[TOP INDEPENDANTS 2023] Gusto Family « Notre combat : trouver des collaborateurs qui restent »
[N°2 PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR] Le niçois Gusto Family décline 5 restaurants, à Nice et Beaulieu-sur-Mer, 2 plages et, depuis l’année dernière, une épicerie fine lancée en association avec la Maison Bonifassi, spécialisée dans la distribution de boissons pour le CHR, et de Loïs Guenzati, à la tête des enseignes Peixes. Pas de brasserie, que de la restauration pure qui s’inspire des racines italiennes familiales, mais aussi de la Méditerranée. Malgré un beau dynamisme, le groupe doit faire face à de vrais enjeux de recrutement, comme nous l’explique son dirigeant Philippe Cannatella.
Tout d’abord, la fermeture du Boccaccio, le vaisseau amiral du groupe. Pour ses 50 ans, nous l’avons entièrement rénové avec une fermeture de trois mois entre janvier et mars. C’était osé au vu de sa régularité de fréquentation. À la réouverture, nous avons eu un gros impact : 2023 a été très positif sur cet établissement. Le deuxième enjeu a été l’extension de l’Ambrosia à Beaulieu-sur-Mer grâce à l’acquisition du restaurant voisin. Autre sujet important : la réduction du turn-over par rapport aux années précédentes. Notre combat, outre le fait de garder une qualité constante, est de trouver des collaborateurs qui restent, de limiter l’absentéisme. Challenge que nous nous étions fixé en début de saison et que nous n’avons malheureusement pas vraiment tenu.
Nous sommes partenaires de plusieurs écoles hôtelières comme l’Institut Paul Bocuse, à Lyon. Nous y cherchons des jeunes motivés qui ont décidé que la restauration serait leur métier. Nous avons des logements pour les accueillir en été. Nous avons aussi mis en place des formations pyramidales : nous désignons des tuteurs formés au sein des équipes qui ont la charge de prendre par la main tout collaborateur entrant pour éviter la cassure. Quand on intègre une nouvelle équipe en pleine saison, ce n’est jamais facile. Nous l’avions déjà mis en place l’année dernière, mais nous avons connu un tel absentéisme que cela n’a pas tenu. Nous avions 20 à 25 personnes en moins tous les matins…
Prendre la parole en tant que groupe est à double tranchant. Cette notion peut faire peur à certains collaborateurs, mais elle en rassure d’autres. Qui dit groupe dit évolution. Tous nos managers sont issus de la promotion interne. Nous avons de jeunes directeurs qui ont commencé commis. Les gens veulent aussi qu’un groupe soit incarné, en connaître l’histoire. Quand c’est moi qui vais recruter dans les écoles, cela marche mieux. Je connais le métier, il y a des codes propres à notre profession. Les équipes RH sont davantage dans l’administratif et la technique. Certes, je suis P-DG d’un groupe, mais je reste avant tout restaurateur sur le terrain. Je suis au contact des équipes toute la journée. La transparence c’est tous les midis, tous les soirs. C’est ce qui me fait plaisir et c’est ce qui me fait avancer.
« Avant, nous ne pensions qu’au chiffre d’affaires et aux marges. C’était le boulot du restaurateur. Aujourd’hui, l’équation doit intégrer la fidélisation des collaborateurs. »
Au niveau organisation, nous avons deux personnes au cost control et les achats sont réalisés par 2 ou 3 personnes dédiées, mais nous laissons aux chefs la faculté d’aller chercher du produit, c’est important. Nous avons bien évidemment connu la problématique de l’augmentation du prix des marchandises. Au niveau de la farine, par exemple, que nous consommons beaucoup avec les pizzas, cela a doublé. Nous avons perdu quelques points de marge, mais nous avons décidé de ne pas répercuter cela sur les prix à la carte, car nous sommes à Nice, pas à Saint-Tropez ou Courchevel. La clientèle ne le tolérerait pas et ce n’est pas notre vocation. Nous faisons donc attention à l’achat de nos produits. Nous avons aussi fait des choix sur nos cartes, nous ne pouvions plus avancer avec certains fournisseurs qui ne cessaient d’augmenter leurs prix. Mais quand il y a de la bonne foi, on le sait, on peut discuter. On ne coince pas un fournisseur, ce sont des gens qui nous accompagnent et que nous accompagnons depuis des années.
Nous avons, en effet, mis en place deux laboratoires : un premier consacré à la boulangerie sur 160 m2 avec un effectif de 6 personnes et un second en pâtisserie-glacerie sur 250 m2 avec 12 personnes. Nous fournissons le groupe et une dizaine de clients extérieurs. Nous avons lancé cette activité BtoB il y a une petite année. C’est un nouvel axe de développement. Nous avons initié cela avec des confrères restaurateurs qui avaient, comme nous, des difficultés de recrutement et du mal à assurer la production quotidienne. Nous produisons tous les jours 7/7 avec des livraisons tous les jours. Cela fonctionne bien.
Nice a pris un vrai essor. Nous enregistrons un creux en novembre et un autre après Noël, mais sinon nous avons une linéarité dans la fréquentation que nous n’avions pas avant. La ville change aussi avec plus d’offres de restauration : beaucoup de groupes parisiens cherchent à s’implanter dans la région. Ils arrivent avec des moyens supérieurs aux nôtres, cela fait de la concurrence, mais en même temps cela suscite chez les clients l’envie de sortir.
Pour le digital communication, nous avons deux personnes dédiées à la gestion des réseaux sociaux sur lesquels nous sommes très présents. Pour ce qui est du digital interne nous avons des outils pour les plannings, la paie, la communication interne, la gestion de la marchandise, les mercuriales, les costs, etc. Je suis friand de ces nouveautés, je regarde ce qui se fait, je me rends sur les salons. La problématique de mélanger trop d’outils différents est juste d’expliquer aux collaborateurs comment cela fonctionne. Quand cela marche, on évite de trop changer. Il y a beaucoup d’outils qui nous font gagner du temps, mais pour le reste c’est de l’humain, de l’humain, de l’humain.
En 2023 le but a été de faire un peu moins de couverts pour mettre moins de pression aux serveurs, de faire moins de volume et plus de qualité. L’objectif a été atteint. Nous sommes à + 10 % par rapport au CA 2022. Avant nous ne pensions qu’au chiffre d’affaires et aux marges. C’était le boulot du restaurateur. Aujourd’hui, l’équation doit intégrer la fidélisation des collaborateurs. Les managers ont des primes en fonction de ce paramètre. En termes de développement, j’aimerais bien accélérer, mais tant que je n’ai pas de solution au niveau recrutement je ne m’y aventure pas. Sinon je vais créer du stress dans les équipes et mon discours autour de la qualité dans les restaurants ne tiendra pas la route.
Les adresses Gusto Family
Boccaccio : 7, rue Masséna, à Nice
La Voglia : 2, rue Saint-François-de-Paul, à Nice
La Favola : 13, cours Saleya, à Nice
Carmela : 3, place Charles-Félix, à Nice
Ambrosia : port de plaisance, à Beaulieu-sur-Mer
Le Galet : 3, promenade des Anglais, à Nice
Uvita : plage Marquet, au Cap-d'Ail
Les Petits Marchands (épicerie) : 1, boulevard Lech-Walesa, à Nice