L’IA révolutionne le traitement des commandes clients
Deux distributeurs ont investi dans des solutions informatiques capables, grâce à l’intelligence artificielle (IA), de traiter les commandes de leurs clients et de les intégrer directement dans leurs ERP. Le gain de temps est réel même si leurs équipes doivent contrôler le processus.
À notre niveau d’activité, j’aurais besoin de 1 ou 2 opérateurs en plus si nous devions ressaisir toutes les commandes clients entrantes », calcule Laurent Knibbe, le fondateur de Gusto (23 M€ de CA en 2023). Le distributeur francilien (produits italiens, BOF, épicerie, hygiène) confie chaque jour depuis plusieurs mois 200 à 250 commandes de ses clients CHR à Choco, une solution informatique fondée sur l’intelligence artificielle (IA). Concrètement, Choco est capable de « lire », « d’interpréter » puis « d’intégrer » une commande avec ses composantes (nom du client, adresse, date, numéro de commande, produits et quantités commandés…) dans l’ERP, afin de lancer la préparation comme le ferait un opérateur humain. Quel que soit le support reçu : bon de commande structuré associé à un e-mail, commande saisie dans le corps d’un mail voire texte manuscrit rédigé sur un bout de papier puis photographié et attaché à un e-mail, comme cela se pratique encore. Plus besoin de ressaisir la commande dans le système informatique maison. Encore plus bluffant, Choco serait aujourd’hui capable, selon ses créateurs, de traiter les messages vocaux laissés par les clients sur les répondeurs. Peu importe la langue parlée ! Cercle Vert, distributeur de produits d’épicerie (6e de notre Top 100), a également fait le choix de l’IA pour traiter ses commandes entrantes. Il s’appuie sur la solution VistaFlow. Ses fonctionnalités sont similaires à celles de Choco à la différence que VistaFlow ne gère pas les messages vocaux. Cercle Vert utilise l’outil depuis avril 2024 après quatre mois de test. De façon progressive. « À date, le pourcentage de commandes traitées par VistaFlow n’est pas significatif », indique Christophe Évreux, le directeur des opérations du distributeur. Depuis le printemps, le nombre de commandes atteindrait quand même déjà quelques milliers… Mais pas question de laisser la solution fonctionner en totale autonomie pour l’instant. « Chaque commande prise en charge par l’IA est vérifiée par un chargé de commande avant d’être validée », tempère le responsable de Cercle Vert qui reconnaît, cependant, un gain de temps : « Vérifier une commande est plus rapide que de la ressaisir. » Le responsable voit même plus loin : « À terme, l’objectif est que les commandes e-mail soient traitées avec la même automatisation que celles qui nous arrivent en EDI. » Même prudence chez Gusto. « Nos téléopérateurs ont moins de travail de saisie. Désormais, ils contrôlent surtout les commandes traitées par l’IA », confirme son dirigeant.
Libérer du temps pour les équipes
C’est que ces solutions sont encore jeunes. Développée par une start-up lilloise, VistaFlow sortait sa version bêta en octobre 2023 et Cercle Vert était son premier client. D’autres grossistes de l’alimentaire testeraient la solution actuellement… Quant à Choco, si l’entreprise fondée par deux Allemands et un Français travaille depuis quelques années sur la digitalisation des commandes, sa solution fondée sur l’IA n’existe que depuis dix-huit mois… Choco et VistaFlow continuent d’apprendre à repérer les multiples pièges contenus dans les commandes que reçoivent les distributeurs. Entre les différents conditionnements pour une même référence, les poids, les litres, les lots, les tailles et les pointures, il y a de quoi s’y perdre… D’autant plus que les clients ne formulent pas leurs commandes avec la même rigueur ! Certains commandent un « sac de riz de 5 kg », quand d’autres passent simplement un ordre pour un « sac de riz », illustre ce distributeur. La machine doit décoder et « apprendre » à connaitre les habitudes de chaque client. Mais une fois bien paramétrée, l’IA serait plus fiable que l’humain ! « Nous sommes à moins de 0,15 % de faux positifs (éléments que la solution croit reconnaitre alors qu’elle se trompe, NDLR) », se félicite Blaise Kremer, l’un des trois fondateurs de VistaFlow. Autant d’erreurs de préparation de commandes et de livraison en moins… Le bénéfice est aussi commercial. Car, faire travailler une machine pour soulager les équipes de tâches chronophages et sans valeur ajoutée, telle la saisie des commandes, ouvre des horizons aux distributeurs. « Le temps libéré est utilisé au contrôle de la préparation des commandes ou à passer des appels commerciaux à forte valeur ajoutée (promotions, suggestions en cas de rupture…) », apprécie Laurent Knibbe. Les équipes ont compris l’intérêt de cet assistant virtuel. « L’outil a été très bien reçu par nos équipes. Cinq personnes l’utilisent quotidiennement chez nous et une vingtaine de personnes y ont été formées », explique Christophe Évreux. Devant les possibilités offertes par l’IA, les directions générales envisagent déjà d’autres applications. « Nos contacts nous demandent si notre solution sait automatiser le traitement des devis et faire du rapprochement de factures. Ces tâches reposent sur les mêmes processus ; nous étudions la question », répond Blaise Kremer. Reste la question du coût. Pour les deux solutions, les distributeurs sont facturés à l’utilisation : nombre de clients actifs chaque mois pour l’une et nombre de commandes traitées chaque mois pour l’autre. À ce montant variable peut s’ajouter un montant acquitté une seule fois, à la signature du contrat, afin de former les utilisateurs et interfacer la solution avec l’ERP.