Alerte sur les ventes en volume des distributeurs foodservice

Olivier Bitoun
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Philippe Guyot, directeur général de Vivalya

Après neuf premiers mois d’activité qualifiés par certains d’exceptionnels, les distributeurs vivent une fin d’automne plus compliquée. La situation pourrait se tendre encore après les prochaines hausses de tarifs des fournisseurs. Lire Zepros Distributeurs RHD 16

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Octobre a-t-il marqué l’entrée en zone rouge ? Car chez certains distributeurs les ventes en volume décrochent. Pas leurs chiffres d’affaires qui continuent de progresser sous l’effet de l’inflation, mais bien leurs commandes en volume (nombre d’articles commandés), cet indicateur branché sur le pouls de l’activité et la confiance des clients : CHR, GMS, collectivités, et au final des consommateurs. « On note un fléchissement des ventes de 3 à 4 % en volume car les consommateurs arbitrent dans leurs dépenses », s’inquiète Philippe Guyot, directeur général du réseau de distributeurs de produits frais Vivalya. Un distributeur de produits pour la boulangerie-pâtisserie de l’ouest de la France confirme la morosité ambiante : « Depuis octobre, nos ventes en volume sont en baisse de 8 % mais notre chiffre d’affaires est en hausse de 12 %. » Verdict identique à la centrale d’achat de produits d’épicerie Gedal. « En octobre (comparé à octobre 2019), les ventes en volume sont en recul de 9 % mais en hausse de 8 % en valeur ; en novembre la tendance (interview réalisée le 23 novembre) est à -10 % en volume mais +7 % en chiffre d’affaires », calcule Christophe Van de Meulebroucke, son directeur. Mais en cumul annuel, à fin novembre, les chiffres sont positifs au Gedal de 2% par rapport à 2019 (+25% comparé à 2021) et de 17% en valeur (+45% sur 2021). Il n'empêche, le dégrisement est brutal pour les distributeurs après 9 premiers mois d’activité quasi exceptionnels ! Avec sa vision nationale et multisecteur, l’Insee confirme le recul de la consommation de 2,8 % en octobre, la plus forte baisse depuis avril 2021, une période… de confinement.

Étonnamment, le paysage est radicalement différent chez d’autres distributeurs.« Cet automne, on enregistre une hausse de nos ventes en volume grâce à une bonne météo et à un retour des touristes à Paris », se réjouit ce spécialiste francilien des produits d’épicerie. À l’autre bout de la France, à proximité des Alpes, et pour une autre famille de produits, Erik Murgier, le dirigeant du distributeur de boissons Groupe Murgier est lui aussi optimiste, même s’il note un « léger ralentissement » depuis la mi-novembre lié au rafraîchissement météorologique. « Cet automne, nos ventes ont affiché des taux de croissance de 20 % en valeur comme en volume par rapport à 2021 et même à 2019. » Et cela pourrait durer. La saison d’hiver, essentielle pour le Groupe Murgier qui compte quantité de clients en montagne, s’annonce bien. « En stations, les taux de réservations d’hébergements et de cours avec l’ESF sont très élevés », complète le dirigeant.

Fortes augmentations de tarifs attendues dans les boissons

Comment expliquer de tels contrastes dans l’activité et la perception de la situation économique ? Qui a raison ? Et surtout, ces mauvais chiffres sont-ils un simple coup de mou et les affaires vont-elles repartir ou bien marquent-ils un retournement durable ? Dernière question, le circuit des CHR va-t-il continuer de résister ? Cet automne, en effet, le fléchissement des ventes est particulièrement sensible dans la restauration d’entreprise, où le télétravail sape toujours les fondamentaux, et dans les GMS, clients importants de certains distributeurs, où les augmentations de prix de l’alimentaire donnent un coup de frein aux dépenses des consommateurs.

À y regarder de plus près, ces différences d’activité semblent liées à la répercussion ou pas à leurs clients, des hausses de tarifs qu’ont subies les professionnels de la distribution ; ces accès de fièvre finissant par peser sur les volumes de vente. Plutôt logique ! Surtout que les hausses de tarifs enregistrées par les distributeurs ont été nombreuses en 2022 : emballages en début d’année, puis quantité de produits alimentaires tout au long de l’année (sucre, beurre, malt, café, farine, volaille, moutarde…) et maintenant l’énergie. Dans l’épicerie, bon nombre de distributeurs ont déjà passé des hausses de tarifs de 15 % à leurs clients au premier semestre, souvent en plusieurs fois. Les chiffres de vente négatifs communiqués plus haut confirment la corrélation des deux réalités. Même chose dans les produits frais où les ventes sont en perte de vitesse. Les distributeurs ont répercuté à leurs clients, en partie au moins, les hausses de tarifs de leurs fournisseurs.

La situation ne devrait pas s’améliorer selon Philippe Guyot : « Tous les organismes interprofessionnels prédisent des baisses de 10 % en volume des achats de fruits et légumes frais, car ces produits restent chers ». Les boissons font exception avec des ventes toujours dynamiques. Mais il faut y voir un effet de calendrier favorable. « Dans notre secteur, les hausses de tarifs de nos fournisseurs sont à venir. Il n’y a donc pas encore d’impact sur nos ventes en volume. Les hausses vont arriver début 2023 avec deux mois d’avance », s’inquiète Erik Murgier. Surtout que les hausses annoncées par les fournisseurs sont musclées. « Le cœur de marché devrait afficher une hausse de 9 % mais certains brasseurs font part d’augmentations de plus de 10 % et les fournisseurs de softs parfois plus de 25 % », énumère Erik Murgier.

Dans les boissons, comme pour toutes les familles de produits, va se poser la question de la répercussion de nouvelles augmentations de tarifs. Faut-il ou non sacrifier les marges pour assurer les volumes ? Ce distributeur de produits pour la boulangerie-pâtisserie a choisi. « Sur chacun de mes produits, je calcule mes marges en euros, lesquelles doivent rester identiques malgré les hausses de coûts, mais pas en pourcentage afin d’éviter de passer des hausses trop fortes à mes clients. » Un pis-aller.

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boissons cocktails
Olivier Bitoun
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