[Top 100] Loïc Latour (France Boissons) « Il faut être agiles, créatifs, au contact, accompagner et rester solidaires »

Jean Charles Schamberger
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Loïc Latour. © Vincent Bourdon

Entretien avec Loïc Latour, président de France Boissons*.

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Quel bilan faites-vous de 2019 ?

2019 a globalement été une bonne année sur l’ensemble du territoire, en croissance et homogène. La conquête client a été performante avec un solde net bien meilleur que sur l’exercice précédent. Les catégories bières et vins se sont bien portées. Les spiritueux ont beaucoup progressé avec le retour aux cocktails. Nous avons également fait une excellente année sur les colas grâce à une très bonne collaboration des forces de vente. Les seules difficultés de livraisons de l’an dernier se limitent à quelques établissements sur Paris intra-muros, liées aux mouvements des Gilets jaunes.

2019 a aussi été une année record en tourisme, ce qui a porté les affaires. Nous avons vu émerger ce phénomène de produits locaux que nous traitons à la fois dans le vin avec notre sélection Vignes & Terroirs - Les Locales, et dans la bière avec l’élargissement de notre offre de crafts. Heineken a été bon premier brasseur sur cette dernière catégorie, en élargissant son portefeuille de bières craft : Mort Subite, Lagunitas, Judas, Chimay, etc. C’était la demande en 2019, sans doute au détriment des lagers.
En vins, il faut noter la valorisation des IGP, le succès des rosés, le retour du blanc à l’apéritif, les vins bio et issus de la biodynamie. En revanche, les AOP étaient plus à la peine.
En digital, la part e-commerce a approché les 15 % du chiffre d’affaires fin 2019 sur notre site MyFranceBoissons.

Comment s'est déroulé ce début d'année ? Avant et après la fermeture des restaurants ?

Jusqu’à mi-mars, la situation était conforme à nos plans, légèrement en croissance. À partir du 15 mars, nous avons assuré la continuation : nos sites sont restés ouverts en adaptant notre organisation et nos effectifs à ce qui nous restait comme activité en hôpitaux, Ehpad, ministères, et dans quelques restaurants d’entreprise qui sont restés ouverts. Sur avril-mai, l’activité était à - 90 %.

Ensuite, tout l’enjeu était celui de la reprise. Nous l’avions modélisée à -  50 % sur le début du mois de juin, ce qui semble conforme pour l’instant à l’aune des 10 premiers jours. Nous avons rouvert tous nos sites. La région Bretagne-Normandie est celle qui est la plus active. Notre catalogue d’offres promotionnelles Mon Service Compris, qui couvre tout l’été, a été diffusé aux clients en version numérique.

Nos chauffeurs travaillent bien sûr en respectant le protocole sanitaire de livraison. Nous avons mis en place des procédures supprimant les signatures de documents. Il faut maintenant être agiles, créatifs, être au contact, accompagner sur les solutions digitales et puis rester solidaires avec les industriels. Nous nous attendons à une année 2020 à - 40 %.

 

Quel a été l'engagement de France Boissons pour soutenir ses clients restaurateurs pendant la fermeture des établissements ?

Nous nous sommes occupés de l’arrêt, chez nos clients, des tirages pression et des machines à café professionnelles. Nous avons pris régulièrement contact avec nos clients et nous avons gelé l’exigence des paiements des marchandises. Cette gestion est en train de reprendre. À la fois avec de l’empathie pour pérenniser les affaires et la nécessité d’être payés. Nous avons beaucoup de clients qui ont bénéficié de prêts garantis Bpifrance mais nos encours restent élevés.

Nous avons informé nos clients sur l’état des stocks et nous avons eu une bonne collaboration avec les industriels sur l’enjeu de la date de durabilité minimale des fûts de bière (DDM ou ex-DLUO). Nous avons obtenu des certifications de 90 % de nos fournisseurs confirmant que les produits en stock avaient encore une durée de vie. Dans notre pack de reprise, nous avons informé clairement nos clients, produit par produit, sur la date exacte à laquelle étaient prolongées ces DDM. Pour les clients qui le souhaitaient il y a eu un gel des cautions brasseurs et distributeurs, c’est-à-dire que l’échéance est repoussée à terme.

L’application Service en tête a également été un très bel outil d’accompagnement en diffusant beaucoup de conseils. Nous avons d‘ailleurs décidé de ne pas la réserver aux seuls adhérents de l’association, mais de l’ouvrir à tout l’écosystème CHR. Et la chose la plus magnifique, c’est que France Boissons a été à l’initiative de l’opération J’aime mon bistrot aux côtés d’autres partenaires, experts de la consommation hors domicile.

Les équipes de Service en tête sont d’ailleurs pour beaucoup à l’origine de la partie conseils présente sur la plateforme web. Nous l’avons élargie rapidement aussi à tout l’écosystème. C’est un beau succès et la représentation d’une sensibilité collective de la profession. Nous dépassons aujourd’hui 1,5 M€ d’aide solidaire.

Quels enseignements tirez-vous de cette crise ?

J’ai justement publié une tribune libre sur les réseaux sociaux à travers laquelle je tire les enseignements sur un certain nombre d’axes : la solution digitale, l’offre produit, l’agenda de la RSE, l’essor de la VAE, etc. Par exemple, on pourrait voir émerger une offre de produits locavores, d’un côté, et de produits plus accessibles en prix, de l’autre. Pour un distributeur comme nous, c’est important car il nous faut adapter notre offre au plus près de ces nouvelles attentes.

Comment avancez-vous dans le domaine de la RSE ?

En matière de RSE, notre hub urbain de Lyon reste toujours notre démonstration de concept pour confirmer si cela est à terme une solution durable. Ce minientrepôt reçoit une navette tous les matins tandis que les livraisons repartent ensuite vers le centre-ville.

Nous poursuivons notre chantier d’empreinte carbone responsable : nous remplaçons petit à petit tous nos camions par des véhicules à la norme Euro5/6. Notre premier camion électrique 10 tonnes fonctionne et une dizaine d’autres seront mis en place progressivement. Nous avons certifié l’ensemble de nos entrepôts EcoCert sur la base du label FNB. La RSE est clairement au cœur de l’agenda de notre entreprise.

Comment gérez-vous vos projets ?

Ce qui est très important, c’est de continuer les projets centrés client, ensuite il faut arbitrer. Nous sommes actuellement dans un laboratoire et tout dépendra de ce que sera le parc de points de vente de 2021, de la fréquentation, des modes de consommation. Nous en aurons une idée dans les cinq prochains mois. Il faut beaucoup observer, être agiles, inventifs et flexibles. C’est le mot d’ordre que nous avons donné aux équipes.

*Entretien réalisé le 8 juin

Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger

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Loïc Latour. © Vincent Bourdon
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