Yves Pellan, un restaurateur en colère

Chloé Labiche
Témoignage
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À la tête de deux brasseries à La Baule, La Croisette et La Villa, et d’un établissement à Rennes, Le Continental, Yves Pellan fait partie de ces indépendants à la fois solides et discrets de la restauration. Et pourtant depuis quelques semaines, l’homme a décidé de sortir de sa réserve.

D’abord par une vidéo mise en ligne sur les pages Facebook de ses établissements, qui enregistre plus de 350 000 vus, mais également par des prises de paroles radio et télévisées. « Quand j’ai entendu le détail des dispositifs mis en place, quand j’ai réalisé qu’il s’agissait de prêts, il m’a semblé évident qu’il fallait aller plus loin, que les moyens n’étaient pas à la mesure des enjeux », explique le restaurateur. Le jour de l’annonce il dit avoir perdu près de 10 000 € de marchandises par établissement du fait de la brutalité de l’annonce, « j’ai un collègue lyonnais qui y a laissé 45 000 €. Et pourtant toutes les PME et TPE se sont mises au garde-à-vous. À minuit tout était fermé », rappelle Yves Pellan. Une discipline et un civisme mal récompensés selon lui. « Les prêts garantis par l’État pour compenser des pertes d’exploitation ne sont pas une aide mais un non-sens en gestion, cela nous permet plus facilement de creuser notre tombe. Les prévisions parlent de 25 à 30 % des TPE-PME qui vont être balayées. Les prêts ne sont pas la bonne solution. D’autres pays comme l’Allemagne, le Japon ou le Royaume-Uni l’ont compris en mettant des milliards sur la table. Les charges sociales ne sont pas annulées mais décalées, il n’y a pas de cadeaux ! ».

L’entrepreneur détaille pour cela à quoi il s’apprête à faire face d’un point de vue comptable : ses 20 à 25 %, sur un chiffre d’affaires moyen mensuel, de charges fixes incompressibles, qui, ramenées à une estimation de 3 mois d’arrêt, grimpent à 60-75 % d’un CA moyen. « On arrive à 12 à 18 % d’un CA annuel à supporter. Une perte qu’il faudra étaler sur 6 ans : 5 ans de remboursement et 1 an de franchise. Cela fait de 2 à 3 % de votre CA annuel dédié au remboursement de sa dette. Hors la plupart des brasseries et restaurants dégagent entre 2 à 8 % de résultat net. Pendant 6 ans il faut que rien ne se passe, que le pouvoir d’achat soit fort, qu’il n’y ait pas d’autres événement météo, mouvements sociaux, manifestation… ». Yves Pellan rejoint donc de nombreux chefs et entrepreneurs français et réclame la création d’un fonds d’aide, afin de prendre en charge les pertes d’exploitation, financé par l’État et les assurances ainsi que la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sanitaire. « Nos cartes d’été sont prêtes mais comment va-t-on rouvrir ? Nous serons les derniers et dans des conditions pas du tout propices au développement. Nous n’y arriverons pas sans une aide majeure ! », prévient Yves Pellan qui vient de créer une association et travaille à un site pour porter sa cause.

Chloé Labiche
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