[Top 100] Pierric Bouleau : « Un monde d’opportunités et d’innovations ! »
Entretien avec Pierric Bouleau, directeur général de Creno, et Franck Andrieux, directeur commercial et marketing. Réalisé le 28 juin
Quel bilan tirez-vous de l’année écoulée pour Creno ?
P.B. : Nous avons passé individuellement et collectivement « la vague du Covid », mais cela a laissé des traces sur les résultats économiques et sur les liens sociaux dans tout l’écosystème. Les activités ont redémarré, mais pour autant il faudra probablement un ou deux ans pour revenir au niveau d’activité et de croissance de 2019.
Toutes les entreprises ont été bousculées, néanmoins ce qui se passe aujourd’hui est porteur de beaucoup d’opportunités. Il faut juste être capable d’ observer les évolutions et de discerner les plus pertinentes : par exemple, aller explorer de nouveaux territoires de commerce, offres et services ou mettre en œuvre de nouvelles organisations logistiques. Nos équipes se sont plutôt renforcées et nous avons voulu conserver toutes nos compétences humaines pour préparer la reprise.
La crise du Covid a plébiscité notre modèle de réseau d’entreprises indépendantes et locales, pour des valeurs d’agilité, d’expertise et de proximité. À nous maintenant d’aller mettre en valeur tout cela sur le terrain, avec beaucoup d’envie et de passion pour nos univers produits. Côté chiffres, l’activité de distribution de fruits et légumes, marée et viande, a reculé en moyenne de 15 à 20 %, et cela est conforme à celle du secteur d’activité.
Un autre élément qui marque l’année 2020-2021 pour le réseau, c’est le renforcement de l’action terrain de proximité des équipes « centrale » auprès de nos affiliés afin d’accompagner le développement de leurs activités tant d’un point de vue achat, commerce ou système de management de la qualité. Cela fait un an et demi que nous accélérons dans cette voie qui consiste à renforcer l’expertise métier de l’ensemble des équipes et à harmoniser notre fonctionnement. Cela demande de la conviction et de l’implication car nous voulons aller plus loin dans l’animation du réseau. Nous mettons ainsi à disposition un accompagnement technique, qualité, achat, commerce renforcé d’une dizaine de personnes.
F.A. : Nous avons observé beaucoup de mouvement de population dans les régions françaises. Les entreprises affiliées qui pouvaient perdre sur les dossiers nationaux ou localement sur la partie hors domicile ont gagné, voire grandi, grâce à ces transferts de population et de business vers les GMS. Cela va se reproduire cet été : en deux mois, on peut sauver la saison. Cela reste bien sûr plus difficile sur les grandes régions touristiques comme l’Ile-de-France et le Sud-Est.
Comment se déroule la reprise ?
P.B. : L’activité est certes en croissance par rapport à 2020, mais certaines entreprises sont encore à - 30 %, - 40 %, - 50 % par rapport à 2019 en fonction de leur portefeuille clients et gammes de produits. Je ne crois pas à la reprise dite en « V » dans nos domaines de la restauration collective et/ou commerciale et il faudra un peu de temps pour retrouver le bon rythme de confiance et de consommation. Globalement, à date, nous sommes encore à – 10 % en distribution de fruits et légumes, marée, viande pour l’ensemble du réseau.
Y a-t-il eu des défaillances ?
P.B. : Des fragilités, oui, des défaillances, non. De bonnes surprises aussi avec de nouveaux pôles d’actionnaires qui entrent et qui constituent de vraies richesses pour nous en matière de métier, de compétences humaines et d’ancrage tant en amont qu’en aval de nos entreprises. La coopérative Unéal est ainsi entrée au capital du Groupe Charlet (Bois Grenier – 59) via sa société Advitam en tant qu’actionnaire majoritaire, dans le cadre d’un projet global de filière alimentaire de proximité. C’est tout à la fois un nouveau projet pour notre affilié Charlet, mais également un atout majeur pour le groupe Creno pour la distribution de toute la région nord de la France. Autre évolution capitalistique : celle de l’entreprise Sodicru, affiliée sur l’est de la France, qui a été reprise par le groupe SOS Transition Écologique, acteur important de la réinsertion sociale avec des activités de 4e gamme locale et qui détient également La manufacture des légumes aux Mureaux, dans les Yvelines. Autre bonne nouvelle du réseau, celle de l’entreprise Normandie Fruits qui s’est implantée sur le nouveau Min de Caen (14) et qui va rayonner sur l’ensemble de la Normandie avec une offre très large de produits de maraîchers locaux, créant ainsi un nouveau pôle d’attractivité dans la région.
Quels sont les projets pour les quatre à cinq ans à venir ?
P.B. : Nos projets sont à mettre en perspective notamment de l’environnement juridique et réglementaire qui encadre nos marchés. Trois axes se dessinent devant nous : tout d’abord, la loi Egalim passionnante, complexe et exigeante par certains aspects, qui valorise la mise en marché des filières responsables et durables, et biologiques. Ensuite, le cadre de la loi Agec autour des emballages. Enfin, toutes les réflexions sur la logistique durable en milieu urbain et périurbain, laquelle est un challenge important pour notre métier de grossiste pour les cinq à dix ans.
F.A. : Il y a actuellement un projet dans le cadre de la loi Egalim, au niveau de l’offre produit proposée et au niveau de l’évolution des systèmes de traçabilité. C’est un chantier lourd, mais nous sommes déjà bien avancés. Nous avons recruté une personne dont la mission est d’accompagner les producteurs et les entreprises affiliées sur le terrain vers ces évolutions. Aujourd’hui, elle travaille beaucoup avec les collectifs de producteurs que nous faisons venir dans nos dépôts, afin de les informer, expliquer notre démarche Jardin d’Ici ainsi que les enjeux de la loi Egalim. Cette démarche collective permet de mieux accompagner les producteurs dans les démarches de certification tout en optimisant les coûts financiers pour ces derniers.
P.B. : D’un point de vue global, je reste toujours très surpris et heureux par la force de nos réseaux d’entreprises indépendants. Nous allons donc encore renforcer le maillage territorial du réseau tout en ayant fait évoluer le cadre de notre gouvernance, à savoir l’ouverture à terme au capital social de groupe Creno pour toutes les entreprises affiliées du réseau. Cela ne peut que donner du sens et de la force aux acteurs engagés dans un projet collectif.
Dans les orientations définies, nous renforçons nos liens avec l’amont de notre métier. Nous travaillons avec les producteurs locaux dans une démarche plus approfondie que nous ne l’avons jamais fait. Nous avons accompagné la labellisation au 1er semestre 2021 de la filière fruits à noyaux des Amis du Domaine de Marcerolles dans une démarche agriéthique et responsable et nous mettons en marché, via leur bureau commercial, l’ensemble des produits de la vallée du Rhône et de la Provence. C’est notre façon de soutenir les associations de producteurs qui sont engagées dans une démarche environnementale et/où sociétale. Notre capacité historique à monter des filières durables se poursuit également au travers d’un travail sur des familles produits pour la restauration avec des partenaires référencés, audités, accompagnés, qui vont apporter des réponses pertinentes aux attentes et besoins du marché et qui intègrent une démarche environnementale. La loi Egalim cautionne en fait notre métier et notre stratégie.
Pour répondre à ce cadre réglementaire, encore faut-il que l’offre soit disponible. Ainsi nous avons recruté récemment une responsable des produits bio pour notre bureau d’Agen afin de structurer, organiser et mettre en marché la vaste production bio du bassin du sud-ouest de la France. Ajoutons une autre évolution : le développement de nos activités vers tous les produits frais locaux régionaux. Nous avons recruté une personne pour travailler sur ces offres produits. En anticipation sur ces évolutions, l’ensemble du groupe et de ses sites est certifié sous la norme ISO 9001, tous produits frais.
La communauté Creno sera-t-elle présente au Sirha en septembre ?
P.B. : Non, nous n’y serons pas. La priorité de nos affiliés, c’est le business et la réussite de la reprise. Ils rencontrent des problèmes de ressources humaines -en particulier de préparateurs, chauffeurs-livreurs-, et aussi de produits, de clients qui ne savent pas s’ils seront ouverts ou fermés, donc toute leur énergie se concentre sur la façon de reprendre la main sur le commerce et de remettre les équipes au travail.
En revanche, nous prenons date pour le Sirha 2023 durant lequel nous fêterons les 50 ans du groupe !
Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger
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