[Tendance] Le restaurant devient food expérience
Alors que la food s’est industrialisée, la marque devient le principal critère de sélection. Pour Zepros Resto, Frédéric Loeb, président de la société de conseil Loeb Innovation, explique ce qu'il définit comme la matrice de réinvention du foodservice.
Fin observateur de l’histoire et de l’évolution du foodservice depuis de nombreuses années, Frédéric Loeb, président de Loeb Innovation, interroge : « Est-ce la fin du restaurant ou sa réinvention ? » Pour inviter à la réflexion, il met en avant plusieurs paramètres déterminants. 1-La génération, car l’on grandit avec ses habitudes alimentaires. 2-Le pouvoir d’achat. 3-L’industrialisation : « les PGC représentent 70 % de l’alimentation des Français, pointe Frédéric Loeb. De fait la grande distribution devient un acteur du foodservice ».
Selon le consultant, le foodservice au sens large -c’est-à-dire les restaurants (commerciaux et collectifs) + le prêt à consommer + la livraison- représente « plus de 50 % des parts d’estomac en valeur ». A tel point que certains appartements de grandes métropoles comme Paris, New York, Tokyo, etc. n’ont plus de cuisine.
Frédéric Loeb en déduit deux types de terminaux, à l’image de ceux des aéroports. D’une part, le flux du restaurant qui amène désormais à se nourrir le moins cher possible, rapidement et le plus sainement possible. Pour répondre à ce triangle magique, le critère de sélection essentiel devient la marque : « qu’elles s’appellent Starbucks, Cojean, McDonald’s, Carrefour Market ou Monoprix, elles sont devenues des concurrentes directes », estime-t-il. Quel que soit leur pouvoir d’achat, 8 Français sur 10 vont au moins une fois par an chez McDonald’s ou un de ses concurrents majeurs ». D'autre part, les lieux de flux alimentaires ou de ravitaillement. Ceux-ci sont situés dans les sites de trafic, ils servent pour la livraison, ils servent pour l'achat et la revente. « C'est la réinvention du marché alimentaire, le food market élargi, soit 80 % du marché en volume », explique Frédéric Loeb. La marque reste ici aussi très forte. Le food market remplace le supermarket et le foodservice, car il n’y a plus ici de service mais quasi essentiellement de la production.
C’est ensuite le rêve qui définit la destination. « Celle-ci se déploie aujourd'hui depuis l'extrême tradition jusqu'à l'hyper modernité, du super access populaire au super access élitiste, c'est la matrice de réinvention », constate Frédéric Loeb. Cette food expérience doit être maximale, qu’il s’agisse de cuisine japonaise, de grande brasserie parisienne ou de top gastronomie, qu’il s’agisse de table telles que Paul Bocuse à Lyon, Plénitude à Paris, Ultraviolet à Shanghai, etc. « Cela va de l'expérience immersive à l'expérience expansive, comme chez Le Piaf de Paris Society où il y a de la musique, des chansons et où l’on danse. Et nous ne sommes ici qu’au début de tout ce que l’on peut imaginer », déclare Frédéric Loeb. Festive lorsqu’elle se substitue à l’assiette, l'expérience devra être extrêmement épicurienne lorsqu'il s'agit de grande gastronomie, à l’instar de chefs tels Guy Savoy, Yannick Alléno, Arnaud Donckele, Jérôme Banctel, Marc Haeberlin, Olivier Nasti, etc. mais encore trop peu nombreux, d’où la nécessité d'une réinvention.
Le Café Collection Baccarat ou encore le collectif de superlaitiers Au Pré ! auxquels a collaboré Loeb Innovation illustrent cette réinvention du foodservice. Enfin, l’inspiration viendra également de l’étranger. Frédéric Loeb en est persuadé. Avec son équipe, il vient ainsi d'accompagner la Winery Chandon (Californie) en matière de food expérience avec pour postulat de départ « on ne fait pas de restaurant, on propose des expériences. Le chef étant ici… le vin ! ».
CALIFORNIE
A la Winery Chandon, le chef c’est le vin !
Pour accompagner les 39 vins de la Winery Chandon (Groupe LVMH), Frédéric Loeb et son équipe ont imaginé des bouchées à partir de produits locaux qui subliment le goût à fond de transcender l'expérience. Ici la prestation s'affiche de 75 $ à 600 $ par personne. « Cet endroit va réaliser 20 M$ de chiffre d'affaires. Et ce n'est pas un restaurant car on a 6 ambiances différentes, 6 manières d'être assis selon les besoins, la nourriture est adaptée », explique Frédéric Loeb qui considère la Californie comme le laboratoire du futur. Il a aussi été surpris de découvrir que le chef sino-américain Peter Cham, pourtant très compétent et créatif, ne connaissait même pas Paul Bocuse.
Ici le client choisit son expérience (gastronomie, take away, show cooking, etc.)… et précise ses intolérances alimentaires et ses préférences. « C'est logique : lorsque l'on commande un burger à distance on peut adapter sa composition, le digital permet de choisir ses ingrédients. Pourquoi ne le pourrait-on pas au travers de cette foodexpérience ? », interroge le consultant. Le rythme de la production ne s’en trouve pas pour autant pénalisée : l’équipe peut envoyer jusqu’à 700 couverts par jour ! « La question, c’est comment on gère cela demain ? On ne pourra pas faire abstraction de ces expériences extrêmes », estime Frédéric Loeb.
AGROALIMENTAIRE
Au Pré ! réinvente le marché des produits ultrafrais
Le collectif de « superlaitiers » Au Pré ! (Loudéac, 22) réinvente le modèle de production du lait, permettant au producteur de percevoir 50 % de la valeur du lait. « Nous changeons le business model grâce à un plus juste équilibre entre le producteur, le distributeur et le consommateur », explique Frédéric Loeb. Une mini-usine très compacte élabore des produits laitiers à forte valeur, par exemple du lait à tartiner, très gourmand, à indice Nutriscore C. Reliée à la ferme par un « lactoduc », cette mini-usine utilise 99 % du lait. Les vaches sont de race jersiaise (originaire de l’Ile de Jersey), qui produisent un lait très riche, plus gras que les autres et sans lactose naturel grâce à leur alimentation.
Cette réinvention du modèle alimentaire, hypertechnologique, propose des produits très qualitatifs qui restent néanmoins abordables, distribués au travers d'un réseau de métiers de bouche locaux tenus par des commerçants entrepreneurs. « La restauration collective et Sodexo en particulier ont magnifiquement joué le jeu pour proposer le produit dans les maisons de retraite et les entreprises », souligne Frédéric Loeb. Ce modèle Au Pré ! est appelé à être dupliqué dans d'autres régions au travers d’une franchise.
CAFE BACCARAT COLLECTION
Rendre accessible la super qualité
Autre collaboration de Loeb Innovation, celle menée avec Baccarat destinée à rendre accessible la super qualité. « Nous avons refait le Café Baccarat Collection, à Baccarat en Meurthe-et-Moselle, avec des produits à forte valeur ajoutée à prix raisonnable permettant à n'importe qui de pouvoir vivre une petite partie de l'expérience Baccarat. Ici le ticket moyen se situe à 41 € par personne, dans un esprit salon de thé… tandis que l’expérience des Cristal Room Baccarat à Paris, en Asie ou aux Etats-Unis se situe entre 300 et 400 € », explique Frédéric Loeb, citant comme exemple le service du Coca-Cola Light dans un verre Harcourt Baccarat... selon la façon dont le consommait Karl Lagerfeld, mais pour le prix d'un Coca-Cola normal !