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Transgourmet : « Nous sommes désormais reconnus comme un multispécialiste plutôt qu’un généraliste »

Jean Charles Schamberger
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Éric Decroix. © Gilles Dacquin

Entretien, réalisé le 11 décembre 2020, avec Éric Decroix, président de Transgourmet France.

 

Article paru page 10 dans Zepros Métiers Distributeurs RHD 10 daté Décembre 2020.
Pour consulter ou télécharger ce numéro, rendez-vous sur : https://zepros.eu/journaux/rhd/numeros/rhd-10/

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Comment accompagnez-vous les restaurateurs, qui souffrent aujourd’hui et qui ne rouvriront qu’en 2021 ?

Nous avons changé beaucoup de choses dans nos organisations. L’objectif est d’avoir une offre de produits et de services qui va booster les comptes d’exploitation de nos clients. Nous avons estimé en interne que ce n’était pas l’amélioration de notre compte d’exploitation qu’il faut viser l’année prochaine, mais celui de nos clients. C’est celui-ci qui nous fera vivre. Toute notre stratégie a consisté à établir, élaborer, mettre en place et déployer une offre produits, services, pricing, qui soit adaptée au retour de la profitabilité le plus rapidement possible pour nos clients. Nous avons un levier qui n’a pas d’équivalent sur le marché, à savoir qu’au-delà de notre modèle tritempératures, nous avons réussi à faire en sorte que tous les produits frais – BOF, fruits et légumes, viandes, produits de la mer – soient disponibles sur l’intégralité du territoire national, avec une partie stockée sur nos sites et une partie qui vient de Rungis.

Désormais, il y a des fruits et légumes dans les établissements Transgourmet Opérations de toute la France. Nous avons vraiment changé de dimension dans ce domaine et aujourd’hui notre offre de services remporte un très grand succès. Car avec cette massification, qui va jusqu’à l’ultrafrais, depuis les produits d’hygiène, en passant par le non-alimentaire et l’épicerie, nous avons réussi à construire une péréquation économique qui nous permet d’avoir un pricing vraiment gagnant-gagnant. Plus un client commandera chez Transgourmet, plus il aura des prix bas.

Cette offre est-elle adaptée à la période que vivent les restaurateurs, à savoir l’absence de visibilité ?

Ce n’est pas le client qui massifie en commandant toutes les gammes chez Transgourmet. Nous massifions pour lui dans notre camion. S’il est livré souvent en fruits et légumes, il n’est pas obligé d’acheter en quantité pour avoir un prix en épicerie. Nous pouvons le livrer chaque jour dans des petites quantités de chaque référence. Ce service apporte à la fois de la facilité, de la fraîcheur et c’est en même temps un plan antirupture. Nous répondons au plus près tout en offrant les meilleures conditions. Pour cette reprise, les clients ne vont pas avoir besoin de stocks énormes, mais plutôt de réactivité et de simplicité dans leur supply chain. Par ailleurs, les restaurateurs sont aussi dans l’expectative en termes de personnels, car il risque d’y avoir une érosion dans leurs équipes. Nous préparons donc pour janvier une mise en avant de gammes de produits qui vont simplifier le travail du cuisinier. Il s’agira des produits de 4e et 5e gammes, ainsi que d’une nouvelle gamme baptisée Smart Cuisine que nous allons lancer fin janvier avec une soixantaine de produits de très haute qualité pour pouvoir servir à la fois la restauration d’hôtel, mais aussi la restauration de kiosques en collectivités, etc. Nous ne nous interdisons rien avec ce type de produits monoportion, qu’il s’agisse d’entrées, de plats de résistance, de desserts, en frais, en surgelé. C’est vraiment une nouvelle solution qui va intégrer, dans la foulée, de l’équipement avec une préprogrammation de four pour une remise en température optimale. Cette proposition accélère à la fois la disponibilité, la rapidité et la productivité.

Deuxième nouvelle offre en lancement : Transgourmet Natura*. À travers celle-ci, nous serons le premier fournisseur du foodservice à proposer sa marque propre en produits biologiques. Nous allons tenir notre challenge en présentant, dès janvier, une première gamme d’environ 60 références de produits bio. D’abord, l’essentiel : la crémerie, les fruits et légumes et l’épicerie. Puis, sur 2021, chaque mois, de nouveaux produits enrichiront la gamme Transgourmet Natura, laquelle vient compléter un assortiment de 600 références bio. L’enjeu est d’avoir des produits bio au prix le plus juste possible et d’aider nos clients à massifier leurs achats chez Transgourmet. Nous répondons, ici, à l’attente des clients sur les produits avec lesquels ils vont pouvoir communiquer auprès de leurs propres consommateurs, ainsi que nous le faisons déjà sur les gammes de produits locaux.

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Éric Decroix. © Gilles Dacquin
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Comment vivez-vous cette seconde période de fermeture des restaurants ?

Ce qui a vraiment été important durant le dernier confinement, c’est que nous avons laissé nos équipes sur le terrain à 100 % tout le temps. On ne peut pas être chez nos clients uniquement « quand il fait beau », c’est au moment où c’est le plus difficile qu’il faut être le plus proche. Il n’y a pas eu de chômage partiel chez Transgourmet dans les équipes de vente, toutes nos forces commerciales étaient auprès de nos clients : pas seulement nos vendeurs en restauration sociale et en boulangerie-pâtisserie, mais également en restauration commerciale. Nos clients n’ont pas de consommateurs, mais ils ont du temps.

De fait, nous avons lancé un grand plan de proximité et de prospection sur le terrain. D’une part, pour être au plus près de nos clients et des restaurateurs qui pouvaient en avoir besoin. D’autre part, pour leur expliquer, en quatre points, ce que nous faisons aujourd’hui et ce que nous lançons en janvier : 1-la livraison unique ultime, laquelle est dé-sormais une réalité. 2-Nos nouvelles offres pour répondre aux demandes de produits locaux et, maintenant, bio avec Transgourmet Natura. 3-Notre réponse aux impératifs de l’évolution de la restauration – le click & collect, le manque de cuisiniers, etc. – avec Smart Cuisine. 4-L’accélération de la digitalisation.

Quelle croissance enregistrez-vous en e-commerce ?

Les ventes internet pures, c’est-à-dire la solution e-Quilibre et notre site internet, représentent 42 % de notre chiffre d’affaires. Les choses s’accélèrent fortement autour des services digitaux. Nous avions lancé un tout nouveau site e-commerce en juin et nous continuons de développer de nouvelles fonctionnalités au sein de celui-ci. Nous sommes prêts pour passer le cap des 50 % en 2021 afin que nos commerciaux et télévendeurs consacrent plus de temps à conseiller leurs clients.

Notre solution internet e-Quilibre d’aide aux menus et de gestion budgétaire séduit de plus en plus dans le milieu des maisons de retraite et de la santé. Cela rencontre un grand succès, car ici le modèle économique est inversé : nous nous engageons sur un budget par convive que nous respectons et nous articulons tout l’assortiment et le réapprovisionnement en fonction de ce dernier.

Enfin, de plus en plus de nos clients plébiscitent notre solution digitale de caisse gastronovi. Tous les modules permettant d’optimiser la gestion sont proposés au restaurateur : logiciel de caisse sur le cloud, module de réservation via Google, réservation en ligne, livraison et vente à emporter, commande sur place via QR code, cahier de rappel digital, etc.

Comment envisagez-vous l’atterrissage de l’année 2020 ?

La saison estivale a été plutôt bonne et nous a permis de retrouver de bons niveaux d’activité. Mais dès fin septembre-début octobre, nous avons remarqué un tassement dans nos ventes et l’arrivée du couvre-feu a marqué le début de la 2e vague d’arrêt de certaines activités. Désormais, nous sommes en confinement, la saison hivernale en stations et pour les vacances de Noël sera, de fait, très mauvaise en termes d’activité.

La première vague nous a permis de faire des choix et de concentrer nos efforts sur des projets de transformation importants que les équipes ont réussi à mener, même sur des périodes d’activité partielle.

Nous avons eu aussi un peu de chance grâce à notre positionnement, car nous sommes présents sur trois marchés : celui de la restauration sociale à laquelle nous proposons des solutions de pointe, celui de la restauration commerciale où nous sommes très bien implantés sur les segments les plus dynamiques comme le snacking et enfin nous faisons partie des acteurs qui ont une offre importante de boulangerie-pâtisserie. Cela devrait nous permettre de n’enregistrer qu’une baisse de chiffre d’affaires de 25 % en 2020.

Surtout, nous avons la chance d’avoir des enseignes clientes qui sont les plus dynamiques du marché. En cette période de contamination, sans faire de mauvais jeu de mots, Transgourmet veut être un « anti-sceptique » pour ses clients.

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À date, enregistrez-vous des défaillances chez certains clients ?

Étonnamment, pas encore. Je pense que les mesures gouvernementales dopent les entreprises. J’ai, en revanche, un peu d’appréhension pour les mois de mars et avril. On ne sent les emprunts que quand on les rembourse... C’est pour cela que notre mission consiste à proposer à nos clients d’adapter notre contribution à une accélération de la profitabilité.

Bien entendu, nous avons accompagné nos clients qui sont restés ouverts en restauration commerciale, notamment ceux qui s’essaient au click & collect. Il est envisageable que ce mode de consommation, et donc ces offres, perdure même après le confinement. Nous nous devons d’inspirer, d’être les partenaires dans ces changements de modèles chez nos clients, et nous possédons les offres parfaitement adaptées en termes de produits alimentaires comme non alimentaires – emballages notamment – comme de services incontournables, tel gastronovi, pour travailler des cartes à emporter. On estime que les clients en restauration commerciale qui sont restés ouverts réalisent de 10 à 15 % de leur activité habituelle en s’essayant à la livraison et au click & collect, hors dark kitchens.

Approvisionnez-vous les dark kitchens ?

Nous les accompagnions déjà. Nous avions des projets, notamment Smart Cuisine, et nous étions en recherche de partenaires. Ce qui nous a amenés à les rencontrer et à les accompagner. C’est une activité qui restera. Nous pensons qu’à l’avenir il y aura bien sûr plusieurs modèles économiques qui se complètent. Nous suivons cela de très près et si nous avons fait Smart Cuisine, ce n’est pas pour rien…

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Comment envisagez-vous 2021 ?

Nous avons accéléré le développement de notre stratégie et donc 2021 verra le déploiement du service total avec nos ventes One Stop Delivery, tous produits en A pour B, toute France, toutes gammes confondues, avec des ouvertures de sites le samedi, un pricing adapté gagnant-gagnant et un service digital qui s’est montré encore plus pertinent dans nos solutions. S’il y a bien un domaine où nous avons dépassé nos objectifs budgétés, c’est à travers gastronovi, e-Quilibre et l’e-commerce. La pertinence de ces solutions s’est révélée encore plus vraie avant et pendant la crise.

Nous sommes donc très optimistes pour l’année prochaine. Nous avons refusé de faire certaines économies pour rester en contact avec tous nos clients et aller les voir. Dès que nous avons présenté les offres, il y a énormément de grands clients qui ont signé. En fait, il y a beaucoup de petits tabous qui sont tombés. Nous sommes reconnus désormais comme un offreur de solutions facilitantes et comme un multispécialiste plutôt qu’un grand généraliste.

Les distributeurs foodservice qui fourniront les grands acteurs de la restauration de demain devront les accompagner sur un plan national, voire international. Il y aura une accélération de la concentration avec une demande d’efficience qui va faire appel à la créativité, à la modernité, à tout ce qui peut être digitalisé et cette attente sera très exigeante. Nous nous sentons très armés pour répondre à cela, en tout cas en 2021. Je suis très heureux pour notre entreprise, car tout ce travail de pionnier sur la RHF, sur le modèle logistique, et sur certaines solutions, qui n’est pourtant pas si facile à construire et à garantir, est en train d’être reconnu et commence à payer. Ajoutons que, chez Transgourmet, le digital sert les clients, mais ne les prive pas de commerciaux ni de télévendeurs. C’est aussi un outil puissant qui est mis à la disposition de nos équipes, mais pas contre elles.

Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger

*Cf. Zepros Distributeurs RHD 9 et Zepros Resto 80.
 

Chiffre d’affaires

Une année 2020 qui devrait finir à - 25 % en cumul
• Restauration commerciale : - 35 %
• Restauration collective : - 20 % (en croissance sur les deux derniers mois avec les nouveaux clients e-Quilibre)
• Boulangerie-pâtisserie : + 4 %
• Secteurs très fortement impactés et quasi à l’arrêt : hôtels, TOR, événementiel, lieux de transit, flux (gares, aéroports, aires d’autoroutes)

Jean Charles Schamberger
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