[Top indépendants 2021] : La mutualisation cherche encore les bonnes routes

Olivier Bitoun
Image
LOGISTIQUE
Partager sur
Image

Compliquée à mettre en œuvre et difficile à accepter par les distributeurs, la mutualisation logistique tarde à se développer en dépit de ses bénéfices économiques et écologiques. Pour faire sa place, elle s’intéresse d’abord aux flux les moins sensibles.

Les marchés d’intérêt national et les centrales des réseaux d’indépendants sont les plus favorables à la mutualisation logistique. A Rungis, Unigros, l’union locale des syndicats de grossistes, a initié un projet qui démarre dans quelques jours (voir encadré). Le Min de Grenoble veut créer une bourse de fret chez lui, et si la crise Covid complique sa concrétisation, l’intention est là (voir Zepros Distributeurs n°8). Chez C10, « le sujet de la mutualisation est sur la table depuis un moment », reconnait Saïg de Kerautem, le responsable logistique et développement durable du réseau de distributeurs de boissons. Chez France Boissons, il existe « une véritable volonté de développer des flux retour mutualisés », lance, comme un appel à candidatures, Xavier Fiorina, son directeur supply chain, afin de mieux remplir les 850 camions de la flotte qui remontent vers les plateformes du groupe.

La mutualisation, d’accord sauf si…

Sur le papier, la mutualisation présente des avantages. En massifiant les flux, elle fait baisser le coût de la livraison et le divise entre plusieurs chargeurs. Sur le terrain écologique, le groupage réduit le nombre de camions en circulation. L’argument écologique est incitatif à l’heure où le législateur accentue la pression… Comment expliquer alors que les projets de mutualisation soient si rares ? Le concept passe mal auprès des distributeurs. Ils invoquent des problèmes techniques. « Difficile de grouper nos livraisons boissons avec des produits carnés, des fruits et légumes ou de la marée car cela poserait des problèmes de température dans les camions, répond Saïg de Kerautem, avant de poursuivre, sans oublier que dans notre métier, nos livreurs descendent souvent la marchandise dans la cave du cafetier ! » L’organisation des tournées est un deuxième obstacle : pas facile de synchroniser les flux de plusieurs chargeurs, eux-mêmes dépendants de leurs réceptions de marchandises, même si des logiciels spécialisés détendent aujourd’hui ces nœuds logistiques. Au final, la principale épine dans le pied de la mutualisation est commerciale. « Les livreurs sont souvent nos meilleurs commerciaux et on ne veut pas perdre ce lien avec nos clients », résume Fabrice Chiffoleau, le dirigeant d’Atlantique Boissons (50e de notre Top 100), surtout à l’heure où les contacts se raréfient en raison de la digitalisation des commandes. Le chauffeur-livreur connait les demandes particulières de chaque client, c’est là que réside une partie de la valeur ajoutée d’un distributeur. Bon nombre de distributeurs, enfin, disent ne voir aucun intérêt à la mutualisation. « Massifier est la raison d’être de notre métier ! Nos camions partent en tournée pleins et en reviennent quasiment pleins de verres consignés ou perdus », explique le responsable de C10.

Des opportunités sur l’amont et la reverse

Le débat sur la mutualisation n’est pas tranché pour autant. Si la logistique aval – des distributeurs vers leurs clients – est une chasse gardée, la logistique amont – des fournisseurs vers les grossistes – reste ouverte. La plateforme du réseau C10, à Malesherbes (45), regroupe les flux qui ne justifient pas une livraison directe aux distributeurs, puis les rééclate vers ses adhérents. « Nous réfléchissons à créer des tournées de groupage vers nos adhérents d’une même région car nous sommes conscients des gains écologiques possibles », explique Saïg de Kerautem. Problème, la mise en œuvre n’est pas simple. Le réseau et ses partenaires n’ont pas encore réussi à « craquer l’équilibre économique du modèle. » Des tournées en lieu et place de trajets directs, signifient des liaisons plus longues, un découché pour le chauffeur-livreur souvent, et des coûts supplémentaires… L’issue pourrait se trouver dans la logistique reverse. « Nous cherchons des flux retour, à l’intérieur du réseau C10 ou à l’extérieur, qui rentabiliseraient le modèle en réduisant les kilomètres à vide », explique le responsable. France Boissons arrive à la même conclusion. « En livrant nos clients, nos camions passent quotidiennement devant les commerces des centres-villes. Nous pourrions collecter des flux pour eux, car nos camions reviennent de leurs tournées remplis à 40 % », complète Xavier Fiorina.

Quels que soient les flux, la mutualisation ne fonctionne qu’à certaines conditions : « Il est indispensable que les acteurs aient le même niveau d’engagement et de transparence et se dotent de règles communes », prévient Catherine Le Dantec, la secrétaire générale d’Unigros, avant de compléter, « pour réussir un tel projet, il ne suffit pas d’avoir intérêt à regrouper des flux logistiques, il faut aussi s’accorder sur la gouvernance. »

Avec Unigros, la mutualisation est logistique et commerciale

A compter du début de l’année 2022, 4 grossistes du pavillon bio du marché de Rungis (Bioalizé, BioVive, Dispéré Bio et Maison Bio Sain) vont livrer leurs clients restaurateurs à l’intérieur des mêmes tournées et des mêmes camions. Un GIE pilotera la structure dans laquelle un « organisateur de transport » - salarié par les 4 entreprises - planifiera les tournées. Les 4 distributeurs ont des offres complémentaires (fruits et légumes, BOF, charcuterie, épicerie, ingrédients).

Les bénéfices de cette association sont multiples : les clients restaurateurs seront désormais livrés en une fois au lieu de venir acheter au carreau ; le coût des livraisons sera moindre grâce au groupage et les émissions de CO2 seront diminuées de 20 % ; enfin les distributeurs en feront un instrument… de mutualisation de leurs clients ! A 3 ans, l’objectif est d’avoir 40 à 50 % de clients communs à 2 aux distributeurs au moins.

Initié par Unigros, l’union des syndicats de grossistes du marché de Rungis, ce projet de mutualisation est soutenu par la région Ile-de-France. Il a fait l’objet d’un reportage vidéo présenté lors des Rencontres nationales InterLUD, le 30 novembre (pour voir la vidéo : https://embed.api.video/vod/vi6I3MKvzWKN7knimPQSLQeJ)

Olivier Bitoun

Retrouvez l'intégralité du dernier numéro de Zepros Distributeurs RHD et son Top Indépendants 2021 ici : https://zepros.eu/journaux/rhd/numeros/rhd-13/

Olivier Bitoun
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire