Le vin, une affaire de degrés (pas seulement alcooliques)
« - Servez-moi une bouteille de vin blanc s'il est frais !
- S'il est frais ? Touchez-moi ça ! On dirait que ça vient des vignobles du pôle Nord ! »
Ce dialogue est extrait de Marius (1931), adaptation cinématographique de la pièce éponyme de Marcel Pagnol. Il faut reconnaître que les habitudes n’ont guère changé depuis l’époque où César officiait au Bar de la Marine sur le Vieux-Port de Marseille : dans les bistrots et aux restos, les vins blancs sont généralement servis trop froids et les rouges trop chauds.
Mais « trop » par rapport à quoi ? C’est là que ça se complique. Sans vouloir souffler le chaud et le froid, il faut reconnaître que la température adaptée dépend du style du jus fermenté. Voici quelques repères pour apprécier au mieux le précieux nectar.
Les blancs se dégustent entre 7 et 14°C. Plus ils sont vifs, acidulés, peu aromatiques, plus on les sert froids. À l’inverse, plus ils sont opulents, issus de grands terroirs, plus on fait monter les degrés. Le Clos des Orfeuilles de la sélection Castel Frères prouve qu’il ne faut pas seulement se fier à l’étiquette. Ce Muscadet Sèvre et Maine issu de l’agriculture biologique casse tous les clichés sur le Muscadet. La qualité des sols et un élevage sur lies pendant dix mois apportent de la fraîcheur mais aussi beaucoup d’ampleur et une aromatique complexe et persistante. Un cru de terroir à servir autour de 14°C.
Comme les blancs, les rosés sont servis frais (autour de 8-10°C) pour souligner leur acidité. Là encore, il ne s’agit pas d’une règle d’or. La cuvée Marafiance du Château Cavalier, propriété de la famille Castel, peut supporter quelques degrés supplémentaires pour révéler toute son expressivité aromatique : de délicieux parfums de citron vert, d’ananas frais, de bergamote et de menthe froissée.
Les rouges se boivent entre 14 et 18°C. Plus les vins sont riches en alcool et en tannins, plus les degrés peuvent grimper ... sans jamais dépasser les 20°C, au risque de paraître alcooleux et pâteux.
Enfin, mieux vaut trop frais que trop chaud : le vin pourra toujours se réchauffer dans le verre. Quinze minutes suffisent pour lui faire gagner 4°C...
Ces règles ne font ni chaud ni froid à vos clients qui réclament leur verre de blanc glacé ? C’est leur droit et le plaisir doit rester le maître mot de la dégustation. À vous de leur expliquer que la température de service change le goût du vin. Pour le meilleur et — souvent — pour le pire.
Le goût du vin, une affaire de degrés
Premiers affectés : les odeurs et les arômes. En effet, la volatilité des molécules olfactives augmente avec la température et certaines ne sont libérées qu’au-delà d’un certain niveau de chaleur. Autrement dit, offrir un vin trop froid c’est risquer de masquer ses délicieux parfums. Côtés saveurs, le froid accentue la perception de l’acidité et de l’amertume, le chaud celle du sucré. Le toucher de bouche n’est pas en reste puisque les tannins sont renforcés par le froid, l’alcool et le gras par le chaud.
Toujours pas convaincu ? Débouchez peu de temps après sa sortie du frigo, disons à 8°C, une bouteille de rouge, par exemple le Chevalier d’Arcins, second vin du Château d’Arcins créé en exclusivité pour la restauration. Notez vos impressions. Attendez une bonne demi-heure pour déguster à nouveau : c’est bien le même vin mais nez et papilles affirment le contraire. Quelques degrés et l’allonge à la fois riche et raffinée des vins de la propriété peut enfin s’exprimer.