Une proposition de loi redéfinit l’achat « local »
Le député RN Aurélien Dutremble veut imposer 80 % de produits locaux en restauration collective publique, avec une définition géographique précise. Un texte qui attaque frontalement la loi Egalim.
L’achat local, on en parle partout en restauration collective. Aurélien Dutremble, député RN de Saône-et-Loire élu en juillet 2024, a décidé de prendre le taureau par les cornes. L’homme politique a déposé le 18 novembre 2025 une proposition de loi qui entend redéfinir les règles d'approvisionnement de la restauration collective publique. Ancien technicien hospitalier et membre de la commission du développement durable, le parlementaire, cosignataire avec 89 de ses collègues, cible frontalement la loi Egalim qu'il juge inefficace face aux enjeux de souveraineté alimentaire.
L'article unique du texte propose de « remplacer l'obligation actuelle d'introduire 50 % de produits de qualité et durables (dont 20 % de bio) par un objectif beaucoup plus contraignant : 80 % de produits dont la culture, la récolte, l'élevage, la pêche ou la première transformation intervient dans une zone géographique de 150 kilomètres autour du lieu de consommation finale. »
Cette définition constitue le cœur de la proposition et une rupture juridique majeure. Le droit en vigueur interdit en effet toute préférence géographique explicite dans les marchés publics, au nom de la non-discrimination entre opérateurs économiques. Alors que la loi Egalim privilégie les labels et certifications sans critère géographique, le texte de Dutremble impose une proximité mesurable et vérifiable qui remet en cause ce principe. En cas d'insuffisance de production dans ce périmètre, celui-ci « pourrait être étendu jusqu'au territoire national par voie réglementaire ». Des dérogations seraient possibles via le préfet de région en cas de carence temporaire, de difficultés d'approvisionnement en zones de montagne ou ultramarines, ou de surcoût compromettant l'équilibre financier des gestionnaires.
Vers une souveraineté alimentaire assumée
L'exposé des motifs ne cache pas ses intentions politiques. Le député dénonce un système actuel qui permet d'introduire des produits importés labellisés tout en excluant des productions françaises non certifiées mais conformes aux normes nationales. Pour Dutremble, « cette situation crée une distorsion de concurrence préjudiciable aux agriculteurs français et illustre une schizophrénie normative : les collectivités veulent acheter local mais le droit leur interdit d'afficher cette préférence géographique. »
Sa proposition s'appuie sur des arguments écologiques, économiques et sanitaires. Réduire les intermédiaires entre producteurs et consommateurs permettrait de limiter les émissions de gaz à effet de serre liées au transport, de diminuer les emballages et d'encourager des pratiques agricoles respectueuses des sols et des saisons. Le texte « se veut également compatible avec les règles européennes de la commande publique et anticipe la révision attendue du règlement européen sur les systèmes alimentaires durables. »
La proposition ne supprime pas les exigences relatives aux produits biologiques et labellisés. Elle les repositionne dans un nouvel article I bis, permettant de cumuler les obligations : 80 % de produits locaux, dont une part de 50 % de produits de qualité avec 20 % de bio. Cette architecture vise à concilier approvisionnement de proximité et qualité environnementale.