Les artisans mènent la baguette à 1 euro
La guerre des prix du pain semble s'étendre à la filière artisanale. Pour générer du trafic et s'attirer la sympathie de leur clientèle, les boulangers ont multiplié ces dernières semaines les opérations promotionnelles abaissant le prix de leur baguette à 1 euro pour plusieurs semaines. Des initiatives qui interrogent les acteurs de la filière.
"C'est un coup de communication : la boulangerie artisanale n’a pas besoin de signaux comme celui-ci", tonne un meunier à l'évocation des promotions introduites par les artisans sur le prix de la baguette. Inconcevable pour lui d'imaginer revenir à des tarifs tels que ceux observés avant le conflit ukrainien et la crise énergétique qui avait suivi. L'inflation a porté des augmentations notables du prix du pain, renouvelant les repères des consommateurs sur cet aspect central de l'acte d'achat. Pourtant, face à l'agressivité d'une concurrence telle que celle de la grande distribution, les artisans peinent à justifier leur différence... ce qui les amène à adopter des pratiques similaires. Si ces baisses de prix, souvent temporaires et concentrées sur des périodes allant de un à trois mois, ont un coût pour les entreprises les déployant, elles génèrent un impact réel sur l'attractivité globale de l'offre et sa capacité à attirer les consommateurs. Soumis à une problématique de trafic dans sa boulangerie, un artisan parisien a adopté la pratique... avec succès : "Nous sommes passés de 120 baguettes par jour à 360 en passant le prix à 1 euro", témoigne-t-il. Une fois le contact renoué avec la clientèle, il devient alors possible de générer d'autres ventes. Ce chef d'entreprise n'est pas le seul à expérimenter le dispositif au sein de la capitale : l'enseigne Ernest & Valentin l'avait mis en oeuvre en septembre, avant de le renouveler en novembre.
Une opération coûteuse mais appréciée par la clientèle
A Nantes (Loire-Atlantique), Ludovic Guillot, à la tête des deux boulangeries Oldü, a fait le même choix. La baguette de Tradition française sera proposée à 1 euro pendant trois mois, jusqu'à fin janvier. Le coût estimé de l'opération s'élève à 10 000 euros... mais pourrait permettre à l'artisan d'élargir sa clientèle, en attirant un nouveau public. En rognant ainsi sur sa marge, une augmentation des volumes de vente a été observée dès les premiers jours de l'opération, en séduisant des foyers modestes et sensibles au sujet du prix. Si l'on observe les seuls cours du blé et de l'énergie, les charges pesant sur les boulangers se seraient réduites sur l'année passée. Pas de quoi envisager une baisse durable et généralisée des prix : augmentation des salaires, maintien du prix de la farine, explosion des cours du cacao... d'autres postes de coût se sont développés sur la même période. La baguette à 1 euro partout et pour tous n'est donc pas à l'ordre du jour.