7j/7 ou ouvertures restreintes, vers une polarisation des modèles de boulangeries

, mis à jour le 11/09/2025 à 21h21
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Des horaires d'ouverture larges, du lundi au samedi. Une exception dans l'avenir ?

Les artisans indépendants sont toujours plus nombreux à étendre leurs jours de fermeture. Le dimanche est particulièrement ciblé : peu rentable de par la majoration salariale imposée et les typologies de produits vendus, ce jour peine à mobiliser alors que les entreprises cherchent à attirer et fidéliser du personnel. En parallèle, le discours pour la liberté d'entreprendre et l'ouverture 7j/7 continue de faire son chemin.

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Face à la nécessité de se préserver autant que leurs équipes, les dirigeants de boulangeries indépendantes se trouvent désormais contraints à un choix difficile : celui de renoncer à une partie de leur chiffre d'affaires en adoptant de nouveaux jours de fermeture. Après avoir renoncé à la "coupure" du milieu d'après-midi, les artisans avaient massivement fait le choix de l'ouverture 6j/7. Un modèle qui semble épuiser les structures, imposant souvent de travailler tous les jours au sein des laboratoires. A moins de disposer de larges équipes, l'implication du chef d'entreprise peut alors s'avérer trop lourde. A Cugnaux (Haute-Garonne), Blaise Dutilleul, à la tête de la boulangerie Au Pain par Nature, a fait le choix de fermer ses portes le dimanche en plus du lundi. "Afin de préserver nos équipes du surmenage, et de continuer à vous proposer un accueil et des produits à la hauteur de ce que vous attendez de nous – et de ce que nous aimons faire –, nous avons préféré adapter notre fonctionnement.", déclarait-il fin juillet sur le réseau social Facebook. Le dimanche étant une journée privilégiée pour la consommation de viennoiseries et pâtisseries, deux familles de produits peu rentables, le poids économique ne manque pas de peser dans la balance pour réaliser de tels choix... d'autant que les salariés bénéficient d'un taux horaire bonifié de 20% sur cette journée.

Faire un pas de côté, une volonté qui monte

D'autres adoptent une approche plus radicale, faisant le choix de changer profondément de modèle pour s'orienter vers des structures de petite taille. Après avoir tenu la boulangerie Mie & You à Lons-le-Saunier (Jura) pendant dix ans, Christophe Rochet s'est détourné de l'approche traditionnelle de son métier, pour ne plus ouvrir que deux jours par semaine et se concentrer sur des productions de pains et brioches au levain naturel. L'artisan a alors retrouvé un confort de vie perdu et une proximité forte avec sa famille. Autant d'éléments qui ne font pas partie du standard de la profession, alors même que les nouvelles générations refusent de hauts niveaux de sacrifices. L'artisan est loin d'être seul à mener cette réflexion. A Lyon (Rhône), Sylvain Tardy a cédé sa boulangerie O Fournil des Artistes en 2021 pour créer trois ans plus tard un projet plus proche de sa philosophie de travail. La Boulangerie Pop n'ouvre ainsi que l'après-midi, du lundi au vendredi.

Les réseaux et entreprises structurées occupent le terrain 7j/7

A l'opposé de ces démarches souvent qualifiées de "niches", les enseignes nationales et artisans disposant de plusieurs points de vente cherchent à l'inverse à satisfaire la clientèle tous les jours de l'année. Pour y parvenir, ils peuvent compter sur l'appui de la Fédération des Entrepreneurs de Boulangerie (FEB), qui défend l'ouverture 7j/7. De nombreux arrêtés préfectoraux imposant un jour de fermeture hebdomadaire ont été abrogés : désormais, il est possible de proposer du pain frais toute la semaine dans 54 départements, ce qui représente près de 34 millions de Français. Chaque entreprise reste libre de ses pratiques, la prise en compte des problématiques d'attractivité et de fidélisation du personnel demeurant à la charge de chacune des structures. Les défenseurs de cette liberté d'ouverture n'hésitent pas à étriller une pratique qualifiée de "dogme du passé", alors même que ses détracteurs cherchent à mettre en avant la protection de l'humain et des équilibres commerciaux. Au milieu, le client arbitre : sera-t-il prêt à renoncer à des gourmandises fraiches sur une ou plusieurs journées, ou se tournera-t-il vers des acteurs ouverts en continu ?

Rémi Héluin, Rédacteur en chef du magazine Zepros Boul-Pat
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