[Top indépendants 2021] : « Les modes logistiques propres sont devenus incontournables »

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Reprise de la liaison ferroviaire quotidienne Perpignan-Rungis en octobre, démonstration de livraison par drone en novembre, lancement en fin d’année d’un appel d’offres pour la construction d’une station de fabrication d’hydrogène… Le marché de Rungis se positionne sur les modes logistiques doux et innovants comme nous l’explique Stéphane Layani, son président.

La liaison ferroviaire quotidienne Perpignan-Rungis a redémarré le 23 octobre. Pourquoi était-elle arrêtée depuis 2 ans ?

Stéphane Layani : Le train fait partie intégrante du MIN depuis l’origine. A la fin des années 1960, le train desservait tous les pavillons. On parle d’ailleurs de « marchés gares » pour les MIN. Mais peu à peu la concurrence de la route a fait que le train est tombé en désuétude.

En 2010, mon prédécesseur a décidé d’investir 10 M€ pour redynamiser le « train des primeurs » avec l’objectif de recevoir 400 000 tonnes de marchandises par an ; les meilleures années Rungis en recevait 200 000 et à la fin nous étions tombés à 100 000 tonnes. En plus le train repartait chaque jour à vide… Aussi, la SNCF m’a informé que la ligne serait arrêtée en 2019. A l’été 2019, c’était le cas.

Si la ligne n’était pas suffisamment rentable avant 2019, qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ?

Stéphane Layani : Le dispositif repose désormais sur un seul chargeur Primevert au lieu des deux historiques (Rocca racheté par Primevert et Rey). En outre, le train a été entièrement rénové par Ermewa*. Composé de 12 wagons réfrigérés, il part tous les jours, du lundi au vendredi, à 17 h 00 de Perpignan pour arriver à Rungis à 3 h 00 du matin. Les marchandises qui remontent par le « train des primeurs » proviennent de France mais aussi d’Espagne et d’Afrique du nord. On espère y charger 400 tonnes quotidiennement en vitesse de croisière, à raison de 38 palettes par wagon, soit 10 % du flux de marchandises de Rungis en fruits et légumes. Cela éliminera 20 000 camions sur les routes chaque année ! Au-delà du bénéfice écologique, le train est aussi une alternative à l’heure où l’on a du mal à recruter des chauffeurs-livreurs…

J’ajouterais qu’à partir du mois de décembre le train sera composé de 24 wagons, 12 pour les fruits et légumes et 12 de plus pour des produits pas forcément alimentaires. C’est une façon d’amortir un peu plus les coûts fixes de la ligne.

Ces changements suffisent-ils à rentabiliser la ligne ?

Stéphane Layani : Nous avons encore d’autres idées pour y parvenir. En fin d’année nous lancerons un appel d’offres pour la construction d’une nouvelle gare de combiné afin de pouvoir charger des conteneurs directement sur le train et de pouvoir les redistribuer depuis Rungis sans rupture de charge. La gare rénovée devrait voir le jour fin 2024 ou début 2025.

J’attends, enfin, du chargeur Primevert qu’il effectue un véritable démarchage commercial afin de trouver des volumes pour remplir le train sur son trajet retour car pour l’instant il repart à vide.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que ce train est également un symbole, l’un des volets d’un projet global. Car on ne peut pas déclarer que l’on souhaite réduire l’empreinte carbone du marché de Rungis de 30 % à l’horizon 2030 en faisant du tout camion. Surtout quand il existe une possibilité de faire du fret ferroviaire !

A qui sont destinées les marchandises qui arrivent à Rungis par le « train des primeurs » ?

Stéphane Layani : Une vingtaine de grossistes de Rungis dont des grossistes du carreau et quelques acteurs très importants comme la Compagnie Fruitière, s’appuient sur le train. Une fois sur le MIN, 40 à 50 % des volumes sont destinés à la grande distribution et le reste au circuit de la RHF. Les modes logistiques doux ou propres comme on veut les appeler sont incontournables car les consommateurs vont réclamer toujours plus de produits décarbonés.

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Le 17 novembre, vous avez effectué « une démonstration de livraison par drones. » Y a-t-il un avenir pour ce mode de transport ?

Stéphane Layani : Le 17 novembre, nous avons fait voler des huîtres, des truffes et du champagne mais aussi des documents administratifs sur des distances de 1 à 1,5 km... Cela répond à des besoins. Le drone – à propulsion électrique - pourrait servir pour des produits à forte valeur unitaire ou dont la livraison est urgente et pour lesquels il n’y a pas lieu de déplacer un chauffeur et un camion. Dans tous les cas, il s’agirait de dépannages pour des colis dont le poids n’excéderait pas 10 kg sachant que le coût d’un vol est d’une dizaine d’euros environ.

Mais j’insiste, le 17 novembre il s’agissait d’un P.O.C** ! En France, on n’a pas encore le droit d’utiliser les drones à des fins commerciales. Avec DragonFlypPads, une entreprise spécialisée dans l’utilisation des drones et notre partenaire sur cette opération, nous voulions démontrer qu’il pourrait être intéressant de faire évoluer la réglementation et pourquoi pas de créer des couloirs aériens pour les drones. L’Aviation Civile, qui gère la réglementation sur les aéronefs dans notre pays, a autorisé ce P.O.C., le premier du genre en Europe.

Maintenant que vous avez effectué cette démonstration quelle sera la prochaine étape ?

Stéphane Layani : Ce sera une véritable livraison quelque part dans Paris mais patience. Nous avançons pas à pas avec l’aide de la Région Ile-de-France qui subventionne le projet. Car tout l’enjeu consiste à créer des vertiports, ces zones techniques où les drones décollent et atterrissent et où ils sont entretenus. Nous en avons déjà installé deux à Rungis. Nous souhaitons être précurseur en matière de logistique.

Les motorisations des camions sont appelées à évoluer. Comment le marché de Rungis accompagne-t-il le mouvement ?

Stéphane Layani : Nous lançons actuellement un appel d’offres pour la construction de notre première station à hydrogène autonome ; elle devrait être inaugurée d’ici à 18 mois. L’hydrogène sera produite à Rungis ; l’électrolyse se fera en utilisant les eaux de pluie. Une station à hydrogène fonctionne déjà sur le MIN de Rungis depuis 2018, mais le gaz est acheté aujourd’hui.

Nous sommes aussi présents sur l’électrique évidemment. A date, nous disposons d’une soixantaine de bornes de rechargement rapide pour véhicules utilitaires légers et nous en aurons une centaine d’ici à la fin 2022. Nous installerons aussi sur les parkings spécialisés, des bornes de rechargement pour les poids lourds, quand l’offre constructeur de camions sera prête…

Pour finir, j’ajouterais en signe de notre stratégie globale en faveur des modes de transport doux, que les véhicules utilitaires légers propres bénéficient d’une réduction importante sur le péage à l’entrée de Rungis.

*La société Ermewa, spécialisée dans la location de wagons, a été cédée par la SNCF en octobre 2021, à un consortium associant La Caisse de dépôt et placement du Québec et la société allemande de gestion d’actifs DWS.

**Proof of concept . Expression, en anglais, pour désigner une opération visant à démontrer la viabilité d’un produit ou d’un dispositif.

Olivier Bitoun

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