[Top 100] P. Guyot : « Un groupe d’indépendants dans une gestion centralisée et consolidée »
Entretien avec... Philippe Guyot, directeur général du réseau Vivalya.
STRATÉGIE
Quel commentaire faites-vous du bilan 2018 ?
Nous ne consolidons pas les CA au niveau de Vivalya mais, à date, d’après les déclaratifs des sociétés, nous aurions augmenté de 50 M€ notre CA en 2018, soit une petite croissance par rapport à 2017, pour atteindre 1,150 Md€. Le vrai succès de Vivalya en 2018 est plus qualitatif. L’uniformisation des systèmes d’information est devenue une réalité depuis la fin de l’année. On peut dire désormais que nous sommes un groupe d’indépendants dans une administration centralisée et consolidée : les 500 000 codes-articles à l’intérieur du groupement, les 40 000 clients, les 75 dépôts, sont sous un système de gestion informatisé quasi unique. Nous sommes capables, avec une grande fiabilité, de donner, en instantané, de la data et de l’information sur des requêtes complexes.
C’est d’autant plus important, dans le cadre de nos accords tripartites et de notre démarche régionale – l’essence même de Vivalya – de dispenser des données fiables qui permettent à nos clients et à nos fournisseurs d’avoir accès, avec anticipation, à ce que nous allons pouvoir programmer en termes d’opérations commerciales. Par exemple, en ce qui concerne des grands opérateurs de la restauration collective, nous menons depuis juin 2018 des opérations régionales, voire nationales, avec des fournisseurs que propose Vivalya.
De fait, nos clients ont la possibilité de se connecter avec notre outil La Vie a du Goût à une information immédiate, à des modules de création de supports, à une base de données plus qu’étoffée, à de la statistique consolidée régionale, etc. C’est une prouesse et un modèle assez unique qui séduit ! Ce dont nous nous targuons, c’est à la fois de progresser et de reprendre des parts de marché, mais c’est avant tout de maintenir ces parts de marché et de les resigner. Nous resignons généralement avec les clients qui nous font confiance, c’est un vrai gage de partenariat et de durabilité. C’est un travail du quotidien, plus facile à dire qu’à faire, c’est surtout beaucoup d’écoute et d’humilité de la part de nos adhérents qui savent se remettre en cause dans toutes les conditions.
Y a-t-il eu des mouvements au sein du réseau ?
Il y a eu un peu de croissance externe chez Estivin du côté de Sarlat. L’activité du Réseau Le Saint a été marquée par l’annonce fin 2018 de la reprise de l’activité France de Marine Harvest, dont l’outil de production à Lorient. La marée va être un des axes forts du groupement en 2019-2020. De fait, avec cet outil, nous allons être capables de monter des dossiers d’achats communs et nous servir du réseau Vivalya pour faire de la logistique de produits sous vide, de produits conditionnés, etc., avec des normes draconiennes sur le bio et les autres labels.
Rappelons que nous ne recherchons pas à faire entrer de nouveaux adhérents car, d’une part, nous avons un maillage que nous considérons suffisant à l’heure actuelle et, d’autre part, nous privilégions la croissance externe de nos adhérents existants. Nous avons toutefois quelques projets sur le territoire corse où nous sommes sollicités par un certain nombre de clients.
Quels ont été les projets et les investissements engagés ?
Vivalya, c’est des hommes, c’est de la croissance du chiffre d’affaires, mais c’est aussi de la modernisation des outils. Ainsi, Le Réseau Le Saint a un projet d’entrepôt sur Bayonne avec Primadour ; Ribégroupe a investi plus de 4,5 millions pour un gros projet d’entrepôt de 8 000 m² sur Rouen qui se finalise pour une livraison en 2019. Il y a un projet de Sapam dans l’Est qui est en train de reprendre un entrepôt qui appartenait à une grosse unité de grande distribution de 8 000 m² aussi pour reformater son site de Strasbourg et remettre de la marge de progrès. Le Réseau Provence-Dauphiné a, quant à lui, un projet d’entrepôt sur Marseille… En 2018, le réseau Vivalya a donc encore beaucoup investi dans les locaux. À cela s’ajoute aussi l’uniformisation des outils informatiques chez nos adhérents.
Quel est bilan de la première année de « L'Ile-de-France a du Goût » ?
Cela a précédé la régionalisation de notre groupement, laquelle a donné naissance à 7 régions. Les opérateurs d’Ile-de-France ont eu une bonne initiative en mettant en commun leurs outils et nous montrent que l’on est sur la bonne voie. Dans les salons et expositions, l’Ile-de-France prend des options intéressantes et devient une force logistique intégrée, chaque entreprise restant bien sûr indépendante. De fait, nous déclinons la signature – « L’Ouest a du Goût » regroupera les entreprises de la région ouest, etc. – que nous voulons attacher à un certain niveau d’engagement que nous appelons la charte Vivalya. Cela va se décliner entre 2019 et 2020. Et les initiatives que nous allons mener vont permettre de mettre en exergue ces actions de manière beaucoup plus forte, et cohérente.
Où en est votre réflexion sur la gestion de votre flotte de transport ?
C’est un sujet qui est d’actualité en effet. Notre groupement n’a que cinq ans et ses chantiers, décrits d’ailleurs par Zepros Distributeurs RHD, montrent bien que nous sommes allés très vite sur beaucoup de sujets. Sur celui-ci, c’est un peu plus long mais la logique reste la même : avec près de 800 véhicules sur le réseau, nous devons avoir une meilleure maîtrise de nos flux amont et aval. Pour l’aval, c’est le cas ; pour l’amont, pas encore.
Nous avons 85 % du réseau qui sont attestataires de transports pour compte de tiers, car nous avons poussé beaucoup de nos dépôts à travailler la partie capacitaire de transport. C’est donc quelque chose que nous allons mettre à profit, envers, à la fois, nos clients, dont certains nous sollicitent pour transporter d’autres types de marchandises en température compatible, et l’amont avec la ramasse de nos produits qui fait partie d’un axe de travail.
Comment s'orientent vos actions et votre discours afin de remettre le rôle du distributeur au sein de la chaîne d'approvisionnement du foodservice ?
Il faut en effet que nous puissions avancer sur ce dossier. Vivalya est membre de l’Union nationale du commerce de gros de fruits et légumes et, par ce biais, Vivalya est présent à la CGI au sein de différentes commissions. Il y a réellement une problématique de la compréhension de notre métier de la part des consommateurs, des élus, et du monde de la cité en général. Nous sommes époustouflés par la position de certains politiques sur les moyens qui sont à leur disposition via les distributeurs de proximité – que ce soit Vivalya ou les autres –, et qui essaient de construire des plateformes pour offrir un discours politique qui fait, a priori, du bien à entendre. Nous commençons donc à nous faire écouter, à la fois via les instances nationales, tels Interfel et la CGI, mais aussi via des démarches plus particulières comme notre récente participation à l’événement organisé au Conseil économique social et environnemental sur la restauration collective. Nous participerons de plus en plus à ces réunions et à ces tables rondes en 2019 et en 2020. C’est une présence accrue dans ces instances qui nous permettront d’expliquer le rôle exact que nous remplissons chaque jour et de faire preuve de pédagogie et de précision sur ces sujets. Pourquoi recréer des outils et des moyens logistiques qui existent déjà depuis plusieurs générations, entre des mains d’experts, de process déjà bien huilés… ?
Également, en ce qui concerne l’amont et le monde de la production, Vivalya prend des positions avec des associations comme Demain la Terre ou Pour une Agriculture du Vivant pour réfléchir à l’agroécologie, à un nouveau mode de fonctionnement et de culture, et à une meilleure rémunération des producteurs.
Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger