Qu’est-ce qu’un vin bien élevé ? Chapitre 3 : l’élevage en cuves

Entre la fermentation alcoolique et la mise en bouteille, l’élevage constitue une étape essentielle de la vinification. Réalisé à l’origine dans des contenants en terre, de nouveau très présents dans les chais, puis en bois, il se produit depuis les années 1950 souvent en cuves. Leur grande contenance et leur longue durée de vie réduisent considérablement les manipulations. Par rapport aux fûts de chêne, elles ont également deux atouts majeurs : leur facilité d’entretien et leur neutralité aromatique. 

Côté matériau, il existe plusieurs options. Un temps délaissées au profit des cuves en acier inoxydable, les cuves en béton ont fait leur grand retour depuis une quinzaine d’années et le phénomène semble ne pas s’essouffler. C’est en tous cas ce que constate l’entreprise bourguignonne Nomblot, un des leaders mondiaux sur ce marché, pour lequel 2022 a représenté une année record. Au Château Haut Coulon, la plus petite propriété de la famille Castel, six cuves tronconiques en béton cellulaire de ce fabricant ont été acquises dès 2011. Elles servent à vinifier et à élever une grande partie des 3,29 hectares d’un seul tenant en Cadillac Côtes de Bordeaux. Leurs contenances, modestes et variées (de 30 jusqu’à 50 hL), permettent une sélection parcellaire précise. Leur forme, plus large et moins haute qu’une cuve traditionnelle, est à l’origine d’un pigeage naturel. « Au cours de la vinification, le chapeau de marc descend naturellement et reste en contact avec le jus » explique Stéphane Rouxel, le responsable du lieu. Par rapport à l’inox, le béton offre une meilleure stabilité thermique : il fait tampon avec les variations de températures extérieures et il met donc plus de temps à restituer la chaleur. De plus, à l'instar du bois, le béton brut de grande qualité utilisé par Nomblot, sans aucun ajout de produits chimique, ne serait pas complètement hermétique. « Si les études attestant la micro-oxygénation ont été réalisées sur des carreaux de 2cm d’épaisseur, plus fins que la paroi de nos cuves, nous sommes convaincus de la légère porosité de ces dernières. Jamais aucun arôme de réduction ne perturbe la dégustation » affirme Laurent Pacon, agent pour la marque. Ces fines bulles d’oxygène en provenance de l’extérieur assoupliraient les tanins et accentueraient l’aromatique du vin.

Au Château Haut Coulon, les sols d’argiles bleues montmorillonites (des argiles extrêmement rares de grande qualité, riches en minéraux), une densité élevée (7 400 pieds de vigne par hectare) et de petits rendements (25 hL/ha) produisent des vins puissants. À la cave, la volonté est aujourd’hui « de garder un style riche mais d’aller vers plus de fruit en privilégiant des extractions douces » confie Stéphane Rouxel.  Dans le verre, le millésime 2019 se traduit par une très belle densité avec des notes de fruits rouges portées par une sensation légèrement saline. La finale s’allonge avec élégance et reste sur la fraîcheur.