La cuisson solaire séduit des boulangers engagés
En théorisant la boulangerie solaire au travers d’un ouvrage dédié au sujet, l’ingénieur Arnaud Crétot a ouvert la voie vers une nouvelle vision de la boulangerie. Cette énergie intermittente fait écho au souhait d’une nouvelle génération d’artisans, souvent en reconversion professionnelle, de se reconnecter aux éléments et d’adopter une approche raisonnée du métier.
Utiliser l’énergie solaire pour cuire du pain en plein coeur de la Normandie, il fallait oser. Le défi n’a pas arrêté Arnaud Crétot : ce spécialiste de la thermique énergétique a multiplié les projets avant de se positionner en 2019 sur la boulangerie. NeoLoco est né sur la base d’inspirations glanées en Inde et en Afrique, où les populations emploient l’énergie solaire au sein des exploitations agricoles ou pour torréfier des cacahuètes. C’est au travers de ce parcours qu’il découvre, et rejoint un temps, le projet porté par Lytefire (ex-Solar Fire). Le four à pain Lytefire Pro, développé par l’entreprise finlandaise, s’appuie sur un concentrateur solaire et une multitude de miroirs. L’ingénieur bâtit son projet autour de la torréfaction et de la boulangerie, permettant de diversifier les revenus et de transformer des produits à même d’être stockés, particulièrement adaptés au caractère intermittent de l’énergie utilisée. Graines locales agrémentées de miel, substitut de café à base légumineuses (lentilles, pois chiches), pain pétri à la main sur base de farines normandes et de levain naturel… NeoLoco ne manque pas d’idées pour nourrir les corps et l’imaginaire de sa clientèle. S’emparer de la boulangerie n’était pas un choix anodin : véritable symbole et pilier de l’alimentation française, elle sert alors de catalyseur d’un changement radical d’approche vis à vis des énergies.
Théoriser pour transmettre
L’ouvrage « La boulangerie solaire », écrit par l'ingénieur, s’inscrit pleinement dans cet esprit. La technique boulangère n’y est que peu abordée, l’essentiel du discours étant consacré au projet NeoLoco et à la description d’un modèle économique, énergétique et social alternatif. Ces réflexions ont permis de mettre au point un méthode, baptisée TELED, qui vise à permettre aux entreprises de s’adapter au caractère variable de l’accès à l’énergie et aux matières premières. Le boulanger-ingénieur a cependant du s’adapter à une problématique réelle : à certaines périodes de l’année, l’ensoleillement est trop faible pendant de longues semaines, ce qui met à l’arrêt l’activité de l’entreprise si des solutions ne sont pas déployées. Un four à bois vient ainsi compléter le dispositif et permet de continuer à cuire du pain lorsque les hivers sont peu cléments.
Un cercle toujours plus large de curieux et convaincus
En marge de son activité productive, Arnaud Crétot fait découvrir cette réalité à des artisans, entrepreneurs ou même simples citoyens. Au travers d’une journée complète, les participants peuvent appréhender les outils, la méthode et les points d’attention à observer pour mener un tel projet. Plusieurs centaines d’individus ont été formés de cette façon… et cette approche résolument low-tech se déploie désormais sur le territoire français. A Nantes (Loire-Atlantique), Tiphaine et Mathilde ouvriront prochainement la boulangerie coopérative Facettes en plein coeur du quartier du Vieux Doulon, avec là encore un concentrateur solaire et un four à bois en appoint. Même logique pour Florence Herman, à la tête de l’Epi Nature à Epuisay (Loir-et-Cher), en pleine transition vers ce modèle. De quoi entrevoir un avenir radieux pour la boulangerie solaire.