« La restauration est un enjeu crucial chez Accor »
Avec 1 800 établissements hôteliers en France et 960 restaurants, le groupe Accor met l’accent sur la restauration comme élément de fidélisation et de différenciation. Une force d’innovation portée par des marques comme Novotel, Mama Shelter ou encore Mercure qui recentre actuellement son ADN autour du « bistrot contemporain ». Une orientation qui fait la part belle au local et à l’écoresponsabilité. Cyril Gast, directeur opérationnel restauration midscale et premium d’Accor France, revient sur les ambitions du groupe en matière de restauration et la place donnée à l’expérience client et aux lieux de vie.
Aujourd’hui c’est la restauration qui permet de fidéliser les clients. Il faut une expérience client différenciante. Notre stratégie est notamment de ne plus avoir de lobby, de réception, de bar, de restaurant mais plutôt un seul espace où évoluer au fil de la journée que l’on soit client de l’hôtel, client extérieur ou encore coworker. L’idée est vraiment de créer des lieux de vie dans les rez-de-chaussée de nos hôtels. Le groupe compte 1 800 établissements en France et 960 restaurants. 50% de nos hôtels ont des restaurants, c’est pour cela que l’enjeu est crucial. Plus que de pousser cette part, le but est surtout de créer des lieux de vie, de se dire que s’il y a un bar ou un restaurant dans un lobby il faut faire en sorte que ce soit un espace attaché à sa localité c’est-à-dire aux clients qui vivent et travaillent à proximité. Nous réfléchissons aussi à proposer des concepts de restauration hors Accor : j’ai aujourd’hui des demandes sur des golfs ou d’autres marques.
Le social media, le fait que beaucoup de gens partagent leur expérience et les émissions culinaires ont clairement apporté un autre regard sur la restauration. Pour ce qui est du Covid je ne pense pas qu’il ait eu un impact réel sur la consommation à long terme. Dès que nos restaurants et nos terrasses ont rouvert, nous avons enregistré deux à trois fois plus de consommation qu’avant ! Par contre, il y a eu une évolution vis-à-vis de la RSE et du regard porté sur des produits mondialisés comme l’avocat, l’ananas, la viande etc. Il y aura je pense plus d’attentes en matière d’écoresponsabilité.
Pour Mercure, c’est assez simple, nous sommes sur du bistrot contemporain. C’est une carte exécutée par des chefs et tournée vers les produits locaux avec une cuisine simple et bonne. Chaque hôtel a cependant son identité et sa cuisine. Pour les autres marques que ce soit Ibis, Ibis Style, Novotel, MGallery : nous avons quelques ADN mais nous nous adaptons plus facilement au contexte. Nous réalisons une étude de marché puis nous créons le concept. Si, dans un endroit, il y a besoin d’une cuisine californienne, mexicaine ou autre, c’est ce que nous faisons. Nos concepts sont créés pour s’adapter aux besoins du marché.
De façon générale la restauration représente 30 % du chiffre d’affaires chez Accor. Aujourd’hui le client vient dans l’hôtel pour la marque et il y revient pour la restauration. On s’aperçoit, et encore plus depuis le Covid, que le client choisit son hôtel par rapport à ce qu’il peut y manger. C’est notre conviction : convaincre propriétaires ou partenaires que malgré une rentabilité moindre par rapport à l’hébergement, la restauration et l’expérience vécue font pencher la balance par rapport à la concurrence. Il faut convaincre le réseau, cela prend un peu plus de temps car nous demeurons des hôteliers avant tout mais cela va dans le bon sens.
La consommation hors domicile tout au long de la journée n’est pas encore très installée. Les heures de repas sont encore très marquées autour de 12h00-14h00 et 19h00-22h00. Dans les lieux ouverts toute la journée, même dans les grandes villes, nous avons réalisé quelques tests, à Lyon par exemple, nous avons vraiment des creux forts entre 15h00 et 18h00. Le client n’est pas encore prêt, comme à Amsterdam, Madrid ou dans d’autres grandes agglomérations à venir consommer un burger à toute heure de la journée.
Nous sommes ouverts à tout dans l’adaptation de l’offre à son marché. Le bon exemple est Pedzouille de Thomas Giraudier installé dans le Novotel Porte de Versailles ou encore l’association avec le chef Denny Imbroisi qui nous accompagne sur les recettes de la trattoria Condici au Novotel Paris Vaugirard Montparnasse. Ce que nous voulons c’est développer la restauration et faire vivre une expérience. Que ce soit travailler avec un chef juste en marque blanche pour soutenir les équipes et les former jusqu’à prendre une marque venant s’installer dans un de nos hôtels : nous n’avons pas vraiment de limites.
Oui, il devient essentiel. Nous avons travaillé avec Matthias Giroud pour la création de la carte du bar du Novotel Paris Vaugirard Montparnasse. Et je suis en contact avec plusieurs sociétés qui nous aident à créer nos offres. Il y a l’aspect visuel et gustatif pur du cocktail et la partie social media. Une belle terrasse, un beau verre et un coucher de soleil c’est facilement 10 000 vues en ligne. C’est ce que le bar a apporté avec la mixologie. Nos métiers sont en peine de recrutement : en disant qu’aujourd’hui nous avons des sommeliers, des chefs de cuisine, des mixologues, cela valorise notre secteur, nos équipes. Il n’y a rien de tel pour faire venir du monde. J’en suis le parfait exemple : je suis arrivé chez Accor en 1990 en tant que barman puis j’ai monté les échelons en restauration jusqu’à devenir F&B manager dans les hôtels. Je suis ensuite devenu directeur une dizaine d’années dans des marques en France pour terminer à la direction de la restauration France il y a 5 ans.
Cela se passe correctement car nous arrivons à nous engager avec nos fournisseurs. La difficulté majeure est davantage la partie vaisselle, arts de la table et travaux-rénovation. Nous sommes cependant hyper impactés par les hausses de tarifs mais nous avons la chance de pouvoir négocier au global. Je peux acheter du jambon 100 % français pour quatre marques, cela limite les hausses de tarif. Notre réflexion est peut-être plus d’améliorer l’offre en qualité et de la diminuer en quantité. Par exemple : proposer plutôt deux produits bien sourcés que trois. Nous travaillons notamment sur les petits-déjeuners de toutes les marques : réduire les propositions à la carte pour mieux acheter.
Travailler sur nos espaces de vie du rez-de-chaussée comme je vous l’expliquais est l’axe principal. Il y a aussi All Food : la plateforme de réservation pour nos restaurants créée en fin d’année dernière, que nous voulons mettre en avant avec nos restaurants/bars. Dernier point : la marque employeur. Nous souhaiterions valoriser l’opportunité de faire carrière au sein du groupe car les difficultés de recrutement sont encore très présentes que ce soit en nombre ou en qualité. Et cela aussi bien en salle qu’en cuisine.