[Top 100] Philippe Guyot (Vivalya) : « Nous avons le bon discours et le bon positionnement »
Entretien avec Philippe Guyot, directeur de Vivalya*.
Quel a été le niveau d’activité des adhérents Vivalya en ce début d’année ?
Le début d’année était sur la lancée de 2019, avec une croissance de 8 % sur le premier trimestre. Puis, à partir du 15 mars, d’une façon générale, nos adhérents ont perdu de 30 à 80 % de chiffre d’affaires selon que les entreprises étaient plus ou moins dépendantes de la restauration. Mais, avec la restructuration interne et l’accompagnement des clients GMS qui ont particulièrement performé pendant le confinement, nous avons certains adhérents du groupement qui, de façon assez surprenante pendant cette période, ont réalisé des chiffres substantiels, et qui nous permettront de traverser cette crise sans embûches.
Comment les adhérents ont-ils accompagné leurs clients et leurs partenaires ?
D’une part, le groupement a tenu ses promesses. Il n’était pas question de fermer un entrepôt et d’abandonner un client. S’agissant de nos accords avec nos producteurs locaux fournisseurs, cela a été quasi indolore avec des volumes pratiquement stabilisés : en 1re gamme, ils écoulent plus que l’année dernière en mars, avril et mai. En revanche, ce qui s’est écroulé bien sûr c’est la 4e gamme, car propre à la restauration. D’autre part, la proximité a été permanente. Chaque semaine, nous faisions un point avec nos clients. Nous les informions des disponibilités, des tendances.
Il a fallu assurer l’approvisionnement sans rupture aux établissements ouverts, nous avons maintenu les livraisons avec des volumes très réduits. Nous nous sommes dit : « On est là, on continue, on n’abuse pas de la situation. » Nos clients savent qu’ils peuvent compter sur nous, c’est notre pacte de confiance mutuelle.
Comment va évoluer cet accompagnement des restaurants ?
L’accompagnement de Vivalya, c’est d’aider la restauration à trouver le bon mode de consommation des fruits et légumes de saison, de relancer et soutenir le label France. Il s’agit, ici, d’examiner l’équation qualité-prix, nous essayons de trouver le juste prix car les producteurs français sont concurrencés par les pays limitrophes, Espagne et Italie. Cela passe bien entendu par des opérations de mise en avant du produit « France » avec nos grands comptes, les AOP, Mon restau responsable, Demain la terre, etc. Celles-ci sont mises en place malgré l’incertitude des volumes de consommation : la restauration collective ne traite actuellement, en moyenne, qu’entre 20 et 50 % en nombre de couverts. Grâce à la force du réseau, nous arrivons à maintenir ces opérations et à communiquer. Nous souhaitons apporter à la table du consommateur un maximum de traçabilité et de visibilité sur la production locale et le producteur. C’est un engagement fort et tous nos outils vont être axés dans ce sens en 2020 et 2021.
Quels enseignements tirez-vous de cette crise ?
Vivalya va très certainement sortir indemne de cette crise. La raison est simple : nous réalisons plus de 50 % de notre chiffre d’affaires avec la grande distribution, or cette dernière, de mars à mai, a très bien fonctionné. Il n’y a pas eu de défaillances au sein du réseau, notre groupement est constitué d’entreprises qui ont une très bonne santé financière. Sur les 75 dépôts, environ 70 sont restés ouverts tout le temps, 5 ont fermé très provisoirement, dans la marée en particulier, mais ils ont rouvert rapidement car il y a eu une demande forte de la grande distribution qui est venue raviver la flamme de leur chiffre d’affaires. Enfin, tout le monde a parfaitement anticipé la mise en place des aides gouvernementales, PGE, reports…
Revenons sur 2019. Quel bilan en faites-vous ?
D’une façon générale, nous avons fait un très bon exercice 2019. Nous avons su développer notre business avec les clients actifs et, surtout, nous sommes capables d’apporter notre expertise auprès des grands opérateurs de la restauration. Cela se traduit par une croissance organique de 7,9 % avec un CA de 1,3 Md€ en cumulé sur 2019 dont 210 M€ en marée. Il me semble que nous avons le bon discours et le bon positionnement sur le marché pour répondre à la restauration en général. Ce qui nous importe c’est de fidéliser nos clients, de travailler avec eux sur le fond et durablement. Nous aimons bien utiliser l’expression « les bottes dans la terre et la tête dans les nuages ». Nous restons en effet très attachés à nos valeurs, à notre histoire et fidèles à notre structure, cependant, nous avons toujours été capables d’avancer sur des chantiers en nous projetant , en ayant un temps d’avance et surtout en nous remettant en question quand cela est nécessaire ! Cet ensemble de facteurs nous permet aujourd’hui d’être compétitifs et de continuer notre rayonnement.
Comment a évolué le groupement ?
Nous privilégions toujours les forces en interne, par des reprises de différents fonds de commerce entre nos adhérents afin de consolider leur activité. Nous avons également fortement investi dans l’outil de travail. Un tiers du parc de nos entrepôts a encore évolué et s’est vu doté d’agrandissement, d’extensions sur d’autres villes, etc. Notre ancrage local nous permet ainsi de participer au développement du tissu économique régional. Nous avons toujours un investissement de 20 à 30 M€ par an au sein de notre structure, ce qui n’est pas neutre.
Et puis, nous avons accueilli à l’été 2019 un adhérent qui vient compléter notre maillage avec une implantation sur le territoire corse. Il s’agit de Cash Primeurs, à Bastia et Propriano, cette société réalise environ 10 M€ de CA dans le foodservice. Son adhésion à Vivalya va lui permettre de répondre à une clientèle plus variée.
Les projets en cours – telle la réflexion sur la logistique amont – vont-ils être relancés ?
En effet, les chantiers sont reportés et beaucoup de choses ont été mises en stand-by avec la crise. La logistique reste un enjeu majeur. Ce qui est abouti en revanche, c’est notre présence sur le Sirha 2021. Ce sera une occasion de valoriser notre réseau et de nous retrouver. Ainsi, notre application web Lavieadugout.fr sera potentiellement enrichie d’ici à 2021. En plus de permettre un traitement de la donnée précis et lisible, l’outil se mue en un véritable portail vivant avec des articles, des reportages, des fiches produits et des présentations des producteurs. Il est notamment devenu le fer-de-lance de nos actions RSE.
*Entretien réalisé le 26 mai.
Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger