[TOP INDEPENDANTS 2022] Groupe Bocuse : « N’oublions pas les fondamentaux » 

Chloé Labiche
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Jérôme Bocuse et Paul-Maurice Morel.

[N°1 AUVERGNE-RHÔNES-ALPES] Emblème de la gastronomie française, le groupe Bocuse a depuis longtemps élargi son terrain de jeux au-delà de la haute gastronomie. Mais que ce soit pour ses brasseries, ses enseignes de restauration rapide ou son adresse de Collonges, la recette demeure la même : une attention maniaque à la qualité, à la saisonnalité des produits et au client. La clé du succès de ce groupe familial, comme nous l’explique Paul-Maurice Morel, directeur général associé des Maisons Bocuse. 

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Qu’est-ce qui fait la force et le côté intemporel d’un groupe comme le vôtre ?

La mode se démode, pas le classicisme. Notre cuisine est basée sur des valeurs saines et simples. Nous sommes fidèles à nos fournisseurs et nous avons une cuisine identifiable, avec des os et des arêtes, des plats à partager, c’est ce que les clients recherchent. Nous avons des collaborateurs fidèles, le groupe fonctionne comme une vraie famille. Tout se retrouve dans le cadre et dans l’assiette. Nous réinvestissons systématiquement. D’autant plus avec Jérôme Bocuse qui est dans la transmission du patrimoine et la préservation du nom de son père.

Quels ont été les grands temps forts de ces dix-huit derniers mois ?

Collonges a été complètement revu, nous avons profité de cette crise Covid pour réaliser des travaux orchestrés par Alain Vavro, Vincent Leroux et madame Françoise Bocuse Bernachon. Le restaurant gastronomique a été peaufiné et replacé dans un écrin neuf, toujours dans l’esprit Paul Bocuse. Nous en avons aussi profité pour rénover la brasserie de L’Est et réaliser des travaux dans les cuisines de L’Ouest qui fête d’ailleurs ses 20 ans l’année prochaine.                                                                                              

Vous vous êtes aussi rapproché du traiteur C-Gastronomie...

En effet, C-Gastronomie a été fondé il y a une douzaine d’années, j’en suis le cofondateur.
Nous nous questionnions sur la maîtrise des coûts et des opérations de production, sur comment industrialiser nos process. Nous préparons encore nos fumets de poisson, nos fonds de viande, nos fonds de tarte... Les laboratoires comme ceux de C-Gastronomie, capables de produire plusieurs milliers de couverts, ont toutes les qualités pour le suivi organoleptique, les exigences d’hygiène, etc. Cela permet d’avoir une base arrière artisanale mais sur des volumes plus importants. Nous avons simplifié la production et le quotidien de nos collaborateurs en maintenant la qualité des matières premières. Cela nous apporte une capacité supplémentaire et une fraîcheur incontestable grâce à des livraisons journalières.  

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Pléthore et Balthazar
Vous vous êtes aussi rapprochés de Laurent Gerra et des établissements qu’il a repris après sa sortie du groupe Les Gastronomistes...    

Laurent Gerra est un passionné, il s’est tourné très vite vers nous pour l’épauler face aux difficultés auxquelles il devait faire face. Il y avait des valeurs communes et cette envie de préserver le Léon de Lyon qui est une institution lyonnaise, qui a eu 2 étoiles au Guide Michelin du temps de Jean-Paul Lacombe. Ce dernier est un proche de la famille Bocuse, nous l’avons appelé et il nous soutient dans ce challenge. Avec toute l’envie et l’engagement de Laurent Gerra et le soutien des équipes des Maisons Bocuse en support, nous commençons à relever le défi. Nous attendons encore des réponses des partenaires bancaires afin de savoir si nous pouvons aller au bout ou non.

L’idée sera-t-elle de garder l’ADN de ces restaurants ou de leur donner la patte Bocuse ?

La patte Bocuse c’est le bon sens paysan. C’est le client qui décide. Nous adapterons en fonction de lui. Nous n’avons pas réinventé la roue dans les brasseries ou à Collonges, nous avons juste dépoussiéré ou modernisé certains éléments. C’est ce qui a été fait par les équipes de Vincent Leroux, par les équipes des MOF dans les brasseries, nous ferons la même chose au sein du Léon. Quant aux autres maisons comme Chanteclair ou Pléthore & Balthazar, les emplacements permettent d’envisager quelque chose de très positif.

Comment vous positionnez-vous face aux grands enjeux des ressources humaines ?

Nous gérons nos équipes à Lyon comme une famille. Une famille qui doit se moderniser, vivre avec son temps. Il est certain que cette crise sanitaire a laissé des traces, a poussé nos collaborateurs à avoir des questionnements légitimes sur leur vie et objectifs. J’ai moi-même commencé à l’Institut, et ai gravi les marches une par une. C’est aussi ça le groupe Bocuse, vous venez vous y former, les valeurs d’apprentissage sont très fortes. Évidemment, nous travaillons à coller au mieux aux attentes et demandes des plus jeunes en leur donnant des avantages directs et indirects, au travers de nos associations dans lesquelles ils peuvent s’impliquer... Les collaborateurs ont le choix de travailler en continu ou pas. Collonges ferme deux jours par semaine, les lundi et mardi, je ne pense pas que du vivant de Paul Bocuse cela aurait pu être possible. Dans les maisons où nous aidons Laurent Gerra, nous fermons deux jours par semaine également. Nous avons réduit les amplitudes horaires, délégué certaines tâches à des sociétés extérieures. Nous utilisons beaucoup d’outils digitaux pour faciliter le travail quotidien. Nous sommes toujours en veille à ce niveau.                                      

Comment vous positionnez-vous face à l’inflation ?    

Ce qui est important c’est que le client ait la qualité au bon prix. Nous avons fait le choix de main- tenir le plus possible le prix de nos menus et de notre carte. Nous avons déjà le respect de la saisonnalité qui est l’ADN Bocuse. Cela permet de travailler des produits locaux et cela depuis des dizaines d’années. Il y a une fidélité réciproque avec nos fournisseurs. Après, nous avons aussi cette chance et ce confort, d’être un groupe familial. Jérôme Bocuse, l’ensemble des associés familiaux, la vingtaine d’actionnaires chefs MOF et intervenants dans les brasseries ou à Collonges, ont su collégialement accepter une baisse de rentabilité pour maintenir nos tarifs. L’essentiel est de payer les investissements que nous avons faits. Nous sommes là pour plusieurs générations, nous n’avons pas l’idée de revendre le groupe.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Notre objectif est de préserver la qualité et de perpétuer le travail qui a été accompli par Paul Bocuse avec ces jeunes qui reprennent le flambeau. Nous avons des collaborateurs volontaires, des clients qui répondent présent à cette offre de qualité. Il n’y a pas de raison que 2023 et 2024 ne se passent pas bien. Cela dit, en tant que dirigeant j’ai toujours des craintes par rapport à la situation internationale et une certaine paupérisation de la clientèle, à une baisse du pouvoir d’achat. Nous travaillons avec l’Umih pour que des actes forts soient posés en ce sens. La pollution n’est pas que dans le transport mais avant tout alimentaire. Il faut soutenir nos agriculteurs, nos petits producteurs, nos artisans. Paul Bocuse l’a toujours fait, c’est comme cela que l’on sortira des crises. N’oublions pas les fondamentaux.

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Groupe Bocuse
Chloé Labiche
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