Chloé Labiche

« Se limiter aux seuls vodka/gin/rhum/tequila est dépassé »

Joshua Fontaine
Dirigeant
Quixotic Projects (Candelaria, Mary Céleste, à Paris)
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Joshua Fontaine

A la tête du groupe Quixotic Projects qui affiche deux adresses emblématiques de la scène cocktail parisienne, Candelaria et Mary Céleste, et une activité de consulting, Joshua Fontaine ajoute une corde à son arc. Cet Américain, Parisien d’adoption, vient de lancer Lutèce, un spiritueux en hommage à Paris et à la culture de l’apéritif.

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Depuis l’ouverture de Candelaria, il y a 12 ans, et de Mary Céleste qui vient de fêter ses 10 ans, comment a évolué le monde du bar et des cocktails en France ? 
Joshua Fontaine

L’offre mais aussi l’attente des consommateurs se sont considérablement étoffées. Nous nous sommes lancés juste après Experimental Group qui a initié ce vaste renouveau du cocktail. Nous étions peut-être 4 ou 5 bars un peu novateurs à Paris, aujourd’hui nous sommes une trentaine. Dans les pays anglophones, il y a toujours une présence forte du bar dans les restaurants avec des clients habitués à avoir accès facilement à des cocktails bien exécutés. Ce n’était pas le cas en France. Aujourd’hui, dans les adresses bistronomiques il y a au moins 2-3 cocktails type Negroni, Old Fashioned, parfois un cocktail signature. De plus en plus, les consommateurs aiment démarrer le repas avec un cocktail plutôt qu’un pastis, une gentiane ou une coupe de champagne. Ils sont conscients qu’ils peuvent avoir une proposition intéressante hors d’un bar. 

Quel est l’Intérêt pour un restaurant de décliner une carte de cocktails et de spiritueux singulière ?
Joshua Fontaine

D’abord répondre aux nouvelles attentes de la clientèle. Se différencier des concurrents qui n’ont peut-être pas encore avancé dans cette direction. Si c’est bien fait, avec des produits de qualité, le client est prêt à dépenser un peu plus. Plutôt qu’un verre de blanc à 6-8 € en début de repas, il ne sera pas choqué par un cocktail autour de 12-14 €. Cela fait rapidement la différence en termes de ticket moyen. Et les coefficients sont très bons, si c’est bien travaillé évidemment. Les clients avec un bon pouvoir d’achat attendent cela des établissements aujourd’hui : une offre cocktails et pourquoi pas des digestifs sympas. Nous pouvons répondre à ces besoins en réalisant une jolie marge.
 

Le bar a également beaucoup évolué en termes de sourcing…
Joshua Fontaine

Le mouvement craft n’est pas à l’œuvre seulement dans le monde de la bière, il l’est aussi dans celui des spiritueux et des vins. Les nouveaux établissements qui ouvrent avancent à coup sûr des cartes axées sur les vins nature/bio/en biodynamie, sur des bières locales avec quelques pressions intéressantes et des bières étrangères plus poussées en goût comme des gueuses, des lambics, des stouts, des IPA… Avec évidemment aussi une offre d’alcools pointue intégrant plusieurs types de gins, des mezcal, sotol, pisco, cachaça ou alcools japonais comme le whisky mais aussi le saké ou l’umeshu…Cela bouge vraiment. Avoir une carte de cocktails basée sur les seuls vodka/gin/rhum/tequila est dépassé. Les clients attendent de découvrir plus de saveurs. Un mouvement qui cohabite aussi avec le retour au bistrot et à une forme de tradition rassurante et réconfortante. Mais, même là, si on sert un cognac en fin de repas, il sera plutôt issu d’une maison plus confidentielle ou familiale.
 

Que pensez-vous de la tendance du no / low alcohol ?
Joshua Fontaine

C’est indispensable de proposer ce type d’offre. Il y a une vraie explosion d’acteurs sur ce créneau mais il n’y aura pas la place pour tous. Certains sortent du lot et sont plus qualitatifs mais c’est encore limité. Les clients sont curieux mais ne courent pas non plus après, surtout pour les spiritueux. Pour ce qui est des vins je n’en ai pas encore bu de bons sans alcool et cela va un peu à mon sens à l’encontre de la tendance en faveur de vins sans interventions, bio etc. C’est quand même assez scientifique et interventionniste. Chez nous ce sont les bières sans alcool qui fonctionnent le mieux. C’est aussi la catégorie qui a fait le plus de progrès en termes de goût pour se rapprocher au plus près de la vraie bière.

Vous avez lancé votre propre spiritueux baptisé Lutèce (voir encadré). De quelle envie est née cette marque ?
Joshua Fontaine

C’est un projet personnel que je mûris depuis 2020. En tant qu’Américain, j’ai découvert en en France cette culture de l’apéritif à la française que nous n’avons pas forcément aux Etats-Unis. J’apprécie ce moment de transition entre la journée de travail et le soir où l’on se pose, où l’on échange avec des amis… Or, à toutes les grandes terrasses des brasseries et cafés parisiens, tout le monde boit des produits italiens ou étrangers. Cela malgré la grande histoire des apéritifs français type Dubonnet, Lillet, Bonal à l’image devenue désuète. J’ai eu l’idée de lancer quelque chose avec un pied dans la tradition au niveau des ingrédients mais aussi avec une image plus à jour, un goût plus actuel, un positionnement plus responsable. Avec l’idée de baisser au maximum le taux de sucre pour répondre à la tendance healthy. Il manquait selon moi une marque forte et emblématique de spiritueux à Paris, quelque chose qui représente la capitale, l’esprit parisien.

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Lutèce
Chloé Labiche
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