement des accès et des espaces de circulation afin d’éviter des manœuvres compliquées aux camions (rognage des piliers, création de rampes d’accès, destruction de mezzanines...). Enfin, ces espaces sont soumis à des normes plus strictes (incendie, aération...) dès qu’il s’agit d’en faire des lieux où travailleront des salariés et par lesquels transiteront des produits alimentaires. Ces travaux durent parfois plus d’un an et occasionnent de lourds investissements. Fort logiquement, on retrouve donc de grands acteurs de l’économie au capital de DouzePointCinq et de Corsalis. Ce dernier a ouvert le sien au géant de l’immobilier Altarea en 2022.