
Repas scolaires : l’Unesco appelle à une révolution nutritionnelle mondiale
À l’occasion du sommet international « Nutrition for Growth », l’Unesco publie un rapport alarmant sur la qualité nutritionnelle des repas servis à l’école. L’organisation appelle à un changement de paradigme : moins de produits ultra-transformés, plus de produits frais, locaux, et une vraie éducation à l’alimentation.
Près d’un élève de primaire sur deux dans le monde reçoit aujourd’hui un repas à l’école (47 %). Un progrès considérable, salué par l’Unesco, qui souligne toutefois une faiblesse persistante : la qualité nutritionnelle des assiettes servies. Dans un rapport publié ce 27 mars, en marge du sommet « Nutrition for Growth » organisé à Paris, l’institution onusienne tire la sonnette d’alarme. Intitulé Education et nutrition : apprendre à bien manger, le document plaide pour un véritable virage qualitatif dans les politiques de restauration scolaire.
« Il faut aller plus loin en s’intéressant au contenu de l’assiette », martèle Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco. « Privilégier des plats équilibrés, à partir de produits frais, et transmettre aux enfants les bons réflexes alimentaires : c’est un enjeu de santé publique et un levier puissant pour l’éducation. »
Un impact mesuré sur la scolarisation
Les repas scolaires ne sont pas qu’un outil nutritionnel : ce sont aussi des leviers éducatifs et sociaux puissants. Une étude de l’Unesco publiée en 2023 a démontré que la mise en place de repas gratuits à l’école augmentait de 9 % la scolarisation et de 8 % l’assiduité des élèves. En parallèle, elle contribue à améliorer leurs résultats d’apprentissage.
Mais ces effets bénéfiques pourraient être démultipliés si la qualité des repas suivait. En 2022, près d’un tiers des repas scolaires dans le monde n’étaient pas conçus avec des nutritionnistes. Et seuls 93 pays sur 187 disposaient d’un cadre réglementaire en matière d’alimentation scolaire. Parmi eux, à peine 65 % réglementaient les ventes alimentaires dans les écoles (cafétérias, distributeurs, points de vente).
Une alerte face à la montée de l’obésité et de l’insécurité alimentaire
Ce manque de régulation interpelle d’autant plus que deux phénomènes convergents inquiètent les autorités sanitaires : la montée de l’obésité infantile – qui a plus que doublé depuis 1990 dans la majorité des pays – et l’aggravation de l’insécurité alimentaire.
Pour Daniel Humm, chef triplement étoilé et ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco pour l’éducation à l’alimentation depuis 2024, « l’école doit cultiver des habitudes saines, pas les compromettre. Manger des plats conçus par des professionnels, avec des produits locaux, c’est aussi apprendre à faire des choix alimentaires éclairés pour sa santé. »
Le rapport de l’Unesco valorise plusieurs programmes exemplaires qui ont su allier ambition nutritionnelle et impacts sociaux.
• Au Brésil, le programme national d’alimentation scolaire, soutenu par l’Unesco, a introduit des restrictions strictes sur les aliments ultra-transformés. Une part importante des produits servis est issue de l’agriculture familiale locale, garantissant fraîcheur, traçabilité et retombées économiques locales.
• En Chine, des réformes nutritionnelles dans les écoles rurales ont introduit légumes, lait et œufs dans les menus. Résultat : un apport accru en nutriments essentiels et une hausse significative de la fréquentation scolaire.
Intégrer l’éducation à l’alimentation dans les programmes
• Au Nigéria, le programme d’alimentation scolaire locale lancé en 2014 offre chaque jour un repas équilibré gratuit à plus de 9 millions d’enfants. Il a permis une augmentation de 20 % de la scolarisation dans les écoles primaires publiques.
• En Inde, l’État du Maharashtra a introduit du millet perlé bio enrichi en fer dans ses repas scolaires. Les résultats sont probants : amélioration de l’attention et de la mémoire chez les adolescents, tout en valorisant une culture locale peu utilisée.
Au-delà des menus, l’Unesco insiste sur la nécessité d’inscrire l’alimentation dans les programmes éducatifs. Objectif : donner aux jeunes les clés pour comprendre ce qu’ils mangent, développer leur autonomie alimentaire, et faire des choix éclairés pour leur santé. L’organisation prévoit ainsi de publier, dans les mois à venir, un manuel pratique et un programme de formation à destination des États et des professionnels de l’éducation. Elle s’inscrit également dans les travaux de la Coalition pour les repas scolaires, un collectif international qui milite pour qu’aucun enfant ne soit privé de repas nutritif à l’école.
Depuis 2022, l’Unesco a nommé deux chefs ambassadeurs de bonne volonté pour incarner cette ambition : Mauro Colagreco, engagé sur la biodiversité, et Daniel Humm, pour l’éducation à l’alimentation. Leur mission : sensibiliser le grand public et les décideurs, mais aussi valoriser les patrimoines culinaires, agricoles et gastronomiques dans les sites protégés par l’UNESCO.
À l’heure où les crises alimentaires et sanitaires se multiplient, l’école apparaît plus que jamais comme un rempart. Encore faut-il qu’elle serve dans ses cantines plus qu’un simple repas : une véritable éducation au goût, à la santé, et au vivre ensemble
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