Chloé Labiche

[TOP INDEPENDANTS 2022] Christophe Hay « Il faut privilégier l’ultra qualitatif »

Christophe Hay
Chef-propriétaire
Fleur de Loire
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Christophe Hay

[N°4 CENTRE-VAL-DE-LOIRE] Christophe Hay a quitté Montlivault et a ouvert cet été à Blois son vaste projet dans un édifice historique du XVIIe siècle. Baptisé Fleur de Loire, ce dernier se compose d’un hôtel 5 étoiles, de deux restaurants gastronomiques, d’une pâtisserie et d’un spa. Un véritable pari dans lequel ce chef entrepreneur a investi 8 M€ mais surtout réuni l’ensemble de ses valeurs et convictions, comme il nous l’explique ici.

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Comment s’articule l’offre de restauration à Fleur de Loire ?
Christophe Hay

Nous avons deux tables gastronomiques : le restaurant Christophe Hay avec un ticket moyen à 215 € et Amour Blanc où nous sommes à 75 €. Ce sont deux positionnements différents mais toujours sur de l’ultra qualitatif. Il y a aussi du snacking au bar, comme dans tous les hôtels, mais seulement avec des produits à nous : le burger est cuisiné avec notre wagyu, par exemple. Nous proposons, en outre, un kiosque à pâtisseries. C’est une boutique ouverte sur l’extérieur, elle permet aux gens de mettre un premier pied dans Fleur de Loire. L’idée est aussi de présenter des pâtisseries de cuisinier, d’aller chercher du goût, des herbes du jardin... de garder un lien avec ce qu’est notre cuisine. Nous avons pour cela un laboratoire où travaillent 13 pâtissiers. À terme, nous serons, je pense, à 50-50 % entre hébergement et restauration avec un objectif de 8 M€ de chiffre d’affaires. La gastronomie a toujours été mon point essentiel. C’est pour cela que le restaurant Christophe Hay est au milieu de la bâtisse, c’est le poumon de Fleur de Loire.

Fleur de Loire vous a aussi permis de pousser encore plus loin votre engagement écoresponsable et locavore ?
Christophe Hay

Le Val de Loire a une terre très fertile. C’est le jardin de la France. Je me revendique paysan-cuisinier. J’ai créé ma société agricole en 2018, je suis issu d’une famille paysanne depuis cinq générations. Nous sommes à 100 % autonomes en matière de légumes sur les trois restaurants, ceux de Fleur de Loire et celui d’Orléans, grâce à nos 1,5 ha de cultures. Nous sommes autonomes également pour le pain, nous travaillons avec la minoterie Goubet dans le nord du département. Nous avons une production de caviar et, depuis cette année, 5 ha de truffière près de Cheverny. J’ai toujours mes bœufs wagyu, nous sommes montés à 82 têtes, j’en avais acheté 37 en 2018. Je pense d’ailleurs ouvrir les ventes aux professionnels à partir de janvier. Nous utilisons tout l’animal : nous faisons jambon, saucisson, chorizo, charcuterie avec toutes les parties basses et nous valorisons tout le reste. Il faut privilégier l’ultra qualitatif afin de consommer moins mais mieux. Cela passe par ce genre de produits un peu exceptionnels. Nous n’avons que ça : de l’agneau solognot, une race que nous avons relancée, la geline de Touraine pour la volaille, le gibier vient du domaine de Chambord. Quant aux poissons, je travaille essentiellement les poissons de Loire. C’est un pied de nez au sort de ces poissons d’eau douce qui ont toujours été dénigrés, accusés d’avoir plein d’arêtes et d’être vaseux. La Loire est le seul fleuve en Europe à être classé patrimoine mondial à l’Unesco. Je pense publier un livre pour répertorier toutes ces espèces. Je veux qu’il y ait une référence des poissons d’eau douce, ne serait-ce que pour les écoles, les lycées hôteliers.

« Je ne veux pas être le plus riche du monde, mais je veux asseoir ma maison. J’ai toujours fonctionné comme ça. »

Un engagement que l’on retrouve aussi au niveau des équipements ? 
Christophe Hay

Tout à fait. Nous avons un composteur extérieur. En cuisine, nous utilisons des poches biodégradables en fibre de maïs. Notre approvisionnement ultra local limite le recours aux emballages et au plastique. Tout notre matériel de cuisine vient de chez Enodis, avec les dernières générations de produits très performants en termes de consommation. Nous sommes 100 % électrique, nous n’avons plus de gaz. Au niveau du chauffage, nous avons une climatisation à circuit à eau. Un circuit fermé sans déperdition énergétique. Par chance, nous avons signé en juillet de l’année dernière notre contrat d’électricité pour trois ans. Nous sommes sur de l’énergie verte. C’est une volonté de financer ce que sera l’électricité de demain. C’est quelque chose que j’avais déjà mis en place à Montlivault en 2015. Et tout ce qui est produits d’entretien vient de Green Care Professional avec qui nous avons noué un solide partenariat. Nous avons suivi la même démarche pour l’ameublement, nous sommes passés par la société Malvaux à Nantes qui réalise du mobilier avec du bois recyclé. Pour les travaux, nous avons eu recours essentiellement à des entreprises locales grâce auxquelles nous avons relevé le défi d’ouvrir au bout de dix-huit mois, ce qui est très peu pour une bâtisse de cette ampleur.

Vous semblez très à l’aise avec la gestion...Un vrai atout pour un chef entrepreneur ?
Christophe Hay

J’ai fait un lycée hôtelier, j’en suis sorti en voulant être cuisinier. La gestion et le marketing n’étaient pas mes matières de prédilection, l’anglais non plus... Lorsque Paul Bocuse m’a dit qu’il m’envoyait aux États-Unis, j’étais paniqué ! Mais, finalement, c’était super car aujourd’hui je parle anglais et je peux communiquer avec les clients. Quand je suis arrivé à Paris, je suis devenu chef exécutif pour le groupe d’assurances BC, je m’occupais des hôtels de Serre, Edouard VII et Bel Ami. J’étais salarié de l’Hôtel de Serre et ils m’ont donné des parts sur les autres maisons. J’étais très impliqué dans les chiffres, le recrutement, les dépenses ou la mise en place des business plans car nous avons rouvert de la restauration sur deux hôtels. C’est ainsi que j’ai appris à aimer les chiffres. Aujourd’hui, je pense sincèrement que c’est une de mes forces : je ne suis pas que cuisinier, j’ai aussi toute cette partie qui m’anime. Je ne veux pas que cela empiète sur mon métier mais, à la fin du service, midi ou soir, je me mets à mon bureau. C’est souvent le problème d’un chef cuisinier quand il s’installe, il peut s’avérer mauvais gestionnaire ou être mal entouré.

Qu’est-ce que qui vous anime en tant que chef d’entreprise ?
Christophe Hay

Je ne veux pas être le plus riche du monde mais je veux asseoir ma maison. J’ai toujours fonctionné comme ça. À Montlivault je ne me payais qu’en fin d’année, je ne percevais pas de salaire mensuel. S’il n’y a pas de résultat, je ne me rémunère pas... mais il se trouve que j’ai toujours pu le faire. Demain si j’ai un réfrigérateur qui ne fonctionne pas, je peux le remplacer ou le réparer. Je conserve cette façon de faire à Fleur de Loire.

 

 

Retrouvez l'intégralité du dernier numéro de Zepros Distributeurs RHD et son Top Indépendants 2022 ici

 

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Le kiosque à pâtisseries
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Le restaurant gastronomique Christophe Hay
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Fleur de Loire
Chloé Labiche
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