A la découverte du métier de Commerciale marée : interview avec Sandrine Ferret de Margain Marée

Je suis commerciale spécialisée en restauration (collective, traditionnelle et étoilée), et dans mon métier, il faut savoir choisir le produit qui correspond au client. La restauration collective a souvent des contraintes budgétaires, la restauration traditionnelle cherche des produits plus haut de gamme, mais à des prix intéressants, et les étoilés recherchent des produits d’exception, qu’ils achètent au coup par coup. Pour répondre à leurs attentes, il faut bien connaître les fournisseurs, ce qui me permet de cibler celui qui aura le produit qui convient.

Chez Margain Marée, on travaille en flux tendu, pour avoir le meilleur rapport qualité / fraîcheur. Je dis souvent qu’on travaille comme les tradeurs : le matin je regarde les prix, et j’achète les produits qui correspondent aux commandes de mes clients. Par exemple, si un client me demande de la longe de thon, je regarde les prix, et si la meilleure offre est à St Jean de Luz, c’est là-bas que je vais l’acheter. Le poisson pêché dans la nuit est proposé le matin à l’achat, il arrive le soir chez nous, et le lendemain il se retrouve dans l’assiette du consommateur !

C’est un métier où nous travaillons tôt le matin, je commence à regarder les prix dès 5h, et je fais les ventes entre 8h et midi. L’après-midi on fait ce que nous n’avons pas eu le temps de faire dans la matinée, de l’administratif, ou parfois des visites chez des clients…

Je suis rentrée dans le métier par l’intermédiaire de mon mari, que j’accompagnais le dimanche sur le marché de la gare de Lyon, où son père était poissonnier. Au début, il n’y avait pas de commercial du tout dans leur entreprise, et j’ai commencé à démarcher les restaurateurs. J’ai tout appris comme ça, et quand l’ancien marché de la gare de Lyon a fermé en 2008, mon mari et moi nous avons rejoint Margain Marée avec l’un de nos livreurs. Nos clients et nos fournisseurs nous ont suivi, et aujourd’hui notre fils y travaille aussi !

C’est un métier de passionnés, j’apprends encore des choses nouvelles après toutes ces années. Il n’y a pas longtemps, j’ai acheté et vendu du saumon sauvage de l’Adour à 80€ le kilo, on ne voit pas ça tous les jours !

Grâce à mon expérience, j’ai une très bonne connaissance des produits, ce qui me permet de bien conseiller les clients. Avec le temps, ils me font confiance, parce qu’ils savent que je sais trouver ce qu’ils aiment, et ce dont ils ont besoin.

Je peux leur proposer une alternative plus adaptée à leur budget pour leurs plats, qui sera aussi réussie, ou leur trouver exactement ce qu’ils veulent, comme ils le veulent. J’ai des clients qui ont changé six fois de restaurant, et que je suis toujours ! Pour me rappeler leurs préférences, je me sers de ma mémoire, et aussi de l’historique des commandes, qui m’aide beaucoup.

Il faut savoir parler le même langage qu’eux, et saisir toutes les subtilités : un poisson peut avoir plusieurs noms, ce qui peut prêter à confusion. Si on me demande du filet de loup, je m’assure que c’est bien du bar et pas du loup de mer !

Je conseille aussi mes clients pour la saisonnalité de la marée, par exemple, qui est moins connue que pour les fruits et légumes. Ils m’appellent pour savoir quels produits sont disponibles en ce moment, ou en cas de changement de carte… Les restaurateurs ont souvent un plat du jour, et de temps à autre des plats un peu plus spéciaux, plus recherchés. J’adapte mes conseils aussi en fonction des quantités qu’ils souhaitent, du nombre de personnes qu’ils vont servir. Il faut savoir se mettre à leur place, comprendre leurs besoins. Je peux vendre des caisses de 3kg ou de 5kg, mais aussi à la pièce, dans des caisses étiquetées au nom de mon client.

Chez Margain Marée, chaque commercial gère son portefeuille de clients pour l’achat et la vente, comme une mini-entreprise dans l’entreprise. Nous travaillons en circuit court pour la marchandise, mais aussi pour la vente ! Je connais donc très bien mes clients.

Notre travail consiste en priorité à bien acheter, et nous travaillons surtout avec des bateaux de pêche, en direct. Ces derniers temps, les prix ont augmenté, est cela est dû au prix du gasoil, mais pas seulement. Il y aussi la surpêche, et la concurrence du marché : pour le saumon par exemple, il y a une telle demande du marché asiatique, que parfois des productions entières sont achetées à l’avance.

Pour le poisson, la disponibilité dépend aussi des marées, de la météo… Parfois il faut anticiper, quand le mauvais temps est annoncé sur certains ports de pêche, et que l’on sait que les bateaux ne pourront pas sortir en mer. Pour le transport, nous travaillons avec Delanchy, ce qui nous permet d’être très rapides et réactifs – il faut aussi avoir en tête les horaires de ramasse du poisson. Pour Boulogne c’est 13h, dans certains ports de Bretagne ça va jusqu’à 10h30, mais pour St Jean de Luz, si le poisson arrive à 9h, c’est déjà trop tard…

L’une des difficultés que nous avons, c’est que les clients veulent de plus en plus un prix fixe. C’est très compliqué pour des produits où les prix varient autant. Nous essayons toujours d’obtenir les meilleurs prix pour nos clients, et quand nous arrivons à faire un bon coup, nous les faisons profiter. Cela leur fait plaisir, et contribue à renforcer nos liens de confiance.

Pour être bien positionné au niveau des prix, il faut avoir une bonne relation avec ses fournisseurs, et savoir acheter au bon moment et au bon endroit. L’approvisionnement joue un rôle essentiel, dans un contexte complexe. Par exemple, nous achetons en Ecosse, et avec le Brexit, tout passe sous le tunnel, avec des délais qui sont passés de 24h à 48h !

C’est vraiment un métier passionnant, dommage qu’il n’y ait pas plus de femmes dans le poisson. Cela vient de notre héritage, il y avait peu de femmes sur les marchés, c’étaient des métiers durs, qui se passaient beaucoup la nuit.

J’aime aussi l’esprit d’équipe, tout doit se passer comme prévu, chacun doit faire ce qu’il a à faire pour que tout fonctionne bien : quand on arrive le matin, l’équipe de nuit finit son travail, la vérification des livraisons, les contrôles qualité, le tri et la préparation sont déjà faits et les livraisons sont parties et tout est prêt à recommencer !  Nous livrons sur tous le quart Sud-Est, alors ce n’est pas une mince affaire.

Chez Margain Marée, certains employés sont arrivés il y a 20 ans et ils sont encore là. Comme le dit Monsieur Margain, « C’est un beau bateau ! ».