Guillaume Gomez : « Le Sirha est un rendez-vous mondial incontournable »

Jean Charles Schamberger
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Guillaume Gomez. © Frédérique Touitou

Entretien avec Guillaume Gomez, ambassadeur thématique. Réalisé le 3 septembre.

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Le 1er mars dernier, vous avez quitté les cuisines du Palais de L’Elysée dont vous étiez chef exécutif, pour devenir Représentant personnel du Président de la République pour la gastronomie, l’alimentation et les arts culinaires. En quoi consistent vos nouvelles fonctions ?

Mes interlocuteurs vont des producteurs aux distributeurs en passant par les transformateurs, les artisans, les grossistes, les vignerons, les cuisiniers, les pâtissiers, les glaciers… C’est-à-dire toutes celles et tous ceux qui font la gastronomie française au sens le plus large : on disait hier « de la fourche à la fourchette », désormais c’est « de la terre à la poubelle ». Nous avons en effet un champ d’action qui porte sur le travail des sols vivants jusqu’à la méthanisation des déchets alimentaires.

D’abord, je suis à leur écoute, en fonction des problématiques et des demandes de chacune et de chacun. Ensuite, je suis là pour faire briller et rayonner leur travail et leur engagement sur tout le territoire. Cela passe par des rencontres avec des interprofessions, des petits producteurs, des artisans, des écoles, etc. afin de travailler avec eux sur divers dossiers : des implantations, le futur des modes de production, l’avenir de la restauration, la valorisation de l’apprentissage, etc. afin de parvenir à une gastronomie qui soit plus engagée, que ce soit en termes social, sociétal ou environnemental. Pour faire aussi la promotion du mieux-manger du bien-manger au travers d’une approche assez complète.

Le président de la République m’a également demandé de veiller à ce que pendant les prochains grands événements internationaux – Coupe du monde de rugby 2023 et Jeux Olympiques 2024- la vision gastronomique soit prise en compte, dans sa globalité mais pas de façon élitiste.

Sur un plan pratique, je suis basé au Quai d’Orsay car c’est un rôle d’ambassadeur thématique. Je suis assisté de trois chargés de mission et je travaille avec les différentes administrations.

Qu’en est-il de l’année de la gastronomie voulue par le Président de la République et annoncée par le Premier ministre ?

Sur ce sujet, j’ai piloté un groupe de travail composé de Julia Bijaoui, Danièle Gerkens, Flore Lelièvre, Maguelone Pontier, Christian Regouby, Pierre Sanner, Jean-François Tostivint. Nous avons réalisé un rapport qui doit être remis au Premier ministre prochainement et qui donne des préconisations pour cette Année de la gastronomie, afin qu’elle soit le socle de la vision que l’on souhaite pour notre gastronomie et notre alimentation pour les prochaines années, à court, moyen et long termes.

Le président de la République est annoncé sur le Sirha Lyon. Quel sera le programme de visite d’Emmanuel Macron et quelles sont ses motivations ?

Le Sirha est le rendez-vous mondial incontournable de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation. C’est bien évidemment pour moi un rendez-vous très important. Je ne peux pas m’engager sur la venue et la visite du président de la République, mais, en effet, il a émis le souhait de soutenir la profession, tous ceux et celles qui s’y engagent et il a annoncé, lorsque nous étions en déplacement dans la Drome, qu’il viendrait soutenir la France dans les différentes compétitions qui se dérouleront sur le Sirha et peut-être échanger avec les différents acteurs de l’alimentation, de la restauration et de l’hôtellerie.

La grande réussite de ce salon est cette ouverture de la France sur l’Europe et le monde, sans toutefois être hégémonique. Lorsqu’on est un acteur engagé de ce monde de la restauration, à quelque poste et à quelque niveau que ce soit, il faut venir faire un tour au Sirha parce que tout s’y passe, tout le monde s’y rencontre et c’est le moment de changer les choses. Derrière une assiette, il y a des produits, des femmes et des hommes qui travaillent. C’est tout cela qui valorise l’alimentation française dans le monde.

Vous voyagez beaucoup. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la gastronomie française, d’une part, dans l’Hexagone ; d’autre part, dans le monde ?

Que ce soit en France ou dans le monde, je pense que, paradoxalement, on a jamais aussi bien mangé… et aussi mal mangé ! Aujourd’hui, nous avons tout pour bien faire et s’orienter vers une alimentation qui soit plus saine, au quotidien, et pourtant, on continue d’aller vers une alimentation qui n’est pas toujours en adéquation avec ce que veulent les gens, pas toujours très bonne pour la santé et l’environnement. Rappelons qu’en France, le diabète et le cholestérol liés à la mauvaise alimentation coûtent 20 Md€ par an !

La gastronomie française est ouverte, dynamique, tous ses acteurs bougent et s’adaptent. Chacun a su répondre à chaque fois aux attentes et envies du consommateur. Et dès que l’on parle d’alimentation, tous les pays du monde se tournent vers la France, vers sa diversité et sa qualité de produits, vers la technicité de ses acteurs, qu’ils soient de la production, de la transformation, de la cuisine ou du service.

Comment les chefs se réinventent-ils au lendemain de cette crise ?

Chefs, restaurateurs… et tous les artisans des métiers de bouche sont en perpétuelle réflexion pour évoluer, pour s’améliorer, pour aller de l’avant. Il n’y en a pas un qui fait depuis 30 ans le même métier. Quand l’innovation et la technique sont au service du goût, d’une alimentation plus sociale, plus environnementale, alors on prend une longueur d’avance.

La restauration collective vous tient aussi à cœur. Quelles belles initiatives y remarquez-vous aujourd’hui ?

Je ne mets pas la restauration collective à part en effet. Les acteurs de la restauration collective sont les premiers contributeurs de la gastronomie française. Ce sont eux qui servent le plus de repas, qui nourrissent nos enfants, les personnes hospitalisées et résidents en Ehpad. Valoriser leur travail, c’est valoriser toute la distribution de produits qui va avec.

Il y a de très belles initiatives comme Bleu-Blanc-Cœur. Nous travaillons avec le réseau Restau’Co, avec des mairies, des conseil départementaux, des acteurs politiques qui se posent des questions pour aller vers une alimentation plus engagée et plus respectueuse de nos valeurs. Personnellement, je milite depuis des années pour qu’il y ait des cours de cuisine obligatoires à l’école, avec une interaction des cantiniers et des cantinières. Il y en a, comme Evelyne Debourg, qui sont prêts à changer cela. Rappelons que mal manger, cela coûte très cher à toute la société.

La livraison et la VAE se sont beaucoup développées durant les confinements dus à la crise sanitaire. Comment les chefs doivent-ils les intégrer dans leur quotidien ?

La vente à emporter et la livraison vont continuer à se développer et on ne peut aller contre. En revanche, on peut proposer des systèmes vertueux et ne pas faire cela à n’importe quel prix, mettre des produits qui respectent les producteurs, proposer une restauration en adéquation avec ses valeurs et le modèle de son restaurant. Il y a de la place pour cela.

La restauration, déjà en déficit structurel de personnels, manque cruellement d’effectifs au lendemain de la crise. Comment susciter les vocations et conserver les talents ?

En moyenne aujourd’hui, les jeunes qui arrivent dans les métiers de l’hôtellerie restauration n’y restent pas 18 mois plus tard. Est-ce parce qu’ils ne gagnent pas assez d’argent ? Parce que l’ambiance n’y est pas bonne ? Parce qu’ils ne trouvent pas ce qu’ils sont venus chercher ?

Au sein de notre groupe de travail nous menons une grande réflexion sur le métier et sur la formation professionnelle, avec des chefs, des restaurateurs, des groupes de restauration, des professionnels de la formation, différents ministres. Cette réflexion qui doit se faire dès l’orientation des jeunes et aussi avec un souci de remise en question du métier.

Propos recueillis par Jean-Charles Schamberger
Extrait du numéro Zepros Métiers Resto 88 daté de septembre

Jean Charles Schamberger
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