Promocash : « Le véritable enjeu sera la vitesse de reprise du marché »

Jean Charles Schamberger
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Ilan Ouanounou. © Nicolas Gouhier

Entretien, réalisé le 27 novembre 2020, avec Ilan Ouanounou, directeur exécutif proximité et cash & carry de Carrefour, membre du comex, et Bruno Bochent, directeur commercial de Promocash.

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Article paru page 6 dans Zepros Distributeurs RHD 10 daté Décembre 2020.
Pour consulter ou télécharger ce numéro, rendez-vous sur : https://zepros.eu/journaux/rhd/numeros/rhd-10/

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Ilan Ouanounou. © Nicolas Gouhier

Quel bilan tirez-vous de votre activité en 2020 ?

Ilan Ouanounou : L’année 2020 avait bien commencé ! Jusqu’à mi-mars, nous étions sur une bonne tendance. Le 1er confinement a été un violent coup de massue sur le monde de la restauration. Le marché s’est au départ figé à - 80 %, puis les restaurateurs se sont adaptés, faisant preuve d’une remarquable créativité et d’énergie pour survivre et apprendre à faire de la vente à emporter. Nous avons aussi dû nous adapter pour répondre aux besoins de nos clients. Si l’on ajoute à cela la recherche permanente de produits sanitaires pénuriques – masques, gels – , on peut dire qu’il y a eu trois mois totalement dédiés à de la gestion de crise : sujets commerciaux, sanitaires, administratifs, ou d’accompagnement de nos clients dans leurs démarches d’obtention d’aides. Mais tous nos magasins et tous nos rayons sont restés ouverts et je pense que nos clients nous en ont su gré.

Puis est arrivé l’été, où tous les espoirs étaient permis car nous avons retrouvé de la croissance en juillet et en août du fait d’une saison touristique positive. Le 2e confinement a douché ces espoirs. Il ressemble beaucoup au premier mais en moins difficile, parce que nous n’avons pas eu à réinventer toutes les solutions. Elles sont là : accès aux aides, ventes à emporter, gestion des approvisionnements, etc. Par ailleurs, les fournisseurs ont eu moins de mal à produire. Désormais, l’enjeu est que nos clients restaurateurs tiennent, économiquement et psychologiquement, jusqu’au 20 janvier.

Globalement, l’année ne sera évidemment pas bonne, avec un recul significatif du chiffre d’affaires autour de - 15 % (sur un CA 2019 de 1,1 Md€ HT).

Comment envisagez-vous l’activité de la période des fêtes ?

I.O. : Je ne serais pas étonné qu’il y ait un sursaut entre Noël et le jour de l’An. Les restaurants vont sans doute se battre et trouver des solutions. Nous voyons une multitude d’offres se développer, que ce soit en livraison à domicile, en vente à emporter classique ou premium /gastronomique. Par ailleurs, surtout pour le 31 décembre, les consommateurs se diront peut-être qu’il est plus agréable de se faire livrer un repas gastronomique en remplacement de la sortie au restaurant. Il se passera quelque chose, reste à savoir quelle en sera l’ampleur.

Bruno Bochent : En tout cas, nous nous y préparons. Certes, nous ne nous attendons pas à avoir les volumes de 2019, mais nous aurons des offres et des promos – homards, foies gras, boudins blancs, galantines, etc. – qui permettront aux restaurateurs qui en auront envie de proposer des menus festifs. Nous avons édité notre traditionnel catalogue festif avec tous les produits frais et surgelés. Nous maintenons toutes les semaines une activité promotionnelle sur la viande, la marée et les fruits et légumes pour permettre à nos clients de travailler leur menu.

Lors du 1er confinement avez-vous ouvert vos magasins aux particuliers ?

I.O. : Oui, nous l’avons fait. À partir de la mi-mars, il y avait une probabilité de tension sur la chaîne alimentaire globalement et un grand risque de gaspillage. Même s’ils s’adressent aux professionnels, les magasins Promocash détiennent des produits alimentaires de base. Nous avons donc fait le choix d’offrir une source d’approvisionnement alimentaire complémentaire pendant cette période qui allait être particulière pour tout le monde. Cela s’est bien passé et a représenté entre 10 et 15 % de notre CA sur la période du 1er confinement. Nous avons arrêté cette activité à partir de la fin du confinement, le 11 mai.

Quelle forme prend votre accompagnement des restaurateurs durant ce 2e confinement ?

B.B. : Nous avons continué à actualiser notre guide Covid, disponible sur tous nos médias digitaux, de façon à permettre à nos clients de s’informer sur ce à quoi ils ont droit. Mais la 1re aide que nous leur apportons c’est d’être ouvert tous les jours afin de pouvoir leur fournir 100 % de la marchandise et leur permettre d’exercer leur métier. Nos magasins sont tous ouverts, avec très peu d’aménagements d’horaires. Ensuite, nous accompagnons les restaurateurs en proposant la solution digitale All Eat One développée par CHD Expert, laquelle leur permet de créer leur site en moins d’une heure, avec commande en ligne notamment.

Nous avons également segmenté notre fichier clients en 6 ou 7 cibles différentes pour leur présenter des offres personnalisées. Nous leur proposons ainsi chaque semaine, via SMS et e-mail, 2 ou 3 produits adaptés à cette période, produits d’hygiène, de viande ou de marée.

Quelles leçons tirez-vous de cette crise et qu’en restera-t-il ?

I.O. : Je ne crois pas beaucoup « au monde d’avant et au monde d’après ». Je pense qu’après 2020 nous aurons un monde de la restauration économiquement affaibli et donc des acteurs du foodservice qui le seront tout autant. La priorité de nos clients sera de rouvrir leurs restaurants et de les exploiter dans des conditions économiques acceptables et de rembourser les PGE qu’ils ont pu souscrire. Le marché de la restauration a toujours eu de bons fondamentaux. Le véritable enjeu, l’inconnue, sera la vitesse de reprise du marché. Par ailleurs, lorsque l’on est distributeur, il est plus sécurisant d’être adossé à un groupe solide car il y aura sans doute des « pertes au feu »…

Certaines tendances semblent s’ancrer. Parmi celles-ci, je pense que le marché a pris goût à l’e-commerce – click & collect et livraison – et que cela peut accélérer la digitalisation du métier. Les produits locaux vont également prendre plus d’ampleur – sans doute, davantage que le bio – en raison de l’importance de soutenir nos économies et producteurs locaux.

Comment s’écrivent vos projets 2021 dans ce contexte ?

I.O. : 2021 va commencer le 21 janvier ! Je pense que nous aurons un 1er trimestre un peu compliqué. Ensuite, la saison touristique sera déterminante : de Pâques à septembre, que se passera-t-il ?

Pour notre part, nous avons choisi de ne pas être dans la contrition, mais dans le dynamisme et l’accélération. Nos stratégies resteront similaires. 1er axe : continuer à aider nos magasins dans l'excellence opérationnelle pour que l’expérience d’achat de nos clients soit la meilleure possible. 2e axe : le renforcement de notre offre à destination de la restauration ; nous avons en effet des gammes en produits frais que nous pouvons toujours élargir pour répondre aux besoins de plus en plus variés de nos clients. 3e axe : l’expansion, car nous avons l’intention d’ouvrir encore des magasins et conforter notre positionnement de cash & carry de proximité. 4e axe : le développement commercial, en continuant à stimuler notre force de vente et en fidélisant mieux les clients existants. 5e axe : l’e-commerce et la livraison

Nous sommes convaincus que Promocash est bien équipé pour traverser la crise car le cash & carry est un modèle qui permet de dire à nos clients : « Venez chez nous, vous pourrez choisir vos produits comme au marché et maîtriser vos achats. » Dans une période où il y a de grandes incertitudes sur le nombre de couverts du lendemain, et donc sur la trésorerie du restaurant, le fait de pouvoir choisir ses produits, de ne pas se tromper dans ses achats, et d’acheter la bonne quantité, est vraiment important. Enfin, Promocash dispose d’une proximité, à la fois géographique et humaine avec ses clients. Ce sont autant d’atouts sur lesquels nous pourrons nous appuyer.

Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger

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