
« J’aime faire bouger les lignes »

L’entrepreneuriat n’attend pas le nombre des années. À moins de trente ans, Jade Frommer affiche déjà un beau parcours avec la création du groupe de restaurants immersifs Ephemera qui vient de lancer ses deux premières adresses en région, Wonderwoods à Angers et Magmatic à Lille, et prépare plusieurs ouvertures. En parallèle, la dirigeante a lancé 6.90, un concept où le plat maison est au tarif unique de 6,90 €.
6.90 est parti d’un constat très simple : je suis allée faire mes courses et j’en ai eu pour trop cher. J’ai réfléchi à un moyen de proposer des plats hyperaccessibles et bons avec une carte évidemment minimaliste. L’idée est d’être les premiers à créer une cantine du quotidien où le client s’en sort pour moins de 15 € à 2.
La première chose a été de bien m’entourer car j’ai un travail conséquent sur Ephemera, je ne peux pas me permettre de m’impliquer dans une deuxième société à 100 %. Je me suis associée, à parts égales, à Florio Torella, directeur des opérations d’Ephemera, et à Lina Utzig, en charge du développement. Et nous avons confié la direction de 6.90 à Matteo Balavoine qui s’occupe à plein temps du concept. L’autre étape-clé a été de trouver un plat : nous nous sommes lancés avec une saucisse 100 % pur porc de l’Aveyron accompagnée d’une purée maison et d’un jus de veau réduit.
Si je m’étais écoutée au début, je voulais que cela s’appelle 3.90 ! Mais à ce tarif on ne gagnait pas d’argent, en tout cas pas avec la qualité que nous visions. Nous avons réalisé qu’avec une cuisine qualitative les frais de personnel, la purée et le jus maison nous arrivions à un plat à 6,90 €. Nous avons réfléchi à 2 ou 3 autres recettes, également à ce prix-là, au cas où le concept évolue. Ce nom est très important pour moi, même si cela a pu faire polémique en cas d’inflation ou autre je crois que c’est notre travail de restaurateur de trouver des solutions pour tenir la promesse.

Nous avons trouvé un local éphémère, c’est pour cela que cela ne dure que trois mois. Nous avions l’envie de lancer cette idée très rapidement. J’ai appelé une cinquantaine de restaurateurs pour savoir si l’un d’entre eux voulait me sous-louer son restaurant. J’ai trouvé cette opportunité. Nous étions censés produire sur place, mais la surface de 70 m2 avec 25 places assises s’est avérée trop juste, nous avons pris un laboratoire à côté.
Sur de l’éphémère il ne faut jamais voir court terme, mais long terme. Avec Ephemera, quand nous avons commencé avec nos premiers restaurants éphémères nous ne gagnions pas d’argent. 6.90 c’est la même chose. Demain, si nous avons plusieurs 6.90, nous mutualiserons beaucoup de choses, évidemment la production. Aujourd’hui, nous avons un sujet de coût matière plus élevé, nous sommes autour des 30 % quand sur Ephemera ou un groupe plus traditionnel c’est 20-25 %. Mais cela se gère totalement, le plus important est de voir s’il y a de l’attrait pour cette proposition, si cela a du sens, si on s’amuse, si les clients reviennent. Il y a plein de points à analyser afin de comprendre le modèle. Cela sera mon travail dans un second temps.
C’est extrêmement positif. Nous servons entre 250 et 300 personnes par jour dans un établissement de 25 places assises. Nous sommes très satisfaits, en revanche, nous sommes sur de l’éphémère et faisons avec les moyens du bord car le lieu n’est pas adapté à une telle fréquentation. Il faut gérer ce flux, l’organisation, la rotation des tables… Il y a des questions opérationnelles qui se posent. Mais les retours clients sont très bons, nous avons lancé le deuxième plat il y a une semaine, une lasagne végétarienne qui cartonne. Nous recherchons en ce moment un local plus grand pour pérenniser 6.90, mais rien n’est signé.
Tout d’abord, j’aime avoir un impact, faire bouger les lignes et prendre des risques, quitte à échouer. Pour Ephemera c’est rendre accessible une restauration de grande qualité dans des lieux de dingue où on fait voyager tout type de client avec un ticket moyen à 30 €. Sur 6.90 il y a la volonté de faire bouger les codes sur une restauration peu chère. Le tout en m’amusant. L’autre point commun, c’est l’éphémère et l’aspect expérimental de ces deux projets.

À merveille ! Wonderwoods, lancé à Angers début février, est une ouverture extraordinaire qui a dépassé nos prévisions avec 5 000 réservations enregistrées en quarante-huit heures. C’est un restaurant qui accueille 400 personnes par jour et qui nous permet de cocher des cases. Notamment celle du développement en dehors de Paris. Même si nous n’avions pas de doutes, c’est important de le prouver. Nous ouvrons Magmatic, à Lille, mi-mai ; un restaurant à Val d’Europe cet été ; Under The Sea 2 à Paris en septembre, mais aussi des projets à Marseille et Montpellier. Nous serons 500 collaborateurs à la fin de l’année, ce qui me fait un peu plus peur, j’avoue ! Mais je suis extrêmement bien entourée, sans cela on ne peut pas faire grand-chose.

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