Les boulangeries à l’assaut de la restauration rapide
La restauration en boulangerie n’en finit plus de progresser. Avec près de 30 % de la part de son CA, elle comble toutes les faims des clients et attise la convoitise des investisseurs. Décryptage avec Matteo Neri, de Xerfi.
Avec un chiffre d’affaires de 21 Md€, la boulangerie talonne la restauration rapide. Ce chiffre est global : il comprend la boulangerie artisanale, les boulangeries sous enseigne (Marie Blachère, Ange, Boulangerie Louise, Feuillette, Kayser ou encore Sophie Lebreuilly) et les terminaux de cuisson. Ces derniers assurent uniquement la cuisson des produits et proposent une offre snacking, la majorité d’entre eux sont rattachés à une enseigne nationale. On parle là de Paul (Groupe Holder), Brioche Dorée (Groupe Le Duff) ou encore La Croissanterie (Delineo).
Le cabinet Xerfi s’est intéressé à leur stratégie d’expansion et d’adaptation face aux nouveaux modes de consommation. « Après la baisse structurelle de la consommation de pain en France, la plupart des boulangeries se sont mises à vendre du snacking. Sandwichs, pizzas, burgers, plats chauds, boissons et même café génèrent aujourd’hui 35 % du chiffre d’affaires des terminaux de cuisson et 17 % de celui des boulangeries », nous apprend Matteo Neri, qui a dirigé l’étude, sortie en septembre 2024.
« Le snacking en boulangerie pèse désormais 10 % du marché de la restauration rapide. Le relais de croissance est énorme si l'on prend en compte les actifs qui préparent leur gamelle », Matteo Neri, directeur d’étude, Xerfi.
La boulangerie, nouvel espace de restauration
Les entreprises ont été classées d’après leur code Naf, établi par l’Insee. Depuis 2020, les boulangeries ont étoffé leur offre avec des salades, des pizzas, des burgers, voire des plats chauds. Il en va de même avec les boissons. À cette offre de restauration, s’ajoute des tables, des chaises, une connexion wifi, et voilà notre boulangerie transformée en espace de restauration. « Ces produits de snacking vendus en boulangerie pèsent désormais 3 Md€ et représentent 10 % du marché de la restauration rapide », développe Matteo Neri.
Dorénavant, les boulangeries copient sans vergogne les codes des majors de cette dernière : on retrouve les bornes de commandes, les menus petits prix et des espaces coffee-shops. « Cette nouvelle offre a permis à ces commerces de compenser la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières. Le chiffre d’affaires de la boulangerie artisanale a progressé de près de 8 % depuis 10 ans, pour s’établir à 18 Md€. Pour les terminaux de cuisson, c’est au moins 6 %. D’ici 2026, la croissance du secteur devrait encore progresser », décrypte Matteo Neri.
La pause déjeuner moins chère en boulangerie
Désormais, cela revient moins cher de manger dans une boulangerie qu’en restauration rapide, un comble. D’où l’intérêt des investisseurs. Le groupe Marie Blachère et ses 700 points de vente accolés à un Grand Frais fait la course en tête. Derrière, la concurrence s’agite. InVivo a racheté Boulangerie Louise, et le groupe Lov (Ladurée, boulangerie Liberté) a pris 35 % du capital de Boulangerie Ange. À sa tête, Nawfal Trabelsi, ancien patron de McDonald’s France. La boulangerie française est aussi un enjeu à l’international. Dernièrement, Experienced Capital a pris 30 % des parts de The French Bastards. Leurs boutiques ressemblent plus à des établissements de luxe qu’au boulanger du coin. Leur objectif : ouvrir plus de 40 points de vente en France et partir à l’international. Et que dire de Jean-François Feuillette, sacré entrepreneur de l’année, à la tête d’un empire de plus de 75 établissements, qui réalise 175 M€ de chiffre d’affaires ?
Les chiffres clés pour comprendre
o 17,8 Md€ Le CA des boulangeries (les indépendants, plus Marie Blachère, Ange, Louise, Feuillette, Sophie Lebreuilly, Kayser, Le Pétrin Ribeïrou, La Mie de Pain, etc.)
o 1,1 Md€ le CA de dépôts de pain
o 0,7 Md€ le CA des terminaux de cuisson (Paul, La Mie Câline, Brioche Dorée, La Panetière/Secrets de Pain, La Croissanterie, etc.)
o 36 % du CA est réalisé par la pâtisserie + sandwich + snacking salé + boisson (en moyenne en 2019, probablement plus aujourd'hui), et jusqu'à 50 % pour les terminaux de cuisson
o 6 Md€ dépensés par les Français en produits de restauration en boulangerie en 2023, soit 14 % du CA de la restauration rapide.
o 750 points de vente pour Marie Blachère, qui devance Burger King (500 PDV)