[Thomas Fantini, Groupe Esprit Pergo]: « Ne nous interdisons pas d’être optimiste »

Chloé Labiche
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Interview
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À la tête du dynamique groupe toulousain Esprit Pergo (Skandi & Pergo, Pains & Pergos, Bistrot & Compagnie, Bonbonne, Eclat de Choux...) vainqueur du Ze Awards 2019 de la meilleure croissance de chiffre d’affaires, Thomas Fantini ne s’est pas arrêté avec la fermeture de ses affaires. Entre gestion de crise, adaptation et anticipation, il prépare son entreprise à l’après et, malgré les incertitudes, ne s'interdit pas de se développer

Après plusieurs semaines de fermeture de vos établissements où en êtes-vous ?

Je suis paradoxalement très actif. Entre le PGE et le chômage partiel de 95 % des salariés, j’ai récupéré beaucoup de tâches administratives. La priorité a été de sécuriser les emplois, les équipes et l’entreprise. La deuxième étape a été de se rendre disponible pour des opérations solidaires. Nous avons beaucoup travaillé avec la Banque Alimentaire et avons offert près de 5 000 repas. Nos partenaires fournisseurs et distributeurs nous ont beaucoup aidés sur le sujet. Je rends d’ailleurs hommage à mes équipes : il y a eu une mobilisation générale des 80 personnes du groupe, autour de notre chef exécutif Maxime Delbos, sur la base du volontariat et du bénévolat. Cela nous a permis de garder un lien avec les équipes qui sera précieux pour la reprise. Enfin, nous nous sommes beaucoup investis dans les cellules de crise de chaque métier et fédération : Medef, Umih etc afin de soutenir toutes les entreprises toulousaines du secteur.

Avez-vous l’impression d’y voir plus clair?

Nous manquons cruellement de visibilité en ce moment. Paradoxalement nous en avons sur les futures attentes client avec priorité à l’hygiène, au local et à la RSE, de sujets sur lesquels nous étions déjà bien avancés. En revanche, rien sur les conditions de réouverture, sur les exigences demandées en termes d’hygiène mais aussi de distanciation, ou sur la rentabilité possible de nos établissements dans ces conditions. Et bien sûr, une grande incertitude quant à l’avenir en termes économiques et à la durée de la crise. En Occitanie nous avons un problème supplémentaire lié à l’importante présence aérospatiale qui sera fortement impactée. Tous les sous-traitants et entreprises qui dépendent d’Airbus notamment c’est entre 70 000 à 80 000 personnes à Toulouse. Forcément cela aura un impact sur nos restaurants et particulièrement sur notre partie traiteur.

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Justement qu'en est-il de votre activité traiteur ?

Clairement la saison est cuite. Pratiquement tout a été annulé jusqu’à fin juillet et cela commence aussi en août. Le secteur qui a soutenu le groupe pendant des années va devenir son talon d’Achille. Le traiteur représentait 40 % de notre chiffre d’affaires, c’était la partie la plus dynamique sur les dernières années. Nous avions fortement investi avec rachat de société et acquisitions matérielles et immobilières. Pour nous c’est un sacré coup.

Comment allez-vous vous adapter à ces nouvelles contraintes sanitaires ?

Nous allons notamment essayer de rendre « ludiques » toutes ces nouvelles contraintes liées à l’hygiène pour que ce soit moins anxiogène. Par exemple, nous avons fait fabriquer des masques en tissu avec notre logo et des gants de couleurs gaies. Nous travaillons également le cérémonial autour du gel hydroalcoolique offert au client avant le repas. L’idée étant de l’intégrer à l’expérience, client. Pour ce qui est de la partie traiteur, il nous faut revoir les présentations de cocktails pour avoir le moins de contact possible. Les grands buffets avec fontaines de légumes ou les pièces servies sur plateaux, c’est fini. Il va falloir réfléchir à des conditionnements individuels tout en gardant le côté décoratif. Nous nous sommes aussi attelés à la rédaction d’une charte hygiène en collaboration avec nos fournisseurs et le cabinet BVC : de l’arrivée des équipes jusqu’à leur sortie en passant par les livraisons. On essaie d’être très réactifs à toutes les annonces et visions d’avenir.

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Qu’allez-vous mettre en place pour atténuer les pertes de chiffre d’affaires ?

Nous allons ajouter des journées d’ouverture sur les établissements qui n’ouvraient pas le dimanche. Notre priorité est de préserver les équipes, éviter les licenciements. Nous avons pris le temps, réorganisé nos plannings, nos journées d’ouverture, demandé de la mobilité-flexibilité aux équipes. Nous avions un projet d’épicerie-cave en ligne dans les cartons que nous pensions sortir dans les trois ans. Finalement nous le lançons en mai.

La livraison, assez marginale dans votre groupe, est également une de vos priorités ?

Nous allons, en effet, fortement développer la livraison avec une offre traiteur, pâtisserie, épicerie-cave à vins et des plats phares de nos restaurants. Ce sera une offre complètement nouvelle et un gros projet sur lequel nous mettrons de gros moyens marketing et communication. Nous faisions déjà un peu de livraison en pâtisserie et épicerie-cave mais c’était confidentiel. Nous n’avons pas des produits qui s’adaptent bien à la livraison, nous étions un peu perplexes sur notre pertinence sur le sujet. La crise nous a forcés à nous poser ces questions, à nous démarquer, à amener de l’originalité et de l’innovation dans notre fonctionnement. L’innovation va être sur le devant de la scène pendant, je pense, quelques temps pour nos métiers.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Nous sommes partis sur 50 % de l’activité jusqu’à fin 2020, -30 % sur 2021 par rapport à nos prévisionnels et un retour à l’équilibre de 2019 en 2022. Malgré cela nous avons des projets de développement et avons répondu à des appels d’offre, nous espérons avoir des ouvertures. Ce serait une belle opportunité pour répartir nos masses salariales et sauver nos emplois. Nous sommes responsables de plus de 80 familles, c’est ma priorité. Il y a une partie risque forte je l’admets mais je me refuse à imaginer perdre des équipes. Ma phrase fétiche du moment est « Ne nous interdisons pas d’être optimiste ».

Chloé Labiche
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