[Spécial RSE] Expertise requise pour livrer en centre-ville

Olivier Bitoun
DERNIER KILOMÈTRE
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Les livraisons en centre-ville sont toujours plus compliquées. Les professionnels qui sont davantage associés par les collectivités à la recherche de solutions pérennes en testent aussi de leur côté.

Va-t-il bientôt falloir montrer patte blanche ou plutôt patte « verte » pour livrer en centre-ville ? Probable. Plusieurs éléments s’additionnent pour rendre les livraisons vers le cœur des villes plus compliquées. À commencer par la multiplication des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Le concept inquiète les distributeurs, car la tendance est au renforcement de ces mesures. L’hétérogénéité leur pose aussi problème. « Dans les ZFE, les acteurs économiques, en particulier les grossistes, doivent s’adapter à des règles de livraisons urbaines différentes d’une collectivité à l’autre », souligne Isabelle Bernet-Denin, directrice générale de la Confédération du commerce de gros et international (CGI).

La réglementation n’est pas le seul paramètre qui complique la donne. À entendre les distributeurs, les clients en centre-ville – eux aussi soumis à des contraintes – sont également plus exigeants. « Quatre-vingts pour cent de nos clients veulent être livrés entre 9 h 00 et 11 h 00, ce qui est impossible », explique Dimitri Devillers, responsable supply chain de Forezia Snacking (58e de notre Top 100).

La logistique urbaine, un sujet politique

Quels efforts les distributeurs devront-ils consentir pour accéder aux centres-villes demain ? D’abord s’équiper de véhicules aux moteurs propres (cf. article p. 26). Jean-André Lasserre, directeur du programme InterLud* pour la CGI, prédit l’avènement d’un véhicule utilitaire urbain (VUB) pour les livraisons en centre-ville. Car au-delà des émissions de CO2 se posent également des questions sur les dimensions des véhicules et les nuisances sonores dont ils sont la cause. Mais, l’émergence d’un véhicule utilitaire profilé pour la ville et la définition de ZFE-m ne suffiront pas à résoudre tous les problèmes du dernier kilomètre. Il faudra aussi que les collectivités avec les acteurs concernés réussissent à coordonner les différents flux logistiques (GMS, grossistes, artisans, livraisons e-commerce et livraisons rapides, BTP…) qui se partagent la chaussée avec les autres usagers (transports en commun, automobilistes, deux-roues…).

Car la nouveauté est là ! La logistique BtoB est devenue un sujet politique ; l’organisation de ses circuits est à l’ordre du jour. Les collectivités ne la voient plus seulement comme une nuisance qu’il suffit de contraindre. Le programme InterLud en est une illustration. Jean-Jacques Bolzan, président de la Fédération des marchés de gros de France (FMGF), a aussi reçu du gouvernement la mission d’écrire un rapport sur la logistique urbaine.

Des spécialistes pour les livraisons en centre-ville

La recomposition de la logistique urbaine est en route mais, en attendant, les distributeurs s’adaptent. « Certains envisagent d’ouvrir des entrepôts plus près des centres-villes voire à l’intérieur des zones denses », explique Jean-André Lasserre. Se pose alors la question du foncier qui est souvent rare et cher dans les cœurs des villes... Autre scénario : les centres-villes pourraient-ils devenir le domaine réservé de prestataires logistiques spécialisés ? Urby, qui se présente comme « le spécialiste du premier et du dernier kilomètre », pourrait en faire partie (cf. encadré). « Nous possédons une cinquantaine de véhicules en propre, du vélo cargo au 12 tonnes, et nous investissons 20 M€ jusqu’en 2024 pour détenir 240 véhicules à faibles émissions toutes motorisations confondues », annonce-t-on chez Urby.

Le distributeur Forezia Snacking a confié une partie de ses flux à Urby pour le centre-ville de Lyon et à Oofrais (Sofrilog), un acteur comparable à Rungis, pour Paris intra-muros. Forezia Snacking ne délègue au total que 20 % de ses livraisons à ses deux prestataires. Mais pas n’importe lesquelles ! « Nous utilisons Urby et Oofrais en parallèle de nos tournées dédiées pour les livraisons cousues main. Cela fait partie de notre stratégie d’optimisation de nos tournées », note Dimitri Devillers. Explication. Forezia Snacking propose des créneaux de livraison à ses clients. Ceux qui ne peuvent pas s’y inscrire sont retirés de la tournée pour être confiés à Urby ou à Oofrais. L’objectif : livrer jusqu’à 20 clients au cours de la même tournée contre 15 actuellement.

D’autres scénarios pourraient également se jouer ainsi que l’imagine Jean Tavernier, le responsable RSE de France Frais : « On pourrait arriver à des sous-traitances croisées où des petits acteurs se répartiront les livraisons sur le mode : tu livres le nord du secteur pour moi et moi le sud pour toi », anticipe Jean Tavernier. Comme pour les motorisations des camions, il n’y aura sans doute pas de pensée unique s’agissant de la logistique urbaine. « On ne voit plus le dernier kilomètre seulement comme le domaine des livraisons e-commerce et des Uber Eats ou Deliveroo ; on commence à comprendre qu’il vaut parfois mieux, pour la pollution, charger un gros porteur plutôt que plusieurs véhicules de moins de 3,5 tonnes et que les plateformes urbaines n’ont pas réponse à tout », conclut Jean-André Lasserre.

*Programme lancé en mars 2020, sous le patronage du ministère de la Transition écologique, InterLud favorise le déploiement des Chartes de logistique urbaine durable dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 50 000 habitants. Déclinées localement, elles représentent des engagements à collaborer des EPCI et de tous les acteurs économiques.

Olivier Bitoun

Article extrait de Zepros Distributeurs RHD 11 daté Mai 2021

Urby veut s’imposer dans la logistique urbaine

Créé en 2018, l’opérateur logistique, filiale de La Poste et de la Banque des Territoires, dispose de 21 implantations dans 19 métropoles françaises, et entend s’installer dans 4 villes de plus d’ici à la fin de cette année.

Urby opère depuis deux types de plateformes :

• Les centres de mutualisation où il regroupe puis rééclate les volumes des chargeurs qui ne veulent plus entrer dans les centres-villes.

• Les espaces de logistique urbaine : depuis ces petits espaces situés dans les centres-villes, Urby organise des tournées en « boucles courtes » (préparation et livraison de petites commandes) avec des véhicules très légers.

Olivier Bitoun
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