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S4-S6 GRAND ANGLE WINE PARIS
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Chloé Labiche

[SPECIAL INDEPENDANTS 2024] « Nous marchons dans les pas d’Auguste Escoffier »

Louis Privat
Dirigeant
Les Grands Buffets
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Louis Privat

C’est le restaurant de tous les superlatifs. Les Grands Buffets, à Narbonne, fondé en 1989 par Louis Privat, accueille ses clients avec plus de 150 entrées, plats ou desserts parmi lesquels le Canard au sang ou le Cochon de lait à la broche ; un plateau de 111 fromages ; 220 collaborateurs ; et un CA de 27 M€. Reconnu cette année comme la vitrine mondiale de la cuisine d’Auguste Escoffier par la Fondation Auguste-Escoffier, Les Grands Buffets prépare un vaste projet au tour de la gastronomie en Occitanie que nous dévoile Louis Privat.

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Quels ont été vos temps forts en 2024 ?
Louis Privat

Définitivement l’association avec Les Disciples d’Escoffier et la Fondation Auguste Escoffier. Cela me permet d’ailleurs de rendre un vibrant hommage à Michel Guérard qui m’a toujours accompagné avec bienveillance, humilité et gentillesse. Il avait compris que notre établissement marchait dans les pas d’Escoffier. Il m’a mis en relation avec Guillaume Gomez, ambassadeur de France pour la gastronomie, qui lui-même m’a introduit auprès de la Fondation. Nous avons travaillé avec cette dernière afin de créer des liens. Dans une convention, nous nous engageons ainsi à mettre à disposition de magnifiques objets de nos collections pour être exposés au musée Escoffier à Villeneuve-Loubet. Nous allons également lui donner de la visibilité sur notre site internet de 4,5 millions de visiteurs par an et créer une newsletter avec notre base de données. Nous voulons mettre en lumière cette relation entre Les Grands Buffets et la Fondation et mieux faire connaître Auguste Escoffier auprès du grand public.

Comment expliquer votre succès hors norme qui associe volumes XXL et gastronomie ?
Louis Privat

Sans vouloir tout ramener à cela, il faut quand même rappeler que le maître en la matière demeure Auguste Escoffier. C’est lui qui a proposé de la gastronomie pour des services de 500 couverts, déjà à l’époque. Par la suite, cela a évolué vers une forme beaucoup plus intimiste de restauration mais l’histoire de la gastronomie n’est pas synonyme de tables confidentielles et élitistes. Sachant que ce principe avait existé, nous ne nous sommes pas tellement posé de questions. Si d’autres l’avaient fait, nous pouvions le faire aussi.

Pourriez-vous ouvrir un deuxième restaurant sur le même modèle ?
Louis Privat

Je n’ai aucune envie ni intention de dupliquer. Mon souhait est de faire que cet établissement soit unique en France. J’ai plutôt l’ambition d’être le restaurant de référence pour la cuisine traditionnelle française sur le plan hexagonal et sur le plan international. Nous avons 20 % de clients étrangers mais ce qui nous limite c’est la réservation. Chez nous, il faut s’y prendre six mois à un an à l’avance pour obtenir une table. Nous avons eu récemment des articles dans le New Yorker et le Time magazine, cela a créé de la demande étrangère mais qui n’aboutit pas pour cette raison. À l’heure où je vous parle, nous comptons 240 000 réservations enregistrées.

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Les Grands Buffets
Parvenez-vous à avoir une croissance de chiffre d’affaires avec ce modèle ?
Louis Privat

Nous le faisons croître petit à petit par la pleine occupation. Nous flirtons avec un taux d’occupation annuelle de 98 %. En régime de croisière, nous allons nous stabiliser à 30 M€ de chiffre d’affaires par an. Cette année, c’est 27 M€ mais comme nous avons procédé à une augmentation de prix en octobre, que nous enregistrons une légère hausse du nombre de couverts et que nous accueillons une clientèle qui vient pour se faire plaisir avec un ticket moyen qui grimpe du fait des boissons, nous avons encore une marge de progression.

Pourquoi cette augmentation de tarif pour votre menu ? Pouvez-vous nous détailler votre politique tarifaire ?
Louis Privat

Le menu est passé de 57,90 € à 62,90 € au 1er octobre. C’est l’effet de l’inflation mais également des améliorations que nous avons tenu à apporter à notre formule. Pour ce qui est de la politique tarifaire, je considère que l’on doit faire payer le juste prix de la prestation alimentaire, ce qui est notre métier de base. J’ai un menu qui a un certain prix de revient entre le prix du personnel et le coût matière. Je dois répercuter ces coûts au client qui le comprend très bien d’ailleurs au regard de la prestation. Je trouve totalement incohérent qu’un restaurateur doive faire sa marge sur les suppléments. Il faut être dans une relation de confiance avec le client. Si ce dernier pense que le prix du menu cache quelque chose, par exemple des marges excessives sur l’eau minérale ou le vin, le pacte entre le client et le restaurateur est faussé. Chez nous, l’eau minérale est à 1,50 €, la bouteille de champagne à 25 €. Le résultat ce sont des clients qui se font vraiment plaisir. À titre d’exemple, nous vendons en moyenne une bouteille de champagne pour 8 couverts. Ce qui est phénoménal. Les clients se décomplexent tout naturellement. J’essaie d’être transparent sur le sujet. Un producteur de vin qui n’est pas clair ne peut pas rentrer chez nous. Je dis au client que j’applique le prix caveau, le meilleur prix que l’on peut trouver. Je dois être en mesure de tenir cette promesse.

Justement, qu’attendez-vous de vos fournisseurs ?
Louis Privat

En la matière, une bonne relation est une relation qui dure. Cela veut dire qu’elle est équilibrée, que chacun y trouve son compte. Que ce soit avec les fournisseurs de prestations ou de produits alimentaires. Il y a des vignerons avec lesquels je travaille depuis plus de trente ans, je collabore depuis trente-cinq ans avec l’équipe d’architectes-décorateurs, même chose pour les prestataires de matériel hôtelier. Cela veut dire qu’il y a de la confiance et un intérêt réciproque à travailler ensemble, sinon cela ne tient pas. Faire « un coup » sur tel ou tel produit m’est royalement égal, ce n’est pas mon sujet.

Comment limitez-vous les pertes ?
Louis Privat

On nous pose plus fréquemment la question qu’à un restaurant traditionnel ! Il y a bien sûr des raisons à cela… Pour autant, je pense que nous avons moins de pertes. D’abord, parce que nous avons un régime de croisière constant en termes de volumes. Quand nous mettons un produit en œuvre, nous savons la quantité qui sera consommée dans la journée. Nous avons des statistiques qui sont précises au gramme près par couvert, nous connaissons exactement les niveaux de consommation. Le foie gras, par exemple, c’est 47 g par personne. Cela permet une juste adéquation entre la production et la consommation. Et de toute façon, jeter ne fait pas partie d’un modèle économique viable, d’autant plus avec l’inflation. Cela étant, il y a des produits que nous ne souhaitons pas représenter au client, comme les gâteaux entamés par exemple. Nous avons plus de 200 employés dans la maison qui se restaurent chez nous, il y a beaucoup de produits qui sont réorientés vers le repas du personnel. C’est vrai pour les fromages, les pâtisseries, le pâté en croûte, etc. Les quelques produits que nous jetons, parce qu’ils sont oxydés par exemple, représentent vraiment très peu au regard du nombre de couverts que nous servons.

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Les Grands Buffets
Où en êtes-vous en matière de ressources humaines, sujet que vous avez particulièrement travaillé depuis le Covid ?
Louis Privat

Le bilan est très positif. Nous avons une politique de rémunération très avantageuse. Nous avons installé la semaine des quatre jours depuis des années et allons même plus loin en 2025 (voir encadré). La principale difficulté pour nous est d’être sur un bassin qui n’a pas une grande culture gastronomique. Nous n’avons pas un vivier important. Ce n’est pas comme la région lyonnaise, par exemple. Nous avons toute une politique d’accompagnement, nous les logeons pendant leur période d’essai. Nous essayons d’attirer des talents de l’extérieur. Et nous y parvenons !

Comment envisagez-vous 2025 ?
Louis Privat

Je suis très attentif à la conjoncture et aux éventuels signes de ralentissement. Mais nous avons des demandes de réservation qui augmentent, notre taux de remplissage qui est qua si à 100 %. Nous ne voyons pas les clients avoir des attitudes de restriction quant à leur consommation, c’est le contraire. Notre ticket moyen augmente. Et pourtant je suis attentif, j’entends les mêmes craintes que tout le monde dans la profession, pourquoi serions-nous épargnés ? Mais, pour l’heure, aucun signe ne permet de détecter une quelconque menace pour notre établissement et son activité.

Quels sont vos projets pour les mois et années à venir ?
Louis Privat

Ce qui a été également un temps fort de l’année, cela s’est passé fin 2023 et a été annoncé début 2024, c’est le fait d’avoir établi une relation solide avec la ville de Narbonne et son nouveau maire. Cela a changé complètement le devenir des Grands Buffets. Cela m’a convaincu de stopper notre projet de développement dans une autre ville. Nous avons la volonté de construire avec le maire un projet pour devenir le premier site touristique d’Occitanie qui comptera 800 000 visiteurs. Il comprendra un nouveau bâtiment avec une boutique. L’expérience sera d’autant plus complète que le public aura accès à toutes les références de vin, à des produits dérivés, à de l’art de la table, à des produits régionaux… Il y aura également une grande galerie qui sera un lieu d’accueil pour le public avant de passer à table.

Qu’en est-il de votre projet hôtelier ?
Louis Privat

Nous étudions la possibilité d’installer une unité hôtelière en faisant attention au rôle que nous jouons vis-à-vis des Narbonnais. Nous sommes pourvoyeurs de nuitées et je ne souhaite pas être considéré par le milieu de l’hôtellerie comme un prédateur. Si nous créons un établissement, il aura une capacité qui ne viendra pas affecter le potentiel global que nous attirons. Nous serons, je pense, entre 50 et 100 lits.

CHIFFRES

27 M€ de CA 
220 collaborateurs 
400 000 couverts servis par an 
147 000 bouteilles vendues par an 
150 entrées, plats et desserts proposés 
111 variétés de fromages
 

Chloé Labiche
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