Les particuliers sont fans, mais le panier local vise aussi une clientèle professionnelle
La livraison de paniers de fruits et légumes est en train de changer nos habitudes alimentaires. Plutôt que d'aller au supermarché pour acheter des produits cultivés en Espagne, on préfère recevoir chez soi des fruits et légumes frais et locaux.
Tokster a voulu en savoir plus sur ce phénomène et est allé sur le terrain à la rencontre de l’une de ces sociétés à La Roquette-sur-Siagne dans les Alpes-Maritimes.
Si de nombreux particuliers sont conquis, ils visent désormais une clientèle professionnelle. Entreprises, restaurateurs et magasins alimentaires sont souvent intéressés par leurs produits.
Charles Breton, fondateur de « Mon Panier Local » et son associé Florian Barberis nous expliquent le fonctionnement, les difficultés et les évolutions de ce nouveau service. Un business qui s’avère économe, écologique, salutaire, éthique et pratique, en d’autres termes, qui respecte des valeurs dans l’air du temps.
Producteur et livreur
Que proposez-vous aux consommateurs ?
« Nous préparons des paniers de fruits et légumes issus d’une agriculture locale et raisonnée. Nous les livrons directement à domicile ou au travail de nos clients dans une grande partie du département. »
C’est un phénomène qui touche toute la France, qu’est-ce qui fait votre différence ?
« Nous nous démarquons par le fait d’avoir la double casquette producteur et livreur.
Pour nous, le circuit court est un aspect primordial afin d’avoir une consommation qui ait du sens. Pourquoi faire travailler une structure internationale située à des milliers de kilomètres d’ici qui cultive des produits traités au-delà du raisonnable, alors qu’on peut faire vivre des producteurs de notre territoire ? »
Des produits de saison et locaux
Charles est le livreur et c’est vous Florian qui êtes le producteur. Je me trouve donc sur vos terres au milieu de vos serres.
« Oui, il s’agit de mon exploitation agricole. Elle appartenait à mon père et à mon grand-père. Nous avons donc la chance de profiter d’un vaste réseau de producteurs locaux.
Je livre aussi ma production au MIN de Nice. Cela m’a permis de faire fructifier ce réseau avec d’autres producteurs dans les Alpes Maritimes, mais aussi en dehors comme à Cavaillon, Châteaurenard, et en Italie. »
Que cultivez-vous dans vos serres ?
« Nous cultivons des produits selon les saisons : des herbes (menthe, ciboulette, persil, basilic , aneth, coriandre), des salades comme la roquette, la mâche, du mesclun, des légumes comme les épinards, les blettes, les navets, du cresson, les cébettes, les choux, les artichauts, les courges, les pommes de terre, les patates douces, les carottes, les courgettes, les févettes, les aubergines, et bien sûr des fruits comme les melons, les concombres, les poivrons radis, et les tomates anciennes et les fraises.
Nous cultivons aussi des produits plus originaux en petite quantité comme le mélange asiatique, la mizuna , le wasabino, le radis asiatique, la mini pastèque. »
Un panier par semaine à 22 euros
C’est impressionnant, on peut donc trouver tout ça près de chez soi sans aller les chercher à l’autre bout du monde. Mais comment fait-on pour recevoir un panier ? Est-ce qu’on doit prendre un abonnement ?
« Aucun abonnement, nous ne voulons pas imposer une surconsommation aux clients n’en ayant pas besoin, n’étant pas disponible ou n’appréciant pas un produit. Le client commande quand le panier lui plaît et quand il est disponible.
On peut commander directement sur nos pages Facebook et Instagram, par téléphone (un SMS ou un simple appel), sur WhatsApp ou par email. Comme pour les livraisons que nous faisons à domicile ou au travail, nous nous adaptons aux exigences des clients. Nous souhaitons être des facilitateurs de vie. »
Comment connaître le contenu du panier et quand livrez-vous ?
« Chaque vendredi soir, on diffuse le panier sur nos réseaux sociaux et nous effectuons les livraisons du mardi au vendredi. Nous précisons la provenance de chaque article, les remplacements possibles et la liste de suppléments afin d’agrémenter son panier. »
Combien coûte un panier ?
« Le panier coûte 22 euros, livraison comprise. »
Comment faites-vous pour le composer et rester dans ce budget ? Est-ce que c’est rentable ?
« C’est la partie délicate de notre travail. En étant en direct avec les producteurs nous supprimons les coûts intermédiaires, mais on ne va pas se mentir le local a un coût. En étant producteur, nous rognons parfois sur nos marges pour rester dans le budget.
Nous avons la chance d’avoir chaque semaine une base solide de clients, car il est nécessaire de vendre un certain nombre de paniers pour être rentable. Nous livrons jusqu’à 200 paniers par semaine. C’est notre capacité maximum. L’évolution à moyen terme serait d’avoir un véhicule de livraison plus grand afin de ne pas avoir à refuser du monde comme nous sommes contraints de le faire parfois. »
Des particuliers et des entreprises
Qui sont vos clients ?
« Depuis notre création en 2021, nous avons eu plusieurs centaines de clients. Certains nous font confiance depuis le début. C’est une grande fierté pour nous.
Nous avons des clients réguliers, et d’autres qui viennent en fonction des saisons. Nous sommes enthousiastes de voir l’engouement de nos clients de passer en direct avec des producteurs locaux.
Nos clients sont souvent des particuliers, que ce soit en direct, par l’intermédiaire d’un CE ou d’un « référent commande » au sein d’une entreprise. Et nous avons également quelques professionnels qui ont été là dès le début et que nous avons gardés. »
Il y a donc de plus en plus d’entreprises qui s’intéressent à vos paniers.
« Nous avons des sociétés engagées comme STME (une société spécialisée en génie électrique et climatique) et SUN and GO (spécialiste des énergies renouvelables), qui en plus de mettre en place un système de commande et récolte de paniers au sein de l’entreprise, s’occupent de payer la moitié du panier pour ses salariés !
Nous avons des personnes engagées, même très jeunes, qui s’investissent dans le local comme l’association étudiante « Carrot & Collect » du Skema qui permet à ses membres de profiter de nos produits.
Nous avons également des sociétés comme Prodasynth, Pastor, le Royal Mougins Golf Resort ou même l’association 1pacte Emploi du PLIE de Cannes Pays de Lérins qui commandent des paniers de fruits pour ses salariés. Ou encore une jardinerie qui met en vente nos paniers.
C’est par ce type d’action, que ce soit de manière individuelle ou collective au sein d’entreprises, qu’on peut faire bouger les choses.
L’évolution la plus simple serait de travailler avec plus de sociétés, car on peut livrer plusieurs paniers au même endroit. »
Des paniers écolos et anti-gaspi
Vous êtes voisin avec Orso, le producteur de fruits et légumes qui fournit les restaurant du chef Fred Vacherié. Vous travaillez aussi avec des professionnels de la restauration. Pourriez-vous nous citer quelques exemples ?
« Oui, nous livrons des fruits et légumes pour « Fleur et Chloé », deux sœurs qui ont un local qui fait à la fois restaurant, salon de thé et pâtisserie à Cannes. Ils prennent des paniers pour leur activité professionnelle et leur consommation personnelle aussi.
Nous livrons aussi l’hôtel « La Corniche d’Or » à Mandelieu, essentiellement pour les petits déjeuners de leurs clients. »
Choisir un panier local n’est pas seulement une solution pour mieux consommer et mieux manger, c’est aussi avoir une conscience écologique et un plus grand respect de l’environnement. Que faites-vous dans ce sens ?
« Nous livrons dans des cagettes en bois (fini le sac en plastique du supermarché), et nous mettons les produits pouvant s’abîmer dans des sachets krafts. Nous récupérons ensuite les cagettes, les sachets krafts, les élastiques et même les boîtes d’œufs vides que nous pouvons réutiliser. »
Le panier local est-il aussi un bon moyen pour endiguer le gaspillage alimentaire ?
« L’un de nos producteurs de courges, nous avons ému l’année dernière. Il était effondré. Les supermarchés à qui il vendait habituellement sa production venaient de refuser de prendre ses butternuts, car ils étaient tachetés.
Il n’y avait aucun problème sur l’état et le goût, c’était juste un problème variétal, une petite imperfection visuelle à l’extérieur.
Malgré les campagnes sur les fruits et légumes moches, malgré les difficultés que beaucoup rencontrent pour se nourrir, on reste confronté à ce genre de problématique sur les fruits et légumes calibrés et bien colorés, c’est affligeant. Nos clients se sont régalés avec ces butternuts. Ils étaient contents et fiers de soutenir ce producteur ! »
Fred Vacherié expliquait justement dans une récente interview sur Zepros Resto que cela ne le dérange pas de récupérer des fruits et légumes abîmés : « Les courgettes, les tomates et les autres produits sont parfois moins esthétiques, mais on les choisit pour le goût avant tout. »
« C’est vrai, un restaurateur étoilé de la région avait l’habitude, par exemple, de nous prendre des tomates abîmées pour faire son coulis. »
La menace des intempéries
Ce n’est pas toujours facile de gérer une propriété agricole comme la vôtre qui s’étend sur 2,4 hectares et d’une trentaine de serres. Notamment ces dernières années avec les intempéries répétées. Avez-vous subi des dégâts matériels suite à la tempête en mars dernier ?
« Plus d’une dizaine de bâches ont été arrachées. Outre le coût des bâches et le temps perdu à les réinstaller, une grande partie des plants ont été perdus. »
Ces événements météorologiques sont de plus en plus fréquents. Comment faites-vous pour y faire face, voire les prévenir ?
« Nous avons la chance d’avoir des forages pour récupérer l'eau qui ont plusieurs dizaines d’années et qui nous permettent de faire face aux sécheresses de ces dernières saisons, mais jusqu’à quand ? Pour protéger vraiment l’exploitation, les investissements seraient colossaux !
De saison en saison, nous subissons les dérèglements climatiques. Pour la petite histoire, c’est à la suite des fortes inondations en 2019 que l’idée du panier local est née. J’étais venu aider Florian pour ramasser les débris de verre des serres détruites et on a commencé à discuter de cette possibilité. »
C’est souvent dans les moments difficiles que naissent les meilleures idées. Vous n’avez peut-être pas trouvé la parade décisive pour résister aux intempéries, mais vous avez trouvé la bonne idée (au bon moment) pour renforcer et développer votre exploitation agricole.
Les nouveaux commerçants
Votre business est aussi fédérateur, car d’autres commerçants collaborent avec vous. Cela vous a permis de diversifier votre offre, en proposant de livrer dans vos paniers d’autres produits en plus des fruits et légumes. Pourriez-vous nous citer quelques exemples ?
« Nous essayons de mettre en avant des producteurs amoureux de leur travail, ce sont souvent des affaires familiales et locales.
Nous ne pouvons pas faire rentrer ces articles dans le budget du panier, alors nous les proposons en supplément afin que les amoureux de produits locaux raffinés et les gourmands puissent garnir leurs paniers.
Nous commercialisons par exemple les miels de Jean-Louis Lautard, une référence dans le monde apicole, ses miels sont tous incroyables.
Nous travaillons également avec LB le Chocolat, société fondée par deux frères amoureux du chocolat, implantée à Mougins, leur pâte à tartiner est un régal.
On propose aussi les cafés du torréfacteur Cafés Indien où tous les grains sont torréfiés à Nice, c’est une institution niçoise depuis 1925 ! C’est le grand-père de Jean-François (le gérant actuel) qui a racheté cet emblématique établissement dans les années 70. Ils ont un choix écoresponsable impressionnant !
Enfin nous sommes fiers de mettre en vente début d’année 2024 les produits de la start-up « Vieille Graine » ! Nous allons commencer avec leurs pâtes (macaroni ou mezze) de sorgho bio ! Aurélien et Kevin ont eu la brillante idée de vouloir développer des produits à base de deux céréales anciennes plus résilientes, résistantes aux fortes sécheresses notamment, le millet et le sorgho.
Nous sortons parfois un peu de la région, mais c’est pour soutenir et mettre en avant un projet vertueux qui répond aux problématiques de nombreux agriculteurs et producteurs. »