[Spécial RSE] En route vers des flottes mixtes

, mis à jour le 15/03/2022 à 15h58
MOTORISATION UTILITAIRES
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Plusieurs types de motorisations plus écologiques que le diesel existent et d’autres sont attendues. Chacune possède ses avantages et ses inconvénients ce qui rend les choix compliqués pour les distributeurs. Surtout que de nombreux facteurs vont faire évoluer la situation.

Ils sont la première source des émissions de CO2 des distributeurs. « Ils » ce sont les camions utilisés pour les livraisons. Chez un poids lourd français de la distribution à la RHD, ces dernières sont responsables de 60 % des émissions de l’entreprise à elles seules. « Il y a environ 60 000 véhicules en compte propre dans l’ensemble des flottes de livraison des grossistes français dont la grande majorité roule encore au diesel. Cela donne une idée de l’enjeu de leur verdissement », lance Isabelle Bernet-Denin, directrice générale de la Confédération du commerce de gros et international (CGI). L’enjeu est d’autant plus fort que le niveau de pollution des véhicules devient une condition de leur accès aux centres-villes (cf. article p. 29). La « propreté » des moteurs de camions est aussi un argument commercial. « Dans des appels d’offres, on nous demande de calculer le tonnage de CO2 que nos livraisons vont occasionner. Et quand ce n’est pas quantifiable, on nous demande quelles actions nous menons pour réduire notre empreinte carbone », relate Dimitri Devillers, responsable supply chain de Forezia Snacking (58e de notre Top 100).

Sortir du diesel en plusieurs étapes

Agrocarburants, moteurs au GNV (gaz naturel pour véhicules), moteurs électriques traditionnels et demain moteurs électriques à hydrogène : différentes solutions existent pour réduire la pollution due aux camions. Mais les distributeurs se posent la même question. Laquelle faut-il choisir ? La réponse n’est pas pour tout de suite à en croire Jean Tavernier, responsable RSE de France Frais. « À partir de 2025-2030, nous aurons une meilleure visibilité sur les différentes technologies », annonce-t-il. En attendant, les distributeurs testent plusieurs technologies en conditions réelles afin d’être prêts le moment venu... La situation est d’autant plus floue qu’il se pourrait que la sortie du diesel se fasse en plusieurs étapes. Dans un premier temps, l’intention des distributeurs est de limiter les émissions nocives de leurs camions en optant pour des solutions simples, matures et qui leur demandent un investissement réduit, plutôt que pour des technologies potentiellement plus propres, mais qui imposent de renouveler les flottes.

Pour commencer, ils font en sorte d’avoir le maximum de camions à la norme Euro 6, la plus exigeante à ce jour en matière de lutte contre la pollution. Ils s’intéressent ensuite aux agrocarburants – le terme « biocarburants » est impropre ! L’avantage ? Là encore, il n’est pas nécessaire d’acheter de nouveaux véhicules pour les rendre plus verts. C’est le choix du distributeur de fruits et légumes francilien Duval-Boucharechas. Il mise sur l’Oleo100 (déclinaison française du B100), un agrocarburant produit à partir du colza qui promet une réduction de 60 % des émissions de CO2 et de 80 % de celles de particules fines. « Notre objectif est que 80 % de notre flotte (25 camions) fonctionne à l’Oleo100 au second semestre », annonce Jean-Christophe Gros qui codirige l’entreprise avec son frère. Si les agrocarburants constituent un progrès, ils ne sont pas la panacée. Ils continuent d’alimenter des moteurs thermiques et donc potentiellement polluants.

L’hydrogène pour solution

Les distributeurs qui veulent aller plus loin sur la voie écologique testent principalement deux autres technologies : le GNV et l’électrique. Elles présentent des avantages et des inconvénients, à commencer par celui d’avoir à renouveler les flottes. Or, un camion au gaz coûte environ 20 à 30 % plus cher à l’achat qu’un camion diesel et un véhicule électrique encore plus. Plus propre que le gasoil et pas plus onéreux en termes d’exploitation, le développement du gaz est aussi limité par les problématiques liées à l’avitaillement ; les stations-service sont beaucoup trop rares. « Même à Rungis, il faut patienter vingt à trente minutes avant de faire le plein », déplore ce distributeur. L’électrique, quant à lui, est une solution propre et silencieuse.

En outre, l’électricité qui sert ici de « carburant » est bon marché en France et les stations de rechargement se multiplient dans l’Hexagone. Malheureusement, les véhicules électriques sont pénalisés par leurs batteries : elles sont lourdes, ce qui limite la charge utile, et elles offrent une autonomie qui dépasse péniblement les 100 à 120 km. Comment sortir de ces impasses ? L’hydrogène pourrait être la solution. Les moteurs électriques alimentés par une pile à hydrogène sont propres ; ils ne rejettent que de l’eau ! Transgourmet mène un test en Suisse sur une quarantaine de véhicules. En Suisse toujours, un consortium de chargeurs, parmi lesquels Coop Suisse et Migros, a passé commande en 2018 auprès du fabricant coréen Hyundai pour la fourniture de 1 000 véhicules à hydrogène d’ici à 2023. Mais, là aussi, deux limites majeures existent : la technologie n’est pas encore mature et, surtout, les véhicules coûtent extrêmement cher pour l’instant.

Des motorisations adaptées aux parcours

La situation n’est pas figée. Plusieurs facteurs sont susceptibles de faire évoluer le rapport en faveur de l’une ou l’autre des motorisations : l’intensité de la pression législative ; la capacité des constructeurs de véhicules à fournir le marché en quantités suffisantes, les progrès futurs des motorisations – des batteries électriques offrant plus d’autonomie, par exemple ; la vitesse à laquelle le territoire se couvrira de stations d’avitaillement ; et, bien sûr, l’évolution des prix des modèles des constructeurs… Enfin, et c’est déterminant, à quel type de tournée les distributeurs destinent-ils leurs camions : distance à parcourir et environnement de circulation (urbain ou non) ?

Au final, les distributeurs devront sans doute s’équiper de flottes mixtes avec des camions aux motorisations différentes selon les parcours. Pour ses livraisons dans le périmètre urbain de Nantes Métropole, le distributeur de produits carnés et de produits de la mer Maison Berjac (63e de notre Top 100) met sur les routes 12 véhicules dont 4 « propres » – 2 à l’électrique et 2 au gaz – avec une préférence pour l’électrique. Et pour ces livraisons plus lointaines, il envisage de passer au gaz et peut-être demain à l’hydrogène. Pragmatisme.

Olivir Bitoun

Article extrait de Zepros Distributeurs RHD 11 daté Mai 2021

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