LES 1001 TALENTS DES INDÉPENDANTS
S'ils n’ont ni la force de frappe, ni l’envergure des groupes intégrés et des chaînes de restauration, les indépendants ont des armes qui peuvent s’avérer redoutables. Au point qu'aujourd’hui bien souvent Goliath s’inspire de David pour peaufiner ses nouveaux concepts et séduire la clientèle. Ils ont notamment les faveurs du grand public : 42 % des consommateurs considèrent que les restaurateurs indépendants contribuent à l’accroissement économique local et 39 % qu’ils sont importants pour la diversification de leur région (étude Metro sur les restaurateurs et commerçants indépendants, 2018). Ils sont d’ailleurs nombreux à s’appuyer sur les produits du terroir et les producteurs locaux. À l’image du groupe Esprit Pergo de Thomas Fantini à Toulouse (31) qui réinvente la gastronomie du Sud-Ouest et ose jusqu’au sandwich cassoulet ! Souplesse et synergie Même des établissements routiers comme l’Escale à Déols (36) reviennent à plus de produits frais et sourcés, autant que possible, à proximité. Cuisine créative ancrée dans la nature du chef Éric Guérin à Saint-Joachim (44) ou encore légumes du potager du Château de Villandry (37) servant au restaurant et à la buvette attenants, les indépendants savent anticiper et s’adapter aux aspirations du grand public. Une souplesse qui leur permet de faire évoluer également rapidement leur offre. « On nous demande désormais beaucoup plus de cocktails », explique François Lafond du traiteur La Petite France à Poitiers (86), « il a fallu revoir nos modes de fonctionnement avec des cuisines ambulantes où l’on fume les produits, par exemple. Cela demande beaucoup de force d’innovation ». Et cette réactivité leur permet de travailler sur d’autres moments de la journée dans certaines de leurs adresses comme le petit déjeuner ou l’after work. Mais aussi d’établir une synergie entre les lieux. « Nous avons ouvert Les Boulistes, un bar à pintxos, à côté de l’Alimentation à Toulouse. Cela sert de before et d’after au restaurant », souligne Christophe Baron. Ce dernier dispose également d’un restaurant éphémère l’été sous forme de guinguette. Tout comme le groupe All4You, également dans la Ville rose, qui dispose de L’Envol, une « plage» festive sans la mer, ou du groupe breton STD qui a lancé un restaurant façon food court àRennes (35). Ces indépendants savent humer l’air du temps et proposer des lieux forts éveillant la curiosité des clients. Ou tout simplement s’adapter à la topographie de la région comme le groupe Nicolas Lascombes qui cisèle des lieux pour le Bassin d’Arcachon, le centre-ville de Bordeaux (33) ou encore les vignobles voisins. Une nécessaire structuration Tous ont également saisi l’importance de la différenciation des lieux et osent s’aventurer dans des domaines extrêmement variés. Grégory Coutanceau à La Rochelle (17) cumule, par exemple, restaurant gastronomique, brasserie, école de cuisine ou encore traiteur. Un appétit qui nécessite évidemment de se structurer : « Ce qui me paraît indispensable avec toutes ces activités c’est d’assurer la qualité de l’existant comme des futurs projets. J’attache donc beaucoup d’importance à la création de missions support pour mes équipes», confie le chef et dirigeant d’entreprise. Tous les indépendants font ce constat. « Avant d’ouvrir d’autres enseignes, j’ai tenu l’Amphitryon pendant quinze ans et créé un noyau solide. Si on lance d’autres choses c’est qu’on a les hommes pour », affirme Yannick Delpech. Une nécessité qui se heurte parfois aux moyens de l’entreprise. « C’est difficile d’être performant partout, de faire face aux changements de consommation des clients », confie Marie-Antoinette Ramel à la tête de la Maison Ramel à Poitiers (86), nous n’avons pas de fonctions support et aurions besoin de nous allier en groupements. » Une piste défendue également par Thomas Fantini qui réfléchit en Occitanie à un groupement de plusieurs restaurants pour monter en compétences quant aux ressources humaines, à l’écoresponsabilité, aux achats ou à la communication. Car si de nombreux indépendants font preuve d’une belle vitalité et mettent en avant la passion qui les anime, les diverses charges, problèmes de recrutement ou aléas économiques et sociaux pèsent sur leur quotidien. Même les plus gros comme le groupe toulousain All4 You et ses 12 M€ de CA ne se sentent pas à l’abri, « il faut que cela marche fort ou on est morts. Avec les charges, il suffit de plusieurs soirs de fermeture pour des raisons diverses pour couler la boîte. Nous n’avons pas la trésorerie pour supporter les coups durs», souligne Arnaud Chérubin, un des dirigeants qui espère pouvoir continuer à ouvrir une ou deux adresses par an. 61 % des restaurateurs et commerçants indépendants déclarent ainsi qu’une réduction et une simplification de la fiscalité de la part du gouvernement seraient une des premières façons de leur venir en aide (étude Metro 2018).