[TOP INDEPENDANTS 2023] Des indépendants inspirants et vigilants

Chloé Labiche
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Restaurant Georgette

C’est dans un contexte à la fois tendu et morose que s’inscrit cette 6e édition du Top des indépendants de la restauration commerciale. Selon les données de la Banque de France publiées mi-novembre, le nombre de défaillances d'entreprises dans le secteur de l'hôtellerie-restauration de janvier à octobre a augmenté de 52 % par rapport à 2022.
 

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« Aujourd’hui, il y a la problématique des coûts de production (matières premières et énergie, masse salariale…) et celle du remboursement des PGE qui produisent un effet ciseaux terrible sur les trésoreries alors que nous avons des marges réduites. Et lorsque l’on n’a plus de trésorerie, on perd les soutiens bancaires », résume Catherine Quérard, la nouvelle présidente du Groupement des Hôtelleries & Restaurations de France. Peu de légèreté donc chez les restaurateurs que Zepros a interrogés, mais pas non plus de résignation. Plutôt un pragmatisme et un opportunisme à toute épreuve. 

Avancer avec humilité

« Nous avons passé une année 2022 difficile. La leçon que nous en avons tirée c’est que nous voulons avancer avec humilité, ne pas piloter par le haut et le seul chiffre d’affaires, mais par le terrain, et d’efficaces outils de gestion », explique Thibault Ordonneau à la tête du groupe lillois Good Life. Même prudence en termes de développement chez Philippe Cannatella, fondateur du groupe niçois Gusto Family, qui ne prévoit aucune ouverture tant qu’il n’aura pas résolu l’incontournable écueil du recrutement et de la fidélisation de ses collaborateurs ou encore chez Thomas Chérubin, du groupe toulousain À la Une. Si ce dernier qualifie sa position actuelle « d’attentiste » face à la conjoncture incertaine, une ouverture est pourtant prévue en 2024: un concept de restauration taillé sur mesure pour le concept de coliving lancé par The Boost Society, spécialiste du logement étudiant privé. À l’image d’All For You, autre grand indépendant toulousain qui vient de reprendre trois anciens Courtepaille pour y créer une nouvelle formule à la croisée du pub et du bouillon, ou encore du groupe parisien Coolangatta qui investit la proche banlieue à la demande des mairies pour y déployer des lieux de vie, Thomas Chérubin comme nombre de restaurateurs fait dans la dentelle et le sur-mesure pour pallier tout risque. Savoir s’adapter à un quartier, une ville, un public, une tendance, une demande, parfois même imposer une vision c’est toute la force des indépendants. « Sur notre segment, je crois que plus c’est sincère, plus cela fonctionne », glisse Thibault Ordonneau. Cet engagement et cette précision de dentellière valent aussi face au serpent de mer du recrutement : sujet de préoccupation numéro un des restaurateurs et véritable exercice d’inventivité. Sites internet flambants neufs, marque employeur travaillée, horaires de travail assouplis, outils digitaux convoqués, rémunérations revalorisées, programmes de formation mis en place, promotion interne accélérée, managers formés, salariés parfois même logés : les dirigeants font feu de tout bois pour doper leur attractivité. « Auparavant, nos managers avaient des primes en fonction du chiffre d’affaires, désormais elles sont conditionnées à la baisse du turn-over dans les restaurants », confie Philippe Cannatella.

Sur-mesure et bonnes pratiques

Et le développement peut également être inclus dans l’arsenal. « Après une phase de restructuration en 2022, nous avions moins de restaurants, mais avions gardé une grande partie des salariés. C’est pour cela que cette année il était important d’ouvrir un établissement », explique Jacques Thipthiphakone, à la tête du groupe breton Envie qui vient de mettre sur pieds le vaste Saint Jacques Café à Rennes. Du sur-mesure également pour faire face à l’inflation avec des arbitrages qui oscillent, selon les groupes, entre augmentations des prix à la carte, baisses des marges et suppressions de certains produits trop coûteux. Mais ces indépendants savent aussi massifier et optimiser en s’inspirant de bonnes pratiques propres aux grandes chaînes. Tous sont notamment solidement digitalisés au niveau du back-office. Les indépendants investissent, en outre, de plus en plus dans des outils de production pour faciliter le travail des équipes, réduire les coûts, assurer une qualité constante voire la faire grimper. Dans ces ateliers dédiés, on y confectionne charcuterie, glaces, pâtisseries, frites maison, produits sans gluten ou jus pressés à froid de grande qualité. « Nous en avons même profité pour lancer une activité BtoB et fournir des restaurants et hôtels de la région », confie Philippe Cannatella en évoquant ses deux nouveaux laboratoires de boulangerie et de pâtisserie-glacerie à Nice. Une belle illustration du pragmatisme et de l’opportunisme que manient les indépendants à la perfection.

« Notre sujet majeur, c’est l’emploi. Des restaurants qui ferment faute de personnel, c’est une catastrophe. L’emploi, la formation, l’attractivité du secteur, les salaires sont pour moi des enjeux fondamentaux. […] Les autres priorités concernent le coût des matières premières, celui de l’énergie, et tous les sujets connexes afin de savoir comment demain nous faisons fonctionner nos établissements et nous gardons notre clientèle », Catherine Quérard, présidente, Groupement des Hôtelleries & Restaurations de France.

« Nous sommes dans une zone de turbulences. La Banque de France nous dit quand même que 7 000 TPE-PME de l’hôtellerie-restauration sont en défaillance, et la demande nous montre que nous avons une vraie chute après les événements de la guerre au Moyen-Orient. S’il ne faut pas s’alarmer - nos adhérents sont des hommes et des femmes dans la résilience et l’adaptabilité, ils réagissent plutôt bien – il faut toutefois rester vigilant, car le marché fait que nous avons une permanence de gestions de crise et de montagnes russes. Nos affaires n’ont pas une trajectoire forcément linéaire », Thierry Marx, président confédéral, Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie.

Chloé Labiche
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